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Évaluation environnementale des documents d'urbanisme : un projet de décret modificatif en consultation

Un projet de décret actuellement en consultation modifie le régime de l'évaluation environnementale applicable aux procédures d'évolution des documents d'urbanisme et aux unités touristiques nouvelles (UTN) soumises à autorisation préfectorale.

À travers un projet de décret modifiant des dispositions relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles (UTN), la France tente à nouveau de coller aux standards européens dans ce dossier aux  nombreux rebondissements. Ce projet de texte - pris en application de la loi Asap et soumis à consultation publique jusqu'au 29 avril - lui permettrait de rentrer enfin dans les clous de la directive 2001/42 du 27 juin 2001 en couvrant notamment toutes les procédures d'évolution des documents d'urbanisme concernées. Il tire également les conséquences de deux arrêts du Conseil d'État intervenus en 2017 et 2019 et respectivement relatifs à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des UTN (lire nos articles des 26 juillet 2017 et 2 juillet 2019). À ce titre, la dernière bataille qui s'est jouée, le 15 avril dernier, devant le Conseil d'État ne fait qu'agir comme une piqûre de rappel puisqu'elle laisse au gouvernement neuf mois pour revoir la nomenclature de l'évaluation environnementale des projets (lire notre article du 16 avril 2021). 

Champ d'application élargi

Avec la loi Asap du 7 décembre 2020, les plans locaux d'urbanisme (PLU) intègrent la liste des plans et programmes qui font l'objet d'une évaluation environnementale systématique. L'entrée en vigueur de ces dispositions nouvelles n'est pas subordonnée à l'adoption d'un décret d'application. En revanche, la loi a renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les critères en fonction desquels les procédures d'évolution des documents d'urbanisme relèveraient de l'évaluation environnementale systématique ou après un examen au cas par cas.

C'est l'objet du projet de décret qui s'intéresse en premier lieu au champ d'application de l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme. De façon à le compléter s'agissant des schémas d'aménagement régionaux (SAR), du plan d'aménagement et de développement durable de Corse (Padduc) et du schéma de cohérence territoriale (Scot), de le remanier pour ce qui est du PLU ou simplement de le clarifier pour la carte communale. Le projet de décret ajoute également les directives territoriales d'aménagement et de développement durables (DTADD) à la liste des documents d'urbanisme pour lesquels la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) est compétente et les UTN soumises à autorisation préfectorale (dites résiduelles) à la liste de ceux pour lesquels c'est la mission régionale d'autorité environnementale (MRae) du CGEDD qui est compétente.

Il actualise par ailleurs la liste des procédures concernées par l'examen au cas par cas réalisé par l'Ae. Le texte ajuste aussi les étapes de la procédure : la transmission du dossier "doit avoir lieu avant la réunion d'examen conjoint" pour les procédures de mise en compatibilité dans le cadre de déclaration de projet et d'une déclaration d'utilité publique ainsi que dans le cadre de la procédure intégrée pour le Sdrif (schéma directeur de la région Ile-de-France) le Scot, le PLU et de mise en compatibilité dans le cadre de la procédure intégrée pour les SAR et le Padduc et "elle doit être antérieure à la soumission pour avis aux personnes publiques associées" pour les autres.

Examen au cas pas cas "ad hoc"

Mais surtout, il introduit en parallèle un dispositif d'examen au cas par cas "ad hoc" réalisé par la personne publique responsable du projet. Ce processus a vocation à être mis en œuvre lorsque cette dernière est à l'initiative de l'évolution du document d'urbanisme pouvant donner lieu à évaluation environnementale. Le cas échéant, la personne publique responsable saisit l'Ae pour avis conforme sur sa décision de ne pas réaliser d'évaluation. En l'absence de réponse dans un délai de deux mois, son avis est réputé favorable à rebours du cas général qui prévoit que l'avis tacite de l'Ae emporte l'obligation de réaliser évaluation environnementale.

Alors que la réforme proposée est "globalement vertueuse", relève France nature environnement (FNE), "l'exemption tacite" pourrait selon elle entrainer la France "dans de  nouveaux contentieux". Cette disposition tend, par "un détour procédural", à vider partiellement de sa portée l'effort réalisé en généralisant l'évaluation au cas par cas, pointe l'ONG. Une clause "doublement inacceptable" concernant les UTN "dans la mesure où le seuil de la qualification UTN pour un projet touristique en montagne est très largement fondé sur l'impact environnemental prévisible de ces projets, même si cette considération n'est pas exclusive". FNE rappelle au passage que si les MRAe rendent des avis tacites, "c'est uniquement parce que leurs effectifs propres et ceux que les DREAL mettent à leur disposition dans les services d'appui pour instruire sont insuffisants et qu'elles ne parviennent pas à écouler leur charge de travail". 

Toilettage de la procédure

À l'occasion de ce décret, divers points de procédure de l'évaluation environnementale sont retouchés, pour en étoffer le contenu ou clarifier quelques dispositions "posant actuellement des difficultés d'application", remarque le ministère de la Transition écologique. Le texte complète notamment le contenu des rapports de présentation des documents d'urbanisme et, en leur absence, du rapport environnemental. Lorsque le rapport de présentation (à défaut le rapport environnemental) doit contenir l'exposé des motifs de l'évolution du document d'urbanisme, le cas de la mise en compatibilité qui n'était jusqu'à présent pas concerné par cette obligation, est désormais couvert.

Le décret prévoit en outre l'information du public, de l'Ae et des instances consultées relative à la manière dont il a été tenu compte des consultations et motifs qui ont fondé les choix opérés par le plan ou le document compte tenu des diverses solutions envisagées. Pour éviter la saisine simultanée de plusieurs MRae, la compétence de la formation de l'Ae du CGEDD est étendue à certains documents d'urbanisme (Scot, PLU et cartes communales) ainsi qu'aux UTN résiduelles dès lors qu'ils couvrent un périmètre qui excède une seule région.

Enfin, le décret adapte les délais d'instruction du permis de construire et du permis d'aménager pour tenir compte de la mise en œuvre de la procédure d'évaluation environnementale unique du projet avec la mise en compatibilité du document d'urbanisme. Le point de départ du délai d'instruction ne court qu'à compter de la date à laquelle la décision de mise en compatibilité est exécutoire.

Ventilation des UTN résiduelles

Là encore, la loi Asap renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de procéder à la répartition, pour l'ensemble des UTN "structurantes" résiduelles entre celles qui feront l'objet d'une évaluation environnementale systématique et celles qui y seront soumises après un examen au cas par cas. Les UTN locales résiduelles qui peuvent être qualifiées de "petites zones" au sens de la directive 2001/42/CE relèvent quant à elle de la procédure au cas par cas. Pour les UTN structurantes résiduelles, dont les impacts peuvent être plus ou moins importants, le projet de décret procède à une ventilation entre évaluation systématique et cas par cas en s'appuyant sur le champ des études d'impact pour les types de projets inclus dans le programme UTN.

L'objectif est aussi d'articuler la procédure de demande d'autorisation préfectorale d'UTN résiduelle avec la procédure d'évaluation environnementale au titre des plans et programmes mise en oeuvre en amont. Lorsque l'UTN résiduelle est soumise à évaluation environnementale, les informations qui doivent accompagner la demande d'autorisation préfectorale sont "adaptées". Le dossier doit ainsi être accompagné du rapport environnemental et de l'avis conforme de soumission à évaluation environnementale de l'Ae lorsqu'elle a été saisie dans le cadre de la procédure d'examen au cas par cas. 
L'ancienne procédure de mise à disposition du projet de création d'UTN résiduelles est remplacée par une participation du public par voie électronique mise en oeuvre par le préfet.