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Réforme territoriale - En commission, le Sénat dessine une France de quinze régions

Réunis en commission spéciale le 21 octobre pour préparer l'examen en seconde lecture du projet de loi sur les contours des régions, les sénateurs ont décidé de rendre l'Alsace et le Languedoc-Roussillon maîtres de leur destin. Les députés les avaient inclus dans des mégas-régions.

La commission spéciale du Sénat constituée pour l'examen du projet de loi sur les fusions de régions a adopté le 21 octobre, en seconde lecture, une nouvelle carte de quinze régions entrant en vigueur le 1er janvier 2016.
En première lecture, les sénateurs UMP, RDSE et Front de gauche avait uni leurs forces dans l'hémicycle du palais du Luxembourg pour supprimer la carte des régions, sans proposer d'alternative (voir notre article du 7 juillet 2014). Ils s'étaient alors promis de dessiner une carte lors de la seconde lecture. Alors que les élections sénatoriales du 28 septembre dernier ont fait basculer la Haute Assemblée à droite, les sénateurs ont tenu leur promesse. La copie que la commission spéciale a rendue relève à quinze le nombre des régions.
Les sénateurs ont prononcé par 20 voix contre 10 et 3 abstentions le divorce entre l'Alsace, d'une part et la Lorraine et Champagne-Ardenne, d'autre part. L'amendement avait été déposé par les sénateurs alsaciens de droite. Son adoption couronne de succès les initiatives récemment prises par les Alsaciens pour défendre la liberté de leur région. On se souvient qu'une manifestation, organisée le 11 octobre à Strasbourg, a réuni entre 6.800 personnes selon la police et 15.000 selon les organisateurs.

Localisation de l'hôtel de région

"Cette position n'est pas une position de rejet de la Lorraine ou de la Champagne-Ardenne, mais bien le choix d'une décentralisation plus cohérente et plus efficace", a réagi en se félicitant le président UMP du conseil régional d'Alsace, Philippe Richert. Si elle est confirmée en séance publique fin octobre au palais du Luxembourg, la décision pourrait ouvrir la voie à la création d'une collectivité territoriale unique par la fusion du conseil régional et des conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Rejetée par les Alsaciens lors d'un référendum le 7 avril 2013 (par manque de participation dans le Bas-Rhin et du fait de la victoire du non dans le Haut-Rhin), cette option est aujourd'hui réclamée par les élus alsaciens dans leur très grande majorité. Cette perspective passerait par un amendement au projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République.
Autre évolution : la séparation du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées. Les élus languedociens, au premier chef Christian Bourquin, président de région décédé en août dernier, étaient très hostiles à cette union.
Un autre amendement proposé par plusieurs sénateurs de la région Centre prévoit que celle-ci se nommera "Centre-Val de Loire" à partir de la publication de la loi.
Le président de la République avait proposé le 3 juin dernier de ramener le nombre des régions de 22 à 14. Un chiffre que l'Assemblée nationale a porté à 13, lors du vote en première lecture du projet de loi sur la nouvelle carte, le 23 juillet.
La commission spéciale a par ailleurs adopté un amendement écologiste précisant explicitement dans le Code général des collectivités territoriales "que l'hôtel de région peut être situé dans une ville distincte du chef-lieu". La précision est censée "faciliter les fusions", "en évitant le sentiment d'absorption d'une région par une autre". Les sénateurs ont de plus garanti à chaque département une représentation minimale de cinq élus dans les conseils régionaux, ce qui est important pour les départements faiblement peuplés.

La carte pourrait encore bouger après 2016

Les sénateurs ont encore modifié les règles d'évolution de la carte des régions et des départements à partir du 1er janvier 2016. Ils ont ainsi rétabli la faculté d'une fusion entre deux départements, que les députés avaient interdite. Dans cette hypothèse, mais aussi dans celle d'une fusion entre un conseil régional et les conseils généraux de son ressort (par exemple les collectivités d'Alsace, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin), l'organisation d'un référendum local serait facultative. En revanche, les collectivités concernées devraient prendre une délibération commune, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Un département et sa région limitrophe pourraient demander une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de cette région. Dans ce cas-là, il faudrait que la décision recueille une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux assemblées concernées. Une telle hypothèse pourrait s'appliquer par exemple au département de la Loire-Atlantique dont certains souhaitent le rattachement à la Bretagne. Mais on notera que le conseil élu de la région d'origine (les Pays de la Loire dans notre exemple) pourra opposer un veto, si elle réunit les trois cinquièmes des suffrages exprimés.
La commission spéciale a adopté un amendement du gouvernement avançant à mars 2015 les élections départementales (sauf pour la Guyane et la Martinique), conformément aux annonces faites par le Premier ministre, le 16 septembre dans son discours de politique générale.
Les sénateurs ont introduit au tout début du texte un nouvel article rappelant la "vocation" de chaque échelon local. "Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont un outil de coopération et de développement au service des communes" indique notamment l'article, qui rappelle aussi l'existence de la commune. Ce n'est pas la première fois que les sénateurs adoptent ce type de disposition, dont la valeur n'est a priori que symbolique.
L'examen du texte en deuxième lecture commencera en séance plénière au Sénat le 28 octobre, après une déclaration du Premier ministre sur l'ensemble de la réforme.