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Tourisme / Marchés publics - Délégation d'un office de tourisme : faut-il une mise en concurrence ?

Pour confier la gestion d'un office de tourisme à une société d'économie mixte (SEM) ou à une association, doit-on obligatoirement procéder avec publicité et mise en concurrence ? La réponse à cette question qui intéresse bon nombre d'offices est... qu'on ne sait plus très bien ! Dans une question écrite, Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris, s'interroge sur la contradiction entre la réponse à une question écrite d'une députée (numéro 29761) du 27 mars 2000 et un arrêt du Conseil d'Etat du 6 avril 2007 (Commune d'Aix-en-Provence, numéro 284736). La réponse à cette question écrite confirme en effet que la gestion déléguée d'un office de tourisme peut relever indifféremment d'une SEM ou d'une association (cette seconde option étant la plus fréquente). Mais elle précise que "la spécificité de l'objet statutaire des offices de tourisme et le fait que la commune ait été à l'origine de sa création ne constituent pas des motifs permettant de s'exonérer légalement du respect" de la procédure de publicité et de mise en concurrence prévue aux articles L.1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
Mais, dans son arrêt du 6 avril 2007, le Conseil d'Etat juge au contraire "que la collectivité peut toutefois ne pas passer un tel contrat lorsque eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elle s'adresse ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel". Dans ces conditions, le sénateur de Paris souhaite savoir si la création d'un office de tourisme sous le statut juridique de l'association loi 1901 relève ou non de la procédure de publicité et de mise en concurrence prévue par le CGCT.

Un imbroglio juridique

La réponse apportée par le secrétaire d'Etat chargé du Tourisme est loin de lever l'incertitude. Elle confirme évidemment que l'article L.1411-1 du CGCT dispose que les délégations de service public "sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes", sous réserve des dérogations prévues par l'article L.1411-12 du même code. Conclusion : "Dans le cas où la mission de service public est déléguée, la commune ou le groupement de communes doit appliquer la règle de mise en concurrence".
Mais, dans son arrêt Commune d'Aix-en-Provence, le Conseil d'Etat considère que si l'activité ne relève pas du "marché concurrentiel", il n'y a pas lieu de la déléguer en organisant une mise en concurrence. Pour compliquer le tout, la Cour de cassation a récemment jugé au contraire, dans une affaire pénale (Cass. Crim. 11 février 2009 - pourvoi 08-84412), que dès lors que l'activité confiée par une collectivité territoriale à l'office de tourisme peut s'analyser comme une prestation de service au profit de cette collectivité, il y a lieu de mettre cet office en concurrence. Une position reprise également par plusieurs chambres régionales des comptes, qui reprochent aux collectivités concernées de n'avoir pas procédé à une mise en concurrence pour des délégations d'offices de tourisme.
La réponse ministérielle tire de cet imbroglio juridique la conclusion que "selon la jurisprudence récente, il n'y a [...] obligation de mise en concurrence que si l'office de tourisme est assimilable à un opérateur économique agissant sur un marché concurrentiel". Mais, prudente, elle ajoute aussitôt qu'"il convient de rappeler qu'une telle appréciation ne peut se faire qu'au cas par cas selon un faisceau d'indices dont font notamment partie les objectifs poursuivis par l'action".

La SPL, une solution ?

Curieusement, la réponse ministérielle n'évoque pas une solution qui pourrait pourtant régler les difficultés et contradictions soulevées par la question. Celle-ci consiste à confier la délégation de l'office de tourisme non pas à une association ou à une SEM, mais à une société publique locale (SPL). Ce nouveau statut a été créé par la loi du 28 mai 2010 (voir notre dossier sur ces nouvelles sociétés ci-contre). Sociétés anonymes à capital 100% public, les SPL sont adaptées à la gestion d'un office de tourisme (ou à celle d'un grand équipement touristique comme un palais des congrès). L'apport en capital est modeste - même si c'est une contrainte par rapport à une association -, puisque le minimum est de 37.000 euros, sauf exception.
Mais surtout, ainsi que le précise la fiche de présentation élaborée par la direction générale des collectivités locales (DGCL), "il ressort clairement de l'exposé des motifs et des rapports des commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale qu'en créant les SPL, la volonté du législateur a été de mettre à la disposition des collectivités territoriales un nouvel outil d'intervention avec lequel elles puissent contracter librement dans le respect des règles communautaires".
Attention toutefois : si le second critère fixé par Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans son arrêt Teckal de 1999 pour reconnaître l'existence d'une quasi-régie (ou contrat "in house") - le cocontractant doit réaliser l'essentiel de son activité pour la ou les collectivités qui le détiennent - est facilement respecté, il n'en va pas forcément de même pour le premier critère. Le juge européen exige en effet que le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur sur son cocontractant soit analogue à celui exercé sur ses propres services. Malgré l'actionnariat 100% public, la DGCL - comme d'ailleurs la Fédération des entreprises publiques locales, qui aide les collectivités sur ce type de projet -  appelle à la vigilance lors de la rédaction des statuts. 
En effet, si tous les critères posés par le juge européen ne sont pas remplis, la SPL perd son principal atout, celui de permettre aux collectivités de se dispenser des procédures de mise en concurrence habituelles.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : question écrite 15919 d'Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris, et réponse du secrétaire d'Etat chargé du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme, des Services, des Professions libérales et de la Consommation (JO Sénat du 11 août 2011).

 

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