CRTE : la greffe écologique n'a pas pris

Dans un rapport publié le 13 mars, les grandes inspections dressent un bilan d'étape sévère des contrats de relance et de transition écologique. Alors que l'objectif d'en faire des contrats uniques leur paraît hors de portée, elles préconisent de les recentrer sur la transition écologique. Un sujet sur lequel ils manquent d'ambition.

La "petite révolution" promise par le gouvernement en créant les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) n’aura pas eu lieu. Lancés tambour battant dans les remous de la crise sanitaire, les 844 CRTE devaient préfigurer une nouvelle forme de relation entre l’État et les intercommunalités autour d’un projet de territoire sur la durée du mandat municipal (2020-2026). Dans un bilan à mi-parcours publié le 13 mars, les grandes inspections (Igas, IGA, IGF, Igedd) ont du mal à compter les points gagnants. Certes, elles saluent une "bonne démarche" et constatent un "net progrès" dans la lisibilité des projets d’investissements des intercommunalités et des communes. Mais l’objectif de faire du CRTE un contrat intégrateur unique regroupant l’ensemble des démarches contractuelles existantes à l’échelle intercommunale – vieille revendication des intercommunalités – "paraît hors d’atteinte". Quand bien même serait-elle vraiment souhaitable, vu que ces contrats répondent à leur propre logique, relèvent les inspections. D'ailleurs, certaines contractualisations comme les nouveaux contrats de ville font actuellement l'objet de discussions sans articulation avec les CRTE, ce qui "pourrait entraîner un sentiment de confusion auprès des élus locaux et des services déconcentrés".

Des régions peu impliquées

La volonté d’en faire le volet territorial des contrats de plan État-région n’a pas mieux réussi. Les régions se sont peu impliquées (de même que les départements), en raison de leur "faible association en amont et du calendrier contraint de signature". Certains présidents de région entretenant "des relations parfois politiquement compliquées avec l’État" ont manifesté peu d’entrain pour ce dispositif gouvernemental, quand d’autres privilégient leurs propres outils de contractualisation (comme les contrats territoriaux d’Occitanie). La région Grand Est constitue cependant une exception : elle se distingue "par son implication forte" dans la démarche CRTE rebaptisée localement "pacte territorial de relance et de transition écologique" (PTRTE) qui constitue à ses yeux une véritable "valeur ajoutée" (voir notre article du 11 février 2022). "La dynamique entourant les PTRTE se traduit, d’après les interlocuteurs rencontrés par la mission, par un usage plus rationnel des ressources budgétaires – grâce à une meilleure articulation des acteurs – ainsi qu’une approche globale permettant de rationaliser la comitologie et d’avoir une vision transversale des priorités portées de part et d’autre", souligne le rapport. La mission a pu également constater "une certaine réticence des conseils départementaux à soutenir une démarche intercommunale en raison de leur proximité avec les communes".

L’absence de ces deux niveaux de collectivités a ainsi limité le tour de table des financeurs. Il ne semble donc pas que les collectivités y aient gagné au change. C’était pourtant une revendication forte du bloc communal, très critique envers la logique d’appels à projets. Les collectivités ont certes pu bénéficier des mannes du plan de relance, mais cela s’est fait en dehors du cadre contractuel. "Les CRTE se sont essentiellement réduits à un cadre d’échanges autour de l’attribution de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), gérées par les préfets". La démarche n’a pas non permis d’atténuer les disparités des collectivités dans l’accès à l’ingénierie.

Plus grave encore, les CRTE n’ont souvent d’écologique que le nom. "Les CRTE n’ont pas aujourd’hui un effet de levier suffisant pour déployer la transition écologique dans les territoires", déplorent les inspections. La faute à un calendrier contraint qui n’a pas permis de dégager suffisamment d’ambition et à des financements limités à la DETR et la Dsil (centrés sur des projets d’équipements). "Plusieurs interlocuteurs de la mission ont ainsi indiqué que les orientations étaient plus claires pour les contrats de transition écologique (CTE)", déplorent les inspections, ces derniers ayant été fondus dans les CRTE. Ils se présentent comme une "agrégation" de projets communaux sans hiérarchisation. 

Faire des CRTE, le cadre de référence du fonds vert

Les rapporteurs estiment que la mise en place du "fonds vert" devrait répondre à l’absence de crédits spécifiques critiquée par les élus locaux. Même si les intercommunalités regrettent la création d’une plateforme internet au lieu de passer par les contrats (voir notre article du 14 mars 2023). À cet égard, la mission estime que les CRTE doivent être "clairement affichés comme le cadre de référence de l’utilisation des crédits du fonds vert".

Pour remettre les CRTE sur les rails, les inspections formulent 13 recommandations dont certaines s’adressent directement à la Première ministre, Élisabeth Borne. Elles lui demandent de "maintenir" la démarche, tout en recentrant ses objectifs sur la transition écologique, surtout que la période de relance est passée. "Le CRTE ne doit pas chercher à donner une vision universelle, exhaustive, de l’ensemble des interventions de l’État", estiment-elles. Elles proposent aussi de "renforcer la coordination entre l’ANCT, aux moyens renforcés, et le CGDD, acteur de référence pour la transition écologique" et de "veiller à ce que chaque territoire de CRTE se dote d’un outil de suivi de la transition écologique sur la base d’indicateurs retenus localement". En matière d’ingénierie, elles préconisent le financement d’un chef de projet pour les petites collectivités les moins dotées. Elles recommandent de généraliser le principe d’un "comité des financeurs départemental" dédié aux CRTE, associant la région et le département. Enfin, le rapport appelle à revoir les modalités des appels à projets avec une meilleure information en amont et un séquençage régulier, pour faciliter la maturation des projets. Voilà qui, à l'approche de la réforme institutionnelle, donnera matière à réflexion.

 

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