Déchets : l’association Zero Waste France demande un moratoire sur les nouveaux projets d'incinération

Dans un rapport publié ce 21 mai, l’association Zero Waste France s’inquiète du développement de méga-incinérateurs en France à des fins de production d’énergie. Elle les juge à la fois "décorrélés des ambitions de prévention des déchets" et "inefficaces sur le plan énergétique" et demande un moratoire sur tout nouvel incinérateur ou agrandissement.

Face aux "promesses fumeuses de l’incinération" - titre du rapport qu’elle a publié ce 21 mai -, l’association Zero Waste France, qui milite pour la réduction des déchets, alerte sur le développement de méga-incinérateurs en France à des fins de production d’énergie et appelle à un moratoire sur le développement de tels équipements. "Décorrélés des ambitions de prévention des déchets, ces projets coûteux et polluants sont pourtant inefficaces sur le plan énergétique", tranche-t-elle. En raison de la fin programmée de la mise en décharge - portée par l’objectif réglementaire de limiter à 10% d’ici 2035 la part des déchets ménagers et assimilés (DMA) admise en installation de stockage – l’incinération a connu ces dernières années un renouveau auprès des collectivités. Résultat : loin de tenir les objectifs de baisse fixés par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), les DMA ont augmenté, souligne Zero Waste France.

Politiques de prévention des déchets "grippées"

"Les chiffres sont clairs : les politiques de prévention des déchets sont grippées, estime Pauline Debrabandere, responsable plaidoyer et campagnes de l’association. Alors que la baisse de l’enfouissement était censée s’accompagner d’une diminution des déchets résiduels, elle s’est traduite par un simple transfert vers l’incinération." De plus, les nouveaux projets affichent des capacités de traitement massives et prévoient d’incinérer de plus en plus de déchets d’entreprises, relève Zero Waste France. Pour Pauline Debrabandere, "on fait payer au contribuable la gestion des déchets du secteur privé. C’est inacceptable ! Pour notre santé et la préservation de notre cadre de vie, il faut arrêter de financer les nouveaux projets d’incinérateurs et rediriger l’argent public vers toutes les initiatives qui permettent de réduire le gaspillage, comme le tri à la source des biodéchets, le réemploi et la réparation. Cela demande de la volonté politique et une planification au niveau national". 

Gaspillage de matière

L’association dénonce également "le changement de paradigme" consistant à faire de la nécessité de produire une énergie "verte", "décarbonée" et "locale" à partir des ordures ménagères l’une des principales justifications de l’agrandissement des "unités de valorisation énergétique" (UVE) et du développement des "combustibles solides de récupération" (CSR). "Derrière cette novlangue, il s’agit toujours de brûler des déchets", estime Bénédicte Kjaer Kahlat, responsable des affaires juridiques de l’association. "Nos ordures ménagères, en particulier les biodéchets, sont considérées comme une source d’énergie renouvelable : c’est aberrant ! Ces déchets résultent d’un gaspillage de matière et ont nécessité beaucoup de ressources pour leur production. De plus, comme ils sont principalement composés d’eau, leur combustion est inefficace sur le plan énergétique." 

Coût sanitaire et environnemental élevé

Enfin, le rapport de Zero Waste France voit dans l’incinération "une méthode coûteuse de gestion des déchets, à la fois en raison des investissements qu’elle nécessite, mais aussi des dépenses consacrées à la gestion des conséquences des pollutions émises (dioxines, métaux lourds, particules fines, PFAS…)". "Plusieurs études de biosurveillance d’incinérateurs ont en effet confirmé la présence de substances toxiques, que ce soit à proximité directe des installations ou à plusieurs kilomètres, note l’association. En France, pour le seul secteur de l’incinération, le coût sanitaire et environnemental de ces pollutions est estimé entre 2,5 et 3 milliards d’euros par an."

“Les effets de ces émissions de polluants sont nombreux et documentés, que ce soit sur l’environnement ou la santé humaine, affirme Noémie Brouillard, chargée de projet de Zero Waste France. On parle de troubles respiratoires, maladies cardiovasculaires, perturbations hormonales, cancers… qui vont toucher de manière disproportionnée les populations plus vulnérables, comme les enfants, les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques, mais aussi les personnes issues des quartiers populaires, où se situent la plupart des incinérateurs. On est face à une véritable injustice environnementale."

 

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