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Environnement - COP 21 : le Réseau Action Climat appelle la France à redoubler d'efforts sur les énergies renouvelables et la fiscalité carbone

A trois mois de la grande conférence Paris Climat, les associations membres du Réseau Action Climat (*) appellent la France, en tant que pays hôte, à faire preuve d'exemplarité. Dans cette perspective, le gouvernement devrait, selon elles, prendre au plus vite cinq mesures, qu'elles ont présentées le 3 septembre. Car à leurs yeux, malgré l'adoption récente de la loi sur la transition énergétique, la France accuse un net retard en la matière. "Il manque le mode d'emploi de cette loi, à savoir la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour décliner les objectifs, a souligné Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat France lors de la présentation des propositions du Réseau. Nous sommes aujourd'hui en retard sur tous les dossiers de la transition énergétique et nous en appelons à François Hollande pour mettre la France sur la voie de l'exemplarité qui lui permettrait d'entraîner les autres pays dans une dynamique vertueuse."

100% d'énergies renouvelables en 2050

Pour les associations, la première mesure à prendre est de "relancer rapidement les énergies renouvelables" et de "fixer un cap à 100% d'ici à 2050". "Pendant que la transition énergétique avance partout dans le monde, la France prend du retard à cause de la prédominance du nucléaire", affirme Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Au rythme actuel, l'Hexagone aura du mal à atteindre l'objectif de 23% d'énergies renouvelables (ENR) dans la consommation finale d'énergie en 2020. "Nous développons aujourd'hui trois fois moins vite nos investissements dans les ENR que nos voisins européens", souligne le dirigeant de Greenpeace. La part des renouvelables dans la consommation d'électricité - 16,2% en 2012 – place la France au 14e rang européen seulement, loin derrière l'Autriche (68%) ou encore la Suède (67%), pointent les associations. Pourtant, "le développement des énergies renouvelables permettrait de réduire les pollutions et les risques des autres énergies, de produire de l'énergie adaptée aux ressources de chaque territoire, d'impliquer les citoyens dans les choix réalisés localement et dans les investissements, et de réduire le déficit de la balance commerciale et de créer plusieurs centaines de milliers d'emplois d'ici à 2030", vantent les associations. Elles mettent aussi en avant une étude récente de l'Ademe démontrant qu'il était non seulement possible de passer à 100% d'énergies renouvelables pour 2050 mais également à un coût comparable aux autres scénarios. Dans le cadre de la PPE, elles réclament une relance des projets d'énergies renouvelables "à la hauteur des ambitions que la France s'est fixées". Il faut aussi "s'assurer que la trajectoire fixée par la PPE est compatible avec la tenue de l'objectif de réduction à 50% de la part de nucléaire en 2025, ce qui passe par la planification de l'arrêt d'au moins 5 réacteurs entre 2015 et 2018", ajoutent-elles. Quant à la fixation d'un cap de 100% d'énergies renouvelables pour 2050, il faudra la transcrire dans un projet de loi.

Une vraie fiscalité environnementale

Le Réseau Action Climat demande aussi à l'Etat français, dans le cadre de sa politique de développement, de mettre fin aux soutiens publics au charbon et aux énergies fossiles à l'étranger. Autre proposition adressée au gouvernement dans la perspective de la COP 21 : adopter une taxe sur les transactions financières applicable à l'ensemble des produits financiers (actions et marché des produits dérivés), avec un taux "suffisamment ambitieux" - aligné sur les taux pratiqués au Royaume-Uni, par exemple -, et affecter la majorité de ses recettes à la lutte contre les changements climatiques et les grandes pandémies. Les associations pressent aussi le gouvernement de mettre en place "une réelle contribution climat-énergie" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. "La France reste à la traîne en matière de fiscalité environnementale, estime Morgane Créach. La composante carbone dans les taxes sur la consommation d'énergie est aujourd'hui tellement faible qu'elle ne peut pas modifier les comportements. En outre, l'électricité n'est pas concernée, le transport aérien non plus et les diesel reste très avantagé." Le Réseau Action Climat propose donc d'inscrire dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 "une trajectoire d'augmentation sur au moins trois ans comprenant une réévaluation du taux en 2016 à 32 euros la tonne de CO2 puis 39,50 euros la tonne en 2017 et enfin 47 euros en 2018". "C'est indispensable pour rejoindre progressivement l'objectif de la loi de transition énergétique", insistent les associations qui réclament aussi la suppression, "entre aujourd'hui et 2020", des niches fiscales "dommageables à l'environnement qui subventionnent les énergies fossiles", et la contribution du transport routier et aérien à la lutte contre le changement climatique en s'acquittant de cette taxe. Elles prônent une redistribution des recettes "de manière équitable et écologique", en commençant par mettre en œuvre des mesures d'accompagnement pour les ménages en situation de précarité énergétique, tel qu'un "bouclier énergétique" incluant le chèque énergie qui n'est toujours pas effectif. Elles appellent aussi à investir dans les "solutions de la transition énergétique" (rénovation de l'habitat, développement des transports en commun).

Soutien au train et au vélo

La cinquième grande mesure qu'elles réclament au gouvernement est en effet de "rendre accessibles à tous les solutions de mobilité alternatives à la voiture". "Le transport est le premier secteur en termes de pollution aujourd'hui et faute d'investissements adaptés, ses émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 9% entre 1990 et 2012", a expliqué Bernadette Caillard-Humeau, vice-présidente de la Fédération des usagers de la bicyclette (Fub). Les associations estiment que "le choix du tout routier s'est fait au détriment des trains, des vélos et de la santé". Alors que des suppressions de trains Intercités sont envisagées en 2016, elles demandent au gouvernement de s'engager d'ici à la COP 21 à sauvegarder et même renforcer le maillage national du réseau ferré et à rénover les infrastructures et les matériels roulants pour donner une nouvelle attractivité au train. Elles jugent aussi nécessaire de "faire une vraie place au vélo dans les politiques de mobilité". Pour cela, elles réclament la publication "sans plus attendre" du décret d'application de l'indemnité kilométrique vélo prévue par la loi de transition énergétique. C'est ce texte qui doit en effet fixer le montant de l'indemnité, qu'elle veulent au moins égal à celui de l'expérimentation (25 centimes/km), et la prime, rendue obligatoire par la loi et exonérée d'impôts et de cotisations sociales. Enfin, pour encourager les collectivités territoriales à développer le vélo, elles souhaitent que le gouvernement prévoie dans le PLF 2016 un appel à projet vélo national de 200 millions d'euros pour co-financer leurs projets, sur le modèle des précédents appels à projets en faveurs des transports collectifs en site propre.


Anne Lenormand


(*) Spécialisé sur le thème des changements climatiques, le Réseau Action climat-France (RAC-F) regroupe aujourd'hui 16 associations nationales de défense de l'environnement, de solidarité internationale, d'usagers des transports et d'alternatives énergétiques, parmi lesquelles Greenpeace, WWF, les Amis de la terre, Oxfam et la Fédération des usagers de la bicyclette