Un cabinet dentaire itinérant à Saint-Julien-en-Saint-Alban (07)

En Auvergne-Rhône-Alpes, 168 des 349 Territoires de vie-santé, soit 35 % des habitants de la région, sont situés en zones très sous-dotées en chirurgiens-dentistes. Face à ce constat, l’Union régionale des professionnels de santé chirurgiens-dentistes (URPS-CD) de la région a souhaité agir. « Début 2020, nous avions transformé un véhicule en cabinet mobile pour les Ehpad du Puy-de-Dôme. Nous avons par la suite développé le dispositif à l’échelle d’un territoire, explique le docteur Éric Lenfant, président de l’URPS-CD Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons récupéré un container maritime que nous avons, avec l’aide de la région et de l’Agence régionale de santé (ARS), transformé en cellule chirurgicale dentaire autonome de 16 m², alimentée par des panneaux solaires et des batteries. Ce cabinet écologique semi-mobile baptisé GreenCab est truffé d’innovations technologiques : télétransmission sans fil de l’imagerie comme des feuilles de soins, scanner 3D pour la réalisation de prothèses… »

Au-delà de son premier objectif, favoriser l’accès aux soins, l’expérience visait à démontrer que l’installation d’un dentiste sur des territoires a priori peu attractifs mais économiquement viables était possible. L’URPS travaille sur le ciblage des zones avec l’agence régionale de santé. Dans son viseur : « les communes de 1 500 à 2 000 habitants ; situées sur un axe passant pour drainer patients de communes voisines et gens de passage ; dotées d’un minimum de services et commerces ; et dotées a minima de professionnels de santé - une pharmacie, un médecin généraliste ou un cabinet infirmier », analyse Éric Lenfant.

600 appels en quinze jours

Pour son baptême du feu, le GreenCab prend, en juin 2023, la direction de l’Ardèche, et s’installe à Saint-Julien-en-Saint-Alban, première commune à s’être portée volontaire pour accueillir le dispositif. Ce bourg rural de 1 500 habitants, traversé par une route départementale très fréquentée, compte quelques commerces, un centre municipal de santé où exercent deux médecins et une infirmière en pratiques avancées, et même une jeune dentiste. Mais la communauté d’agglomération de Privas Centre Ardèche dont il est membre manque de praticiens.

À bord du Green Cab, trois dentistes, exerçant sous statut libéral, se relaient, durant six mois et demi, pour assurer les soins, accompagnés d’une assistante dentaire salariée par l’URPS. Le succès est immédiat. « Le premier jour, on avait 30 appels, le quatrième 70, et au bout de quinze jours, on en comptait 600. L’URPS a même dû faire appel à un dentiste retraité pour assurer la régulation », indique le maire de la commune, Julien Fougeirol. Mi-décembre, au départ du GreenCab, on comptait 2 000 patients accueillis, soit en moyenne une quinzaine de patients par jour, habitants du village ou des communes voisines, pour la plupart en errance thérapeutique jusqu’alors, faute de praticiens disponibles à proximité. Source d’attractivité, la présence du GreenCab a d’ailleurs profité aux commerces du village. 

Cinq installations en Ardèche

Autre satisfaction : l’expérience GreenCab dans le village a convaincu cinq praticiens de s’installer sur le territoire. Non pas à Saint-Julien-en-Saint-Alban, afin de laisser la priorité à la jeune dentiste qui y avait posé ses valises peu avant que le GreenCab n’arrive, mais dans les communes voisines. L’une des dentistes ayant exercé dans le GreenCab s’est d’ailleurs ainsi installée à Privas. 

En janvier 2024, le GreenCab arrive dans le Cantal, à Chaudes-Aigues. Membre de Saint-Flour communauté, le village ne compte que 814 habitants, mais « il y avait une demande forte du conseil municipal, de nombreux atouts - un hôpital de soins de suite, des thermes, la proximité d’un axe autoroutier… Et la commune n’avait plus de dentiste depuis deux ans », explique Éric Lenfant.

Le GreenCab y reste plus d’un an et comme en Ardèche, le succès est immédiat. « En quinze jours, le planning des premières semaines était plein, les gens appelaient même de Saint-Flour, ou de Saint-Chély-d’Apcher au nord de la Lozère », se remémore le maire Michel Brousse. Aujourd’hui, l’URPS continue à accompagner Chaudes-Aigues dans sa recherche d’un praticien. D’autant que Chaudes-Aigues aura sous peu un nouvel atout : des travaux, financés par Saint-Flour communauté, sont en cours au Pôle santé du village pour accueillir un cabinet dentaire. Prochaine étape du GreenCab ? Sans doute en Haute-Loire, glisse Éric Lenfant.