Expulsions de lieux de vie informels : une hausse de 34% en un an
Près de 1.500 expulsions, dont 60% au niveau du littoral nord, ont été recensées en un an par les associations qui portent l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels. 6% seulement des expulsions sont préparées dans le cadre d’un diagnostic préalable, déplorent ces associations qui mettent cette année l’accent sur les conséquences sanitaires des expulsions pour les personnes concernées.

© Rapport annuel de l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels et Adobe stock
Porté par huit associations et collectifs dont Médecins du monde et la fondation Abbé-Pierre, l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels (squats, bidonvilles, campements…) vient de présenter son rapport 2024. 1.484 expulsions ont été recensées entre le 1er novembre 2023 et le 31 octobre 2024, dont 876 sur le littoral nord (Calaisis et Dunkerquois, après 729 l’année précédente) et 608 dans les autres départements (hexagone et Mayotte, contre 382 l’année précédente). En un an, la hausse est donc de 34%, alertent les associations. En dehors du littoral nord, les territoires les plus concernés sont Paris (69 expulsions) et sa région, Bordeaux (31 expulsions) et son agglomération (18 à Pessac, 11 à Bègles), Lyon (24), Marseille (19) et Toulouse (15). L’Observatoire estime que près de 108.460 personnes ont été expulsées pendant cette période, dont les trois quarts dans le littoral nord – ce qui inclut des personnes directement expulsées par les pouvoirs publics et des personnes dites "'auto-expulsées' du fait de pressions diverses (harcèlement policier, menaces de la part des riverains, menace d’une expulsion proche, etc.)".
"Dans 94% des cas, aucun diagnostic préalable n’est réalisé et dans 88% des cas [ces expulsions] ne donnent lieu à aucune solution d'hébergement ou de relogement", déplorent les associations. Ces dernières rappellent que l'instruction gouvernementale du 25 janvier 2018 vise pourtant à "donner 'une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et bidonvilles' en privilégiant l’action publique (diagnostic social, concertation et mesures d’accompagnement, etc.) dès l’installation des personnes sur un site, et non plus en mettant uniquement l’accent sur le processus de l’expulsion", et considèrent que cette instruction est "peu suivie d’effet" et "s'intéresse essentiellement aux lieux de vie composés de citoyens de l’Union Européenne".
Des ruptures de soins liées aux expulsions
Le rapport 2024 met l’accent sur les conséquences de ces expulsions sur la santé des habitants des lieux de vie informels. Les personnes vivant dans ces conditions précaires ont déjà un état de santé fortement dégradé, comme l’a mis en évidence une enquête épidémiologique de Santé publique France menée entre 2019 et 2022 sur la santé des gens du voyage en Nouvelle-Aquitaine. Les écarts avec la population générale sont nets sur des problématiques d’hypertension, de diabète, d’asthme et d’obésité, mais aussi sur le renoncement aux soins. Les lieux d’installation exposent aussi souvent les personnes à un environnement nocif pour leur santé (proximité d’axes routiers, de déchetteries ou d’usines). Des mises à l’abri sont parfois mises en œuvre en cas de risque avéré, cela avait été le cas au début des année 2000 pour des familles vivant sur des sols contaminés au plomb à Méry-sur-Oise même si la prise en charge n’avait pu concerner qu’une minorité de personnes.
Enfin, les expulsions ou menaces d’expulsion provoquent des ruptures de soins, d’abord parce que la priorité devient la recherche d’un nouvel abri, mais aussi parce que des documents peuvent être perdus et qu’il peut y avoir un éloignement par rapport aux lieux de soins et aux associations. "Il faut alors reprendre à zéro tout le travail de médiation en santé qui avait pu être réalisé jusqu’alors", peut-on lire dans le rapport. Lorsqu’elles parviennent à garder le contact, les associations constatent une dégradation de la santé, notamment avec des troubles psychiques liés au stress engendré par la situation.
Rappelant leurs recommandations en la matière et les principes de leur charte (droit à l’eau, droit à l’examen de la situation de l’habitant en vue de son relogement, obligation d’accompagnement des mineurs non accompagnés, droit à la continuité de la scolarisation et du suivi sanitaire et social, etc.), les associations portant l’Observatoire "plaident pour le respect des droits et de la dignité des habitants de lieux de vie informels", de l’installation à l’expulsion.