La vallée de Haute Herbasse mise sur la coordination microlocale de santé (26)

Sept villages du canton de la Drôme des collines se sont lancé un défi : faire émerger une organisation locale qui, sans compenser le manque de médecins sur le territoire, permette de composer avec l'offre environnante en soins et services. Crépol, Le Chalon, Saint-Laurent-d'Onay, Saint-Christophe-et-le-Laris, ainsi que Montrigaud, Miribel et Saint-Bonnet-de-Valclérieux (ces trois derniers ayant fusionné en 2019 pour donner naissance à la commune de Valherbasse) réunissent 2 300 habitants au total.

Sous l’impulsion de Martine Lagut, maire de Crépol ; François Caumes maire de Le Chalon et Joëlle Janton adjointe à Miribel, les élus, inquiets de l’annonce du départ à la retraite du seul médecin généraliste exerçant sur leur territoire, ont essayé d’attirer un nouveau praticien en 2015. « Petites annonces, passage à la télévision, mise à disposition d’un cabinet médical… rien n’a fonctionné », se souvient Joëlle Janton, conseillère municipale à Valherbasse et ancienne adjointe à Miribel. 

Plutôt que de s’obstiner, les élus ont alors changé de stratégie. S’entourant de professionnels de la santé, Colette Commun, Michel Bass et Roland Vialy, ils créent en 2017 l’association Action Santé Haute Herbasse pour porter leur réflexion, accompagnée par une association : Action, formation, recherche, évaluation en santé communautaire (l’Afresc). Objectif : partir de l'existant.

Faire évoluer les pratiques

En périphérie du territoire, dans un rayon de 15-20 km, l’offre de santé existe : cabinets infirmiers ; services d’aide et de soins à domicile ; généralistes, à Saint-Donat-sur-l’Herbasse et au Grand-Serre notamment ; hôpital à Romans-sur-Isère doté d’équipes mobiles de gériatrie et de soins palliatifs… Pour les habitants des sept communes, notamment les plus âgés, l’accès à ces services n’est certes pas facile - les lignes de bus manquent. Mais les services existent.

Le problème principal n’était pas tant le manque de ressources qu’un problème d’organisation. « L’enjeu, explique Joëlle Janton, n’était pas de trouver un médecin, mais de faire évoluer les pratiques, du côté des soignants autant que de celui des soignés. » Pour que les habitants deviennent acteurs de leur propre projet de santé. Et pour permettre aux médecins locaux d’absorber le surplus de patientèle. « Nous avions besoin d’une personne en ultraproximité pour accompagner et coordonner acteurs, services et personnes. D’où l’idée de création d’un poste de coordinateur microlocal en santé. »

Le projet ne rentrant dans aucune case, la recherche de subventions n’est pas de tout repos. Jusqu’à ce que l’agence régionale de santé (ARS) accepte de financer le dispositif en tant que projet expérimental. Une coordinatrice locale de santé est alors recrutée et prend ses fonctions en janvier 2019.

510 personnes accompagnées en 2024

Accompagner les habitants dans leurs démarches de santé, les informer, les aider sans faire à leur place, en toute confidentialité, construire des liens avec les professionnels de santé et médico-sociaux environnants… « Il a fallu un peu de temps pour que les habitants s’emparent du dispositif. Et plus encore pour créer le lien avec tous les professionnels de santé du territoire et alentours », note Joëlle Janton. Mais le projet fait son chemin.

Flavie Bouhet, ancienne infirmière, est l’actuelle coordinatrice locale de santé, « je suis aujourd’hui bien repérée par les médecins de Saint-Donat et Grand-Serre, comme par les structures d’aide à domicile, les services de protection des majeurs. Les services hospitaliers appellent par exemple pour que j’aide à la gestion d’une sortie d’hospitalisation. Les habitants frappent à la porte de mon bureau à Crépol, pour eux-mêmes, un proche ou un voisin, qu’ils aient des difficultés à trouver un médecin spécialiste, un besoin d’aide à domicile sans savoir à qui s’adresser, la nécessité d’aménagement du domicile ou encore parce qu’ils ne savent pas comment se rendre à un rendez-vous. » Selon l’ARS, tous les habitants du territoire ont retrouvé un médecin traitant. 

En 2024, la coordinatrice a répondu à 2 085 sollicitations par téléphone, et réalisé 411 visites à domicile, accompagnant sur l’année 510 personnes « souvent âgées, mais pas seulement ». Et chaque mois, un comité de suivi réunissant la coordinatrice et les élus référents de chaque commune et membres du bureau passe en revue toutes les situations accompagnées.

Accompagnement individuel au projet de santé, mais aussi soirées santé avec les habitants une fois par an, après-midi d’activité mensuelles pour les aînés isolés, accompagnement au déplacement par la douzaine de bénévoles de l’association… La coordination microlocale permet aussi une promotion de la santé prenant en compte l'isolement, les déplacements, la prévention. Interpellées par le dispositif, quelques communes commencent à appeler, note Flavie Bouhet. « Comme Die, commune située dans la Drôme elle aussi, et qui pourrait monter un projet du même type. »