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État d'urgence sanitaire et mesures de police applicables : une circulaire bienvenue

La direction des affaires criminelles et des grâces a diffusé aux procureurs une circulaire de présentation des nouvelles mesures de police applicables dans le cadre de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et des infractions réprimant leur violation, incluant les codes NATINF. Vu l'imbroglio, elle pourra être utilement consultée par les maires et policiers municipaux… Pour autant, le principe de correctionnalisation en cas de violation répétée des nouvelles interdictions pourrait être mis à mal par une question prioritaire de constitutionnalité.

Un maire n'y retrouverait pas ses petits ! Face à la profusion de textes parus depuis le début de la crise du covid-19, la publication d'une circulaire de la Chancellerie présentant les nouvelles mesures de police applicables dans le cadre de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire sera appréciée, même si elle ne leur était pas destinée, des policiers municipaux et gardes-champêtres, habilités, parmi d'autres, à dresser procès-verbal en ce domaine. Singulièrement parce qu'elle détaille en annexe l'ensemble des qualifications et codes natinfs (code numérique désignant la NATure de l'INFraction utilisé pour dresser procès-verbal) mis à jour en application de la loi n° 2020-546 et du décret n° 2020-548 du 11 mai dernier (voir notre article).

La circulaire rappelle ces nouvelles règles (interdiction des déplacements de plus de 100 km, obligation du port du masque dans les transports publics, de tout rassemblement de plus de 10 personnes, fermeture de salles de réunion, bars et restaurants, encadrement des prix de gels et de masques…). Et souligne que la violation de ces interdictions est punie d’une contravention de 4e classe, qui passe à une contravention de 5e classe en cas de récidive dans un délai de quinze jours. "Enfin, en cas de violations constatées à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours, les nouveaux faits constituent alors un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende."

Autre précision utile – même si le contrôle d'identité reste interdit aux policiers municipaux, limités aux seuls recueils et relevés d'identité –, la circulaire souligne qu'en "raison de la levée du confinement général de la population, le contrôle d'identité des personnes ne peut désormais plus être fondé sur la violation apparente de l'interdiction de sortie du domicile", mais peut "toutefois être effectué en raison du caractère manifeste du manquement à certaines des mesures de police édictées, notamment la prohibition des rassemblements de plus de dix personnes ou l'obligation du port du masque".

Éventuelle annulation de la correctionnalisation de la violation répétée du confinement ?

Reste que ces règles pourraient une nouvelle fois être partiellement revues. En effet, la Cour de cassation vient ainsi de transmettre au Conseil constitutionnel, par trois arrêts du 13 mai, une même question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique (i.e. la violation de ces interdictions à plus de trois reprises dans les trente jours), mais seulement lorsqu'elles incriminent la violation du confinement (parce que seule disposition concernée par les procédures dont est saisie la Cour de cassation).  Les magistrats du quai de l'Horloge la jugent en effet "susceptible de porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines", le législateur ayant "créé un délit caractérisé par la répétition de simples verbalisations réprimant la méconnaissance d’obligations ou d’interdictions dont le contenu pourrait n’être pas défini de manière suffisamment précise dans la loi qui renvoie à un décret du Premier ministre". Les juges de la rue de Montpensier imposeront-ils au législateur de remettre le métier sur l'ouvrage ? Rappelons que, lorsque l'évolution de la situation sanitaire le justifie, le préfet est habilité à rétablir cette mesure d'interdiction de sortir du domicile. La question reste donc d'actualité. Et même si ce n'est pas le cas en l'espèce, elle pourrait également se poser en théorie pour les autres restrictions décidées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dont les dernières en date.

Référence : Circulaire de présentation des nouvelles mesures de police applicables dans le
cadre de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et des infractions réprimant
leur violation