Des associations mobilisées contre "la braderie du social"

Les réponses du gouvernement ne sont "pas à la hauteur de la lourde crise sociale que nous traversons", estime la Fédération des acteurs de la solidarité qui animait ce 12 octobre une campagne de sensibilisation sur la pauvreté et les difficultés rencontrées par les salariés et bénévoles des associations de solidarité. En ouverture du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, la ministre des Solidarités a fermé la porte à une revalorisation anticipée des minima sociaux, demandée notamment par le président du collectif Alerte. 

"Prix cassés sur les personnes en danger", "Soldes monstres sur l’accès à la santé", "Bénévoles et personnes fragiles à prix cassés"… Mobilisées ce 12 octobre 2023 sous la houlette de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), des associations appelaient à dire "halte à la braderie du social", lors d’une centaine d’événements de sensibilisation en France et sur les réseaux sociaux. "Malgré nos alertes, celle des Restos du Cœur, une multitude de rendez-vous et de propositions, les associations ne sont pas entendues" et les réponses politiques ne sont "pas à la hauteur de la lourde crise sociale que nous traversons, alors même que le chômage de masse recule enfin", juge la FAS. La Fédération dénonce tous azimuts "l’absence de soutien au pouvoir d’achat des plus fragiles, l’instabilité de l’hébergement, la panne de l’accès au logement, le blocage de l’accès aux droits et au séjour, la dégradation des conditions salariales dans les métiers du social, les réponses à courte vue aux défis d’une transformation écologique juste pour les plus fragiles…"

"Plus de 200.000 personnes pourraient basculer dans la pauvreté" d’ici à avril 2024

Ce même jour, la ministre des Solidarités et des Familles s’exprimait devant le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), présidé par le sociologue Nicolas Duvoux et dont les membres viennent d’être renouvelés. "La ministre Aurore Bergé refuse d’anticiper la revalorisation des minima sociaux et préfère réduire les dépenses contraintes avec les petits déjeuners à l’école et les cantines à 1 euro", a relayé sur X (ex Twitter) Noam Leandri, président du collectif Alerte regroupant 34 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté.

Dans une note publiée ce 12 octobre, Noam Leandri et l’économiste Pierre Madec appellent à cette revalorisation anticipée des minima sociaux, estimant qu’"une revalorisation en avril 2024 risque d’être trop tardive face à l’accroissement de la précarité qui se perçoit très concrètement dans le recours accru à l’aide alimentaire". "Plus de 200.000 personnes pourraient basculer dans la pauvreté jusqu’à la revalorisation des minima sociaux en avril 2024", alertent-ils. Ils estiment par exemple que la perte de pouvoir d’achat depuis deux ans est de près de 200 euros pour une mère seule élevant ses deux enfants et n’ayant d’autres ressources que les prestations sociales.

"2,5 millions de personnes restent encore éloignées durablement du marché du travail"

Pour la FAS, le Pacte des solidarités présenté le 18 septembre dernier par la Première ministre "comporte des mesures utiles dans l’urgence (arrêt de la baisse des places d’hébergement d’urgence en 2023 et 2024, dégel budgétaire des crédits pour 2023)" mais "les réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur de la profonde fragilisation de millions de personnes, des professionnels, des bénévoles et des associations". Dans un contexte de baisse du chômage, la FAS rappelle notamment que "2,5 millions de personnes restent encore éloignées durablement du marché du travail", estime que "le soutien aux structures d’insertion par l’activité économique pour les accompagner reste hésitant pour les prochaines années" et pointe la baisse de financements prévue pour l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée.

Dans une publication récente relative à son "Baromètre de suivi qualitatif de la pauvreté", le CNLE dit observer trois phénomènes : "la montée d’un sentiment de colère, de frustration ou encore d’abandon, en particulier parmi les personnes en emploi qui ne parviennent désormais plus à vivre décemment malgré leur investissement professionnel", "l’invisibilité de certains publics, qui connaissent des difficultés mais dont la situation ne correspond pas aux conditions d’octroi des aides" et "un risque de spirale de la précarisation" - "les contraintes de survie" pouvant notamment entraver la recherche d’emploi. 

La ministre Aurore Bergé devait, ce 12 octobre après-midi à Paris, aller à la rencontre de personnes en situation de pauvreté, de travailleurs sociaux et de responsables d’associations.