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Handicap - Délivrance de la carte mobilité inclusion : des délais de six mois, un mois ou cinq jours ?

À l'occasion de la séance de questions orales sans débat du 3 juillet 2018 au Sénat, Joël Guerriau, sénateur (Les Indépendants - République et Territoires) de Loire-Atlantique, a soulevé le problème des délais de délivrance de la carte mobilité inclusion (CMI) qui remplace, depuis le 1er janvier 2017, les cartes d'invalidité, de priorité et de stationnement (bien que la CMI conserve, selon les cas, une mention "invalidité", "priorité" ou "stationnement pour personnes handicapées").

"Une vraie simplification" pour les personnes handicapées

Le sénateur de Loire-Atlantique a rappelé que les CMI, davantage sécurisées que les anciennes cartes, "sont imprimées directement par l'Imprimerie nationale et non plus au niveau des maisons départementales des personnes handicapées" (MDPH). Mais il constate qu'"ainsi, les délais actuels sont passés à six mois en moyenne, après constitution d'un dossier complet". De ce fait, "de nombreuses personnes en situation de handicap sont temporairement privées de leur droit à stationner sur les places handicapées", car apposer sur leur véhicule une carte dont la date de validité est dépassée depuis moins de six mois n'offre aucune garantie, en l'absence de directive officielle. Il souhaitait donc connaître les mesures que le gouvernement compte prendre pour remédier à cette situation.
Dans sa réponse, Sophie Cluzel, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, a commencé par rappeler que "la mise en place d'une carte unique en substitution de trois cartes préexistantes constitue une vraie simplification pour le quotidien des personnes visées" et permet aussi aux MDPH de se recentrer sur leurs missions premières. Les MDPH continuent en fait d'instruire les demandes et de délivrer les cartes (ce qui représente plus de 30% des demandes traitées), mais celles-ci sont désormais attribuées pour une durée de vingt ans, voire à vie, ce qui évite les procédures de renouvellement.
La secrétaire d'État a également mis en avant l'expérience et le savoir-faire de l'Imprimerie nationale en matière de fabrication de titres sécurisés, ce qui est loin d'être négligeable pour des cartes qui faisaient l'objet de nombreuses falsifications.

Un temps pour la demande de carte, un temps pour la demande de photo...

À partir de là, la situation devient quelque peu embrouillée. Sophie Cluzel a en effet tenu à "rassurer sur les délais de délivrance de la CMI, qui ne correspondent pas à ceux qui sont issus du suivi régulier effectué par les services du ministère et en particulier par la direction générale de la cohésion sociale, en lien avec l'Imprimerie nationale"... Selon la secrétaire d'État, "le délai moyen d'expédition des CMI est, sur les cinq premiers mois de l'année, de 4,58 jours exactement". "Ces délais sont donc sans rapport avec le délai de six mois que vous évoquez", a-t-elle répondu au sénateur. Ils sont également conformes à l'engagement contractuel de l'Imprimerie nationale sur un délai maximal de cinq jours.
Mais ces cinq jours ne concernent que l'expédition de la carte et ne tiennent pas compte de la nécessité de récupérer au préalable une photo du titulaire. Sur ce point, "le délai d'envoi du courrier d'appel photo, c'est-à-dire le délai entre la réception de la commande de la carte et l'envoi du courrier par lequel l'Imprimerie nationale demande au futur bénéficiaire sa photo, est de moins d'un jour". Mais ensuite, le délai de réception des photos - "que l'Imprimerie nationale ne peut maîtriser" -, est en moyenne d'un peu plus de 28 jours. Au final, et en prenant en compte l'envoi de la commande à l'Imprimerie nationale, "nous nous situons dans un délai moyen d'un peu plus d'un mois".

Quels délais d'instruction pour les MDPH ?

Les six mois évoqués par le sénateur de Loire-Atlantique incluent donc nécessairement les délais d'instruction des demandes par les MDPH. Mais la réponse ministérielle n'a pas donné d'indication sur ce point. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie n'en fournit guère davantage : dans sa synthèse des rapports d'activité des MDPH pour 2016, comme dans son propre rapport d'activité 2017 de 150 pages, la CNSA ne mentionne pas de délai pour l'instruction des demandes de CMI. Seule précision apportée : le délai moyen de traitement de l'ensemble des demandes "adultes" (incluant la CMI, mais aussi des allocations complexes comme l'AAH et la PCH, ainsi que les orientations professionnelles ou en établissement et la RQTH) est de quatre mois et quinze jours, en hausse de trois jours par rapport à 2016. Par ailleurs, le rapport de la CNSA indique que plus de 380.000 CMI ont été adressées à leurs bénéficiaires en 2017.
Enfin, pour compliquer un peu le tout, le décret du 6 avril 2017 relatif aux modalités de délivrance de la carte mobilité inclusion prévoit que le silence opposé à une demande de CMI vaut désormais décision de rejet à l'issue d'un délai de quatre mois. Mais cette disposition, ne s'applique qu'aux demandes présentées à compter du 8 avril 2017 et ne couvre donc pas celles - nombreuses -  présentées entre janvier et avril 2017.

Références : Sénat, séance de questions orales sans débat du 3 juillet 2018, question de Joël Guerriau, sénateur de Loire-Atlantique, et réponse de Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.