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Départements - Dépendance : une réforme avant la fin de l'année

Lors de sa rencontre le 1er juin avec des représentants de l'Assemblée des départements de France, le Premier ministre s'est engagé à ce que la réforme de la dépendance soit opérationnelle en 2011. Un "contrat de stabilisation" avec, à la clef, des avances remboursables, sera par ailleurs proposé aux départements les plus en difficulté.

Le rendez-vous demandé de longue date a finalement eu lieu ce 1er juin. François Fillon, entouré de plusieurs membres du gouvernement (Brice Hortefeux, François Baroin, Eric Woerth, Alain Marleix) a reçu en fin d'après-midi à Matignon la commission exécutive de l'Assemblée des départements de France (ADF). Au programme, naturellement, la situation financière des départements avec, notamment, les suites à apporter au rapport Jamet. Et, au final, quatre "décisions", que le Premier ministre a brièvement présentées à la presse à l'issue de la réunion. La dernière évoquée est sans doute la plus importante. C'est en tout cas ce que considère Claudy Lebreton, le président de l'ADF, qui y voit une vraie "annonce", tant les départements avaient fini par ne plus y croire : le Premier ministre s'est engagé à ce que "la réforme de la dépendance" et donc de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) soit mise sur les rails "avant la fin de cette année", dans la foulée de la réforme des retraites, pour être "opérationnelle en 2011". Ce qui, précise Claudy Lebreton, impliquerait le vote d'une loi ainsi que la publication des décrets d'ici le 1er janvier 2011. "Et naturellement, dans le cadre de cette réforme de la dépendance, nous allons pouvoir rediscuter de la part de financement des uns et des autres et donc soulager les départements d'une difficulté qui est sans doute la plus structurelle, la plus difficile pour eux-mêmes", a souligné le chef du gouvernement.
"L'imminence d'une loi" sur le cinquième risque dépendance est une bonne nouvelle pour le président de l'ADF. "Mais je vois le temps qui s'écoule. Aurons-nous le temps d'attendre ?", s'interroge-t-il. Et quel sera le contenu de cette réforme ? Apparemment, la réunion n'a pas donné lieu sur ce point à beaucoup de précisions par rapport aux diverses déclarations gouvernementales des derniers mois. Selon Claudy Lebreton, le gouvernement reste en tout cas bien dans l'optique d'inclure une part de financements privés. "On ne pourra jamais, avec l'argent public couvrir l'ensemble des besoins", reconnaît la secrétaire d'Etat aux Aînés, Nora Berra, tout en assurant que "la solidarité nationale continuera à jouer son rôle". "Si la réforme se fonde sur un système assurantiel privé, là, cela donnera lieu à un vrai clivage politique", prévoit d'ores et déjà Michel Berson, président du conseil général de l'Essonne.

 

Une forme de "mise sous tutelle" ?

D'ici là… l'une des trois autres mesures évoquées par Fillon concerne davantage le court terme, avec la mise en place d'un dispositif proche du "fonds d'urgence" préconisé il y a quelques jours par le groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants (DCI) de l'ADF (voir notre article du 31 mai). Pour les départements les plus en difficulté, le gouvernement compte mettre en place "à partir du mois de septembre", sous la houlette d'Alain Marleix, une "mission d’appui qui permettra de les accompagner et le cas échéant, s’ils le souhaitent et si nous estimons que cela est nécessaire, de passer un contrat de stabilisation". Ce contrat inclura "des mesures d'avance financière remboursables" (dont les modalités de remboursement restent à fixer). "On peut imaginer que pour les départements les plus en difficulté, ce soit des avances qui se traduisent en dotations", a ajouté le Premier ministre.
Combien de départements pourraient être concernés par cette mission d'appui ? Pour le gouvernement, cette intervention doit se limiter à ceux "qui sont en situation vraiment de difficulté urgente, c'est-à-dire qui ont des difficultés ou qui pourraient avoir des difficultés à boucler leur budget grosso modo d'ici la fin de l'année". Et évoque, sur les pas de la mission Jamet, une petite dizaine de départements. Or Claudy Lebreton, lui, en compte "une bonne trentaine"… "On n'est pas tout à fait en cohérence les uns et les autres sur ces chiffres", reconnaît François Fillon.
Si le groupe DCI de l'ADF emmené par Bruno Sido se félicite, donc, de la "démarche contractuelle" proposée, d'autres présidents sont plus circonspects par rapport à ce contrat de stabilisation susceptible de permettre un "finissement par l'Etat", pour reprendre les termes de Claudy Lebreton. "Avec tout ce que cela contient d'engagements de régulation, j'y vois un risque de remise en cause de l'autonomie des départements, de la libre administration des collectivités. Voire une forme de mise sous tutelle", estime Michel Berson, rejoint par Marie-Françoise Pérol-Dumont, présidente du groupe majoritaire de gauche de l'ADF. Celle-ci s'interroge aussi sur le financement du dispositif proposé. D'autant plus que François Fillon a bien rappelé que "tout cela se ferait dans le cadre de l’enveloppe budgétaire gelée"...

 

Normes : se pencher aussi sur le stock

Les deux autres points mis en avant par le chef du gouvernement : l'installation, avec Bercy et Beauvau, de "trois ou quatre groupes de travail" sur "toutes" les propositions du rapport Jamet et la mise en place d'échanges avec l'ADF sur la fameuse question des normes. "Nous avons proposé aux présidents des conseils généraux de travailler avec nous sur, non pas seulement le gel des normes, mais la remise en cause de normes anciennes, y compris imposées par la voie législatives, et qui pourraient faire l’objet d’une rediscussion", a déclaré le Premier ministre, dans la lignée de ce que proposaient tout récemment le groupe de travail sur la maîtrise de la dépense locale piloté par Gilles Carrez ainsi que la commission consultative d'évaluation des normes.
"Sur le diagnostic, tous les présidents de départements sont unanimes. Cet unanimisme semble d'ailleurs avoir quelque peu interloqué François Fillon", a estimé Claudy Lebreton à la sortie de la réunion. Lequel n'a en revanche "pas senti de conviction totale de la part du Premier ministre" et regrette l'absence d'engagements précis concernant le financement du RSA et de la PCH. Un bureau extraordinaire de l'ADF sera réuni la semaine prochaine pour "envisager les suites qu’il convient de donner à ce rendez-vous". Claudy Lebreton prévoit qu'on y entendra "la grogne monter".

 

Claire Mallet