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Economie circulaire : les sénateurs enrichissent en commission le projet de loi 

Le projet de loi "anti-gaspillage pour une économie circulaire" entame son parcours au Sénat. Sa commission d’aménagement du territoire et du développement durable a présenté ce 18 septembre les conclusions de son examen du texte. Il fait selon elle l'impasse sur les grands sujets et porte le projet d'une consigne qu'elle estime être un "outil du passé", en rien écologique puisque celle-ci "conforterait la production de plastique". Parmi la centaine d'amendements adoptés, plusieurs intéressent les collectivités. 

A l'issue de l'examen le 17 septembre du projet de loi "anti-gaspillage pour une économie circulaire", les sénateurs ne cachent pas leur déception. Et ne mâchent pas leurs mots : "Présenté comme un symbole du tournant écologique du quinquennat, ce texte cultive le flou et ne comprend que peu de mesures, à la portée limitée", déplorent les membres de la commission d’aménagement du territoire et du développement durable. Les grands sujets en sont "absents", déplorent-ils, d'autres sont "soustraits au débat parlementaire car renvoyés à des ordonnances", et les quelques avancées ont été "mises au second plan" du fait des débats sur la consigne... Pour l'enrichir la commission a adopté une centaine d'amendements - sur les 500 déposés, dont 170 sur l'article 8 - essentiellement sur ses titres II et III.

Invendus alimentaires et non alimentaires : compléter le dispositif

Sur le volet du gaspillage, elle approfondit par exemple une question qui taraude les collectivités gestionnaires des déchets, lesquelles trop souvent récupèrent en bout de course les denrées qui sont données aux associations par les grandes surfaces mais ne sont pas forcément toutes distribuées. Cyril Pellevat, sénateur LR de la Haute-Savoie, a fait adopter un amendement à l'article 5 en vue de compléter le dispositif actuel. Centré depuis la loi Garot sur l'obligation de don des invendus alimentaires, celui-ci fait l'impasse sur "la gestion des déchets générés par ces invendus [lorsqu'ils n’ont] pu être redistribués". Que font les associations de ces stocks ? "Les denrées finissent dans le circuit de gestion des déchets ménagers, leur gestion est donc assurée par le service public, à la charge du contribuable local, alors qu’il s’agit initialement de déchets d’activité économique produits par les distributeurs du secteur alimentaire, qui sont tenus d’assurer leur gestion", dénonce l'auteur de l'amendement. Pour contrer cet "afflux croissant", les sénateurs suggèrent d'instaurer en amont des "contrôles de la qualité du don". Aléatoires, avec des sanctions à la clé, ils seraient effectués par les services déconcentrés de l’État (Dreal ou directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations) lors de la "ramasse" des invendus. Ce afin de "s’assurer que ces denrées données soient encore consommables et puissent être redistribuées par les associations". Pour les invendus neufs non alimentaires, la rapporteure et sénatrice LR des Yvelines, Marta de Cidrac, veut définir "un régime de sanction applicable à l’interdiction de leur destruction". Sans quoi il est "probable" que le dispositif actuellement proposé dans le texte "sera dépourvu de tout effet". De quoi faire grincer les dents des entreprises et industriels concernés… 

Recentrer la consigne sur le réemploi

Le sénateur centriste de l'Eure Hervé Maurey, qui préside cette commission, a de nouveau exprimé des réserves sur la méthodologie employée sur une des mesures phares (art. 8) du texte : la consigne. Il regrette que le gouvernement entretienne l'ambiguïté sur sa finalité, la décrive dans le texte en des termes vagues "pour que chacun puisse y trouver ce qu'il cherche" et reste général pour soustraire la mesure au débat parlementaire. Etude d'impact "indigente", comité de pilotage qui ne "s'est réuni qu'une seule fois", le bâclage serait à les entendre complet... Si le but est bien de mettre en place une consigne pour le recyclage sur les bouteilles en plastiques PET, Marta de Cidrac relate qu'au cours de la centaine d'auditions qu'elle a menées, un tel projet a rencontré "l'hostilité ou a minima la circonspection de la quasi-totalité des parties prenantes du secteur des déchets".

Monétiser un éco-geste "aujourd'hui gratuit et bien intégré" est, poursuit Hervé Maurey, un "recul écologique" : "Pourquoi monétiser celui-ci et pas un autre ? L'impact financier sur les collectivités serait négatif et pourrait atteindre 150 millions d'euros, notamment du fait de la perte des recettes tirées de la vente des matières recyclées." La commission alerte par ailleurs sur le coup de frein déjà donné, dans la perspective de mise en œuvre d'une telle consigne, aux investissements par les intercommunalités dans les centres de tri. Elle évalue cette suspension voire cet abandon d'investissements à 400 millions d'euros. 

Pour sortir de l'impasse, les sénateurs proposent d'abandonner le projet d'une consigne pour recyclage sur les bouteilles PET et de recentrer le dispositif sur une consigne pour réemploi. "La consigne sur le réemploi concerne déjà le verre, mais on ne ferme pas le champ à d'autres matériaux", observe la rapporteure Marta de Cidrac. Pour encourager la prise en compte des enjeux de réemploi et de réutilisation dans la commande publique, la sénatrice de la Côte-d'Or Anne-Catherine Loisier a par ailleurs introduit après l'article 6 des objectifs allant dans ce sens, en s'appuyant sur un outil déjà connu des acheteurs publics, le schéma de promotion des achats publics responsables.

La commission a aussi amendé le texte pour réduire en amont le suremballage. Trois leviers sont activés : la mise en place d'une trajectoire pluriannuelle de réduction de la mise sur le marché d’emballages ; l'obligation pour les entreprises gourmandes en emballages de réaliser des plans quinquennaux de prévention et d'écoconception ; et l'instauration d'un bonus-malus financier (via la modulation des éco-contributions) tenant compte de la quantité de matière utilisée dans un produit.

Priorité au hors foyer

Rappelant que le point vert apposé sur des emballages "ne signifie aucunement que le produit est recyclable", la commission propose de pénaliser les producteurs qui l'apposent sur leurs emballages, via "un malus financier sur les informations susceptibles de nuire à la bonne gestion de la fin de vie des produits". La marge de progression se situant, selon elle, dans la collecte des emballages assimilés ménagers qui sont abandonnés hors foyer, elle a également enrichi le texte pour affecter une partie des éco-contributions au financement d'un programme d'ampleur dans ce domaine (déploiement massif de bacs jaunes hors foyer). Quant à la proposition des sénateurs communistes et centristes d'"ouvrir davantage la gouvernance des éco-organismes" à d'autres parties prenantes – à des "représentants de l’État et des collectivités territoriales, des ONG environnementales et associations de protection des consommateurs, des acteurs du réemploi et opérateurs de traitement des déchets et de valorisation" – elle a aussi été adoptée (art. 8).