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Décentralisation : les présidents de départements affichent leurs ambitions, sondage à l'appui

Tandis que l'image de l'Etat auprès de l'opinion a été relativement ternie pendant la crise, celle du département ressort plutôt grandie, si l'on en croit un sondage de l'institut Harris interactive réalisé pour le département de l'Essonne. Des résultats que les présidents de départements seront tentés d'utiliser pour légitimer leurs revendications, au moment où l'exécutif consulte tous azimuts dans la perspective d'une nouvelle étape de décentralisation.

Prônant des responsabilités nouvelles, notamment dans les domaines social, économique et environnemental, les présidents de départements peuvent revendiquer le soutien de l'opinion, laquelle juge très majoritairement, à l'issue de la crise, que leur institution est "utile" et tournée "vers l'avenir". C'est en tout cas ce que révèle un sondage Harris interactive, réalisé pour le conseil départemental de l'Essonne, qui a été dévoilé ce mercredi après-midi. Soit peu avant qu'une délégation de l'Assemblée des départements (ADF) conduite par le président de l'association, Dominique Bussereau, ne soit reçue à l'Elysée. Alors que le chef de l'Etat consulte, on le sait, sur la réforme qui doit permettre de "bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités", comme il l'a déclaré dimanche dernier, ces résultats arrivent à point nommé pour les édiles départementaux.

Intérêt de ce sondage : sa réalisation au début du mois, donc à la fin du processus de déconfinement. Une majorité (59%) des 1.412 personnes de 18 ans et plus interrogées dans ce cadre estiment que leur département a été "utile aux citoyens" dans le contexte de l'épidémie de covid-19. Cela place la collectivité départementale en bonne position derrière les communes (69%). Mais devant les régions (57%) et l'Etat (51%), alors même que les décisions des responsables de ces deux échelons ont été les plus médiatisées. Les deux tiers de l'échantillon estiment même que leur département "a géré efficacement" la crise sanitaire. Toutefois, seulement 52% des sondés considèrent que le président de leur département "a été impliqué dans la gestion" de la crise. Un résultat un peu moins élevé que pour le préfet et le président de région (54%) et, sans surprise, très inférieur au score du maire (69%).

"Une institution moderne"

Interrogés cette fois sur les départements plus généralement, 80% des personnes interrogées disent avoir "une bonne opinion" sur eux, cette proportion étant plus basse que pour les communes (88%), mais plus élevée que pour les régions (78%) et surtout que l'Etat (48%). Lorsque les personnes enquêtées s'expriment sur leur attachement à leurs institutions, les réponses font apparaître, à peu de choses près, les mêmes résultats. Autre chiffre sur l'image du département : alors que la France est souvent "considérée comme un pays dépressif" et "critique", comme l'a noté Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique & opinion chez Harris interactive, 85% des sondés déclarent que l'action de leur département est à leurs yeux "positive". D'autres réponses vont dans le même sens :  78% des Français jugent que leur département est "dynamique" et 74% d'entre eux le trouvent "moderne, ancré dans son époque". Aux yeux du public, la collectivité départementale "n'est pas un instrument du passé" et on ne se dit pas qu'"on va le garder au titre patrimonial", commente l'expert de Harris interactive.

L'intervention des départements est jugée la plus positive dans les domaines du tourisme (73%), de l'animation et de la vie culturelle (72%), du développement des transports en commun (66%), du soutien aux activités sportives (65%) et du développement de l'accès à internet en très haut débit (64%). Leurs actions pour l'entretien du réseau routier départemental, le développement économique et l'emploi et la jeunesse sont perçues un peu moins favorablement (55% à 57% d'opinion positive).

Des compétences encore mal identifiées

Autres résultats intéressants : 40% des répondants attribuent l'entretien et la construction des collèges au département et environ un tiers d'entre eux savent qu'il est en charge des personnes âgées et de l'enfance. Mais seul un Français sur cinq (21%) attribue la responsabilité du RSA au département (contre 46% estimant que la compétence relève de l'Etat). Un comble pour les départements qui consacrent à cette politique une part croissante de leur budget.
Un tiers des personnes interrogées estiment, par ailleurs, que le département est en charge du transport scolaire, alors que depuis 2017, s'il intervient parfois dans ce domaine, ce n'est que par délégation de la région. En outre, une part non négligeable de la population répond que les départements sont en charge de l'aide aux entreprises locales (27%) et du soutien des entreprises en difficulté (16%), alors que les départements n'ont plus que des compétences très limitées dans ces domaines.

Développement économique : pour des marges de manoeuvre

Le soutien au développement économique et à l'emploi (38%), la protection de l'environnement (32%) et la situation des personnes âgées (29%) sont les trois principales priorités que les sondés assignent aux départements pour les prochaines années. "On attend qu'ils pallient parfois ce qui apparaît comme les défaillances de l'Etat", souligne Jean-Daniel Lévy.
"Attachés au département, les Français souhaitent "que l'on intervienne au-delà de nos propres compétences", conclut François Durovray, président du conseil départemental de l'Essonne. Autre enseignement à tirer, selon lui : le désir des Français de voir le département agir davantage dans le domaine du développement économique, un levier que la loi Notr lui a pourtant retiré en 2015. Il existe "un tissu économique qui ne passe pas dans les radars de la région", en particulier en Ile-de-France, a estimé l'élu LR. "L'enjeu pour les départements est d'être en capacité de détecter (les) pépites pour pouvoir les accompagner au début de leur vie ou à des moments importants, pour ensuite passer le relais aux régions". Le président du département de l'Essonne a aussi réclamé la reconnaissance du rôle du département en matière de rénovation de l'habitat et une clarification des compétences sociales des compétences départementales, lesquelles sont aujourd'hui partagées avec d'autres acteurs.