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Départements : finances et décentralisation toujours au coeur des préoccupations

L'Assemblée des départements de France se réunira pour son 89e congrès du 16 au 19 octobre à Bourges dans le Cher. Dans la foulée des autres congrès d'élus, dont celui de Régions de France, Dominique Bussereau, le président de l'ADF, a évoqué ce 2 octobre les grands sujets d'actualité qui devraient animer l'événement. Parmi eux, sans surprise, les finances, avec le remplacement du foncier bâti des départements par une part de TVA, et la décentralisation, dans la perspective du projet de loi "3D".

"La suppression du foncier bâti pour les départements, ça nous reste en travers du gosier, c'est un fort motif de colère." Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), n'a évidemment pas été surpris par le contenu du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 concernant la compensation de la suppression de la taxe d'habitation. Pas question pour autant d'accepter les choses en l'état. Il l'a dit le 1er octobre lors de son intervention à Bordeaux au congrès de Régions de France. Il l'a redit à la presse ce mercredi 2 octobre en présentant un autre congrès, celui de son association. Ce sera à Bourges, du 16 au 19 octobre, à l'invitation du Cher et de son président, Michel Autissier. Et ce sera le 89e congrès de l'ADF (on sait d'ailleurs déjà que le 90e se déroulera l'an prochain à La Rochelle, donc chez Dominique Bussereau, dans un format élargi coïncidant avec le 230e anniversaire de la création des départements).

Les départements vont perdre leur part de taxe foncière, soit 14,5 milliards d'euros. Et percevront à la place une part de TVA. Des discussions "techniques" ont eu lieu entre l'ADF et les cabinets, notamment côté Bercy, mais les choses ne seraient toujours pas "très claires". Or les discussions seraient "au point mort", selon Dominique Bussereau, qui l'a d'ailleurs dit à Édouard Philippe à Bordeaux.

Les montants de TVA doivent bien être d'au moins 14,5 milliards. "Et on va vous rajouter un peu pour les allocations individuelles de solidarité, pour les mineurs non accompagnés…", aurait même assuré le gouvernement à l'ADF. Un "cliquet" interviendrait en outre en cas de crise économique et donc de baisse de la TVA. Mais les départements voudraient aussi savoir ce qui est prévu en cas d'"aléas" (catastrophe naturelle par exemple), sachant que jusqu'ici, le "levier fiscal" permettait d'y répondre. "Nous avons demandé des estimations département par département mais les chiffres qui nous ont été fournis ne sont pas bons, car ils ne tiennent pas compte de la revalorisation des bases", complète Dominique Bussereau, estimant qu'il manque 400 millions d'euros – "il manque 150 millions sur les bases et 250 millions sur les taux".

Autre interrogation financière : la péréquation horizontale entre départements, inscrite dans la précédente loi de finances, sur une initiative de l'ADF elle-même, pour un montant de 250 millions. "Cette année, nous avions demandé au gouvernement que cette péréquation intervienne à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Or pour le moment, elle n'est pas inscrite dans le PLF", explique le président. La veille, il avait en outre rappelé que ce mécanisme volontariste permettant aux départements les plus riches de "venir en aide" aux départements les plus pauvres "nécessite un geste de l'État, un geste de liberté, en tout cas de lâcher un peu de lest sur les DMTO". L'ADF a en effet à nouveau demandé à pouvoir "jouer" sur les taux des droits de mutation, mais attend toujours.

Décentralisation : "appétence" et propositions

Comme ce fut le cas pour le congrès des régions, le congrès des départements sera évidemment l'occasion de se placer dans la perspective de la "nouvelle période de décentralisation" que les élus locaux appellent de leurs vœux. Là-dessus, Dominique Bussereau reprend volontiers à son compte les mots d'Alain Rousset à Bordeaux suite à l'intervention du Premier ministre : "Je suis déçu d'être déçu." Le président de l'ADF estime que le moment serait venu d'apporter "un souffle", de "nous faire un peu rêver" (or "la CVAE… ça ne fait rêver que les technos…"). "Je trouve dommage qu'il n'y ait pas davantage d'affirmation politique décentraliste", poursuit-il.

Les élus départementaux, eux, seraient "pleins d'appétence" décentralisatrice, prêts à "avoir beaucoup plus de compétences". L'ADF a d'ailleurs déjà travaillé à ses propositions (lire notre article du 10 septembre), détaillées dans un document remis au gouvernement dès juin dernier.

Il ne s'agit pas de "chercher à se piquer des compétences" entre niveaux de collectivités, dès lors que la subsidiarité est rendue possible, précise Dominique Bussereau. Qui compte d'ailleurs sur l'élaboration de propositions communes à l'ADF, Régions de France et l'Association des maires de France désormais associées sous la bannière "Territoires unis". D'où une table ronde spéciale "Territoires unis" au programme du congrès de Bourges, avec un représentant de chacune des deux autres associations.

Dominique Bussereau l'a illustré à Bordeaux : "Nous avons fait des propositions avec Territoires unis. En ce qui concerne les départements, dans le domaine de l'habitat, dans le domaine médicosocial, de l'éducation, de la transition énergétique, nous sommes prêts à prendre de nouvelles responsabilités, à reprendre, par exemple, une partie des missions des caisses d'allocations familiales." Michel Autissier, en tant que président d'un département portant à la fois le visage de la ruralité et de l'industrie, cite pour sa part le domaine agricole et estime que les départements "ne peuvent pas être exclus de l'aménagement du territoire". Pour lui, "l'agrandissement des régions contribue à la renaissance des départements".

Comme ses homologues, le président de l'ADF espère que le futur projet de loi 3D (pour décentralisation, différenciation, déconcentration) sera suffisamment "ambitieux". Y compris d'ailleurs sur le troisième D. "Pour avoir une bonne décentralisation, il faut avoir une bonne déconcentration", insiste-t-il, plaidant principalement en faveur d'un renforcement du pouvoir du préfet. "Le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a sa Draaf à Limoges, sa Dreal à Poitiers... Nous souhaitons que nos préfets de départements puissent pouvoir nous répondre directement sans remonter à une administration régionale, qui elle-même va remonter à une administration centrale…", illustre-t-il.

Dans un premier temps, la réforme doit aussi tout simplement s'atteler à corriger certains aspects de la loi Notr. Ou à réparer certains oublis. "On a oublié par exemple les groupements de défense sanitaire. Ce sont les oublis, les approximations de cette loi", note Dominique Bussereau, pour qui "ce sera bien long de devoir attendre le deuxième semestre 2020", soit le calendrier prévu pour le projet de loi 3D. L'ADF a donc demandé au gouvernement de "profiter du projet de loi Lecornu pour faire ces corrections".

Du côté du gouvernement, le congrès de Bourges devrait être conclu par Jean-Michel Blanquer et Jacqueline Gourault. "J'ai dit au Premier ministre qu'il était le bienvenu s'il souhaitait venir mais qu'avec l'affaire du foncier bâti, je ne pouvais lui garantir un accueil enthousiaste", glisse le président de l'ADF.

 

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