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Industrie - Délocalisations : l'Europe passe avant la Chine et l'Inde

Les délocalisations sont responsables de la destruction de 20.000 postes en trois ans, essentiellement dans l'industrie et les services de l'information et de la communication. L'Europe reste la destination privilégiée, devant l'Afrique, l'Inde et la Chine.

A deux jours de la présentation par le ministre du Redressement productif de son "initiative en faveur de la localisation et de la relocalisation productive sur le territoire national", l'Insee publie, ce jeudi, un état des lieux précis de l'impact des délocalisations des entreprises hexagonales.
Entre 2009 et 2011, 4,2% des 28.000 sociétés marchandes de plus de 50 salariés ont délocalisé tout ou partie de leur activité entraînant 20.000 suppressions directes de postes. Soit environ 6.600 suppressions par an.
L'industrie manufacturière est avec les services de l'information et de la communication l'un des deux secteurs qui ont le plus délocalisé, avec 8,8% des entreprises concernées dans les deux cas.
Dans l'industrie, 11.500 postes ont été supprimés en trois, ce qui représente 0,6% de l'emploi dans ce secteur. A titre de comparaison, 29.400 emplois supprimés dans l'industrie en 2012, ce qui signifie que sur un an, les délocalisations sont responsables d'un peu plus de 10% des destructions d'emplois dans ce secteur. Ce n'est pas négligeable, mais les délocalisations n'expliquent donc pas à elles seules l'hémorragie que subit l'industrie depuis des années.
Toutefois, les auteurs de l'étude, Lionel Fontagné et Aurélien D'Isanto, invitent à la "prudence" car les chiffres ne tiennent pas compte des suppressions de postes des sous-traitants... Une autre étude menée en 2005 avait ainsi chiffré entre 9.000 et 20.000 par an le nombre total de suppressions liées aux délocalisations dans l'industrie en comptabilisant la part de sous-traitant. Certes, elle tablait sur la période 1995-2001 correspondant à la montée en puissance de la Chine, de l'Inde et des pays d'Europe de l'Est. La période analysée cette fois-ci est une période de crise "pendant laquelle les entreprises se développement moins à l'étranger", précisent les auteurs.

Coûts salariaux

Par ailleurs, l'étude se penche sur les destinations géographiques de ces délocalisations. La Chine et l'Inde tiennent une bonne place avec 36% du total. Mais ce sont les pays de l'Union européenne qui sont les plus prisés. Ils concentrent 55% des délocalisations : 38% dans l'Europe des Quinze et 22% dans les pays de l'Est. L'Afrique, choisie pour sa proximité et l'usage répandu du français, vient juste après (24%). Quant à la Chine et l'Inde, elles "compensent leur éloignement et un environnement des affaires parfois moins attrayant par leurs atouts d'en matière de tissu industriel, de coût de main d'œuvre ou de taille du marché intérieur".
Si la question des coûts salariaux est la principale motivation des délocalisations vers les pays émergents, d'Europe de l'Est, ou d'Afrique, les sociétés s'étant installées dans un pays de l'Europe des Quinze ont "d'abord recherché la réduction des coûts de production autres que les salaires".
Mais les pays d'accueil n'ont pas que des atouts à faire valoir : 3,1% des sociétés ont finalement renoncé à leur projet de délocalisation. Parmi les repoussoirs, l'étude mentionne, pour ce qui est de l'Afrique, les barrières juridiques ou administratives, l'insuffisance de management et de savoir-faire et l'instabilité politique. En ce qui concerne la Chine, c'est surtout le non-respect de la propriété intellectuelle.
Autant d'arguments que le ministre du Redressement productif devrait mettre en avant vendredi pour inciter les entreprises à se relocaliser. Mais le phénomène demeure très marginal : on compte environ une relocalisation pour dix délocalisations...