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Insertion - Etude du CEE sur le RSA : analyse ou réquisitoire ?

Le Centre d'études de l'emploi (CEE) publie une étude sur l'impact et l'efficacité du revenu de solidarité active, intitulée "Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? - Premiers enseignements d'une monographie départementale". S'il est loin d'être le premier consacré à la question, ce document retient néanmoins l'attention par la qualité de ses auteurs, et notamment de Dominique Méda, spécialiste reconnue du travail. L'étude, d'une quarantaine de pages, propose effectivement des questionnements originaux, en particulier sur l'organisation du dispositif.
Certains aspects laissent toutefois dubitatifs. Ainsi, l'approche consiste à confronter le fonctionnement et les résultats du RSA - en l'occurrence le RSA socle - aux travaux de la commission "Familles, vulnérabilités, pauvreté", réunie en 2005 par Martin Hirsch, qui était alors président d'Emmaüs. C'est oublier un peu vite que le projet de RSA est passé au filtre des arbitrages gouvernementaux, des amendements parlementaires et des contraintes économiques. Une comparaison entre le cadre juridique et organisationnel mis en place par la loi du 1er décembre 2008 et ses textes d'application et les résultats obtenus aurait été plus pertinente et plus opérationnelle. De même, il manque à l'évidence une comparaison entre le fonctionnement et le résultat du RSA socle et ceux du RMI, qui aurait permis d'éclairer le débat sur l'apport ou non du RSA. Enfin, le choix de centrer l'étude monographique sur le seul département de Paris - malgré une allusion dans la conclusion à "des visites dans d'autres départements" et à "un travail en réseau mené avec d'autres chercheurs dans d'autres conseils généraux", qui ne sont jamais documentés dans le texte - est pour le moins surprenant. Sans même évoquer le fait que le double statut de ville et département complique l'organisation du RSA avec l'existence de deux directions en charge de la prestation (Dases et CASVP) - cas sans équivalent dans aucun autre département -, il est de notoriété publique que la capitale présente, en matière de RMI, puis de RSA, une situation largement atypique : profil socio-démographique des bénéficiaires très différent de la moyenne (avec une proportion inusitée d'allocataires avec des niveaux de formation au-delà du bac), présence de catégories de bénéficiaires surreprésentées (près de 8.000 bénéficiaires du "RSA artiste"), absence complète de la problématique des transports comme frein à l'emploi alors que celle-ci pèse lourdement sur l'insertion dans les zones rurales ou semi-rurales, forte prégnance - à l'inverse - de la problématique du logement...

Une étude qui reste à écrire

Tout en reconnaissant que la crise économique a pesé sur la montée en charge et les résultats du RSA, les auteurs se livrent surtout à un réquisitoire en règle contre "une prestation inadaptée à la nouvelle réalité du marché du travail", dont "il apparaît que peu des objectifs visés par la loi instaurant le RSA ont été atteints". Le réquisitoire s'étend aussi à "l'aggravation de la bureaucratie", au déplacement des effets de seuil ou encore à l'inanité supposée de la question des droits connexes. Au final, seul le RSA activité - qui n'est pourtant pas l'objet de l'étude - trouve grâce aux yeux des auteurs, dans la mesure où "le complément de revenus constitue en effet une aide appréciable". L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) - qui n'a pas caché ses critiques sur certains aspects du RMI ou du RSA et présente l'étude sur son site - prend d'ailleurs une certaine distance avec ces conclusions, en indiquant que "cette étude constitue un des premiers éléments d'une investigation plus large, réalisée sur plusieurs départements, et ne prendra donc tout son sens qu'au terme d'un processus comparatif".
Pour autant, ce travail soulève des questions intéressantes, qui mériteraient d'être approfondies. C'est le cas notamment de la double filière d'insertion - emploi d'un côté et social de l'autre - et de la priorité donnée à l'orientation vers Pôle emploi, qui n'est pas forcément adaptée à tous les publics. C'est aussi le cas du "poids du reporting" dans la gestion du dispositif ou des lourdeurs de fonctionnement et de suivi engendrées par le va-et-vient de certains allocataires entre RSA socle et RSA activité. Mais l'analyse globale et étayée des effets du RSA reste encore à écrire.