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Financement de l'électrification rurale : la Cour des comptes appelle à une refonte globale du dispositif

La Cour des comptes s'est penchée sur les anomalies de gestion du financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé). Dans ses observations définitives, dévoilées ce 6 septembre, elle estime que ce dispositif, qui certes apporte une réponse à la fragilité spécifique des réseaux en milieu rural, devrait subir un véritable électrochoc pour répondre aux besoins futurs des réseaux et au défi de la transition énergétique.

Le régime du compte d'affectation spécial dédié au "financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale" (CAS Facé), a entamé sa mue, à travers une refonte réglementaire introduite en 2020 (décret 2020-1561), notamment pour accompagner la transition écologique en cours. Visiblement cette réforme "n’est pas parvenue à moderniser cet outil qui peine en l’état à répondre aux défis actuels et futurs du réseau de distribution d’électricité", pointe la Cour des comptes dans un rapport d’observations définitives, rendu public ce 6 septembre. Un coup d’épée dans l’eau en somme "participant davantage d’un maintien du statu quo"…
La pertinence de ce dispositif conçu à l’origine pour favoriser l’électrification des zones rurales et pallier la carence des initiatives privées dans un souci de péréquation des territoires n’est toutefois pas remise en cause par la rue Cambon. Si l’électrification des campagnes est en effet achevée en métropole depuis longtemps, la persistance de fragilités spécifiques en milieu rural (coupures d’électricité subies, tenue de l’onde de tension moins stable, moindre intérêt économique et technique pour réaliser des investissements au vu des densités de population) justifient toujours "un effort particulier d’investissement dans les réseaux électriques de ces territoires", reconnaît-elle.
Géré depuis 2012 au sein d’un compte d’affectation spéciale - doté de 377  millions d’euros chaque année -, le Facé a participé entre 2015 et 2020 au financement de 9% du total des investissements réalisés sur l’ensemble du réseau de distribution d’électricité. Trois quarts des aides ainsi allouées concernent d’ailleurs la sécurisation (résorption des fils nus) et le renforcement des réseaux basse tension. C’est donc sans conteste le premier financeur des investissements sous maîtrise d’ouvrage des autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE) en zone rurale (à hauteur environ de 62%) pour 25.641 communes. 

Anomalies de gestion

Mais à bien des égards le dispositif, qui souffre de "nombreuses anomalies", rate sa cible. La rareté des données disponibles et la faiblesse des contrôles sont notamment en cause. C'est le cas, en particulier, de l’estimation des départs mal alimentés, au cœur de la répartition d’une part importante des aides, qui repose encore "sur un modèle statistique contesté, seule solution jusqu’au déploiement des compteurs communicants, mais qui ne garantit pas une représentation fidèle des insuffisances du réseau", note le rapport.
Sur l’objectif de réduction des inégalités entre territoires, la Cour observe également que les dotations individuelles sont restées relativement stables de 2015 à 2020, "suggérant une faible modification des situations observées". Le risque pour le Facé d’entrer "dans une logique d’abonnement aux subventions des AODE" n’est pas à négliger. L'effet "péréquateur" entre territoires s’avère donc "difficile à apprécier" au-delà des montants financiers qui y sont consacrés et qui sont principalement financés par les territoires urbains. La coordination des programmations de travaux entre acteurs demeure par ailleurs "très insuffisante", selon la Cour, la priorisation des investissements pouvant notamment diverger entre la politique avant tout industrielle d’Enedis et les préoccupations d’aménagement du territoire des AODE. Ces dernières peinent en outre à élaborer des stratégies pluriannuelles de développement de leurs réseaux, comme le confirment les rapports des chambres régionales des comptes portant sur des syndicats d’électricité. 

Revoir les critères de répartition

En dépit de la récente refonte du régime, "des difficultés non résolues affectent la plupart des éléments fondamentaux du Facé", relève la Cour, à commencer par l’éligibilité au dispositif. Avec près de 20% des communes en situation dérogatoire, les critères d’éligibilité au Facé "ne sont clairement plus adaptés et nécessitent une refonte, délicate à conduire, qui nécessitera vraisemblablement une phase de transition", justifie-t-elle. D’autant qu’ils ne correspondent "ni à la définition de la ruralité retenue depuis 2021 par l’Insee, ni aux caractéristiques techniques du réseau qui déterminent le poids des investissements à réaliser pour les communes, ni aux inégalités de la qualité de la distribution, dont la résorption constitue pourtant l’objectif premier du Facé".
Le décret de 2020 n’a pas permis la clarification nécessaire, puisqu’il a reconduit les critères existants (uniquement fondés sur le nombre d’habitants des communes et des aires urbaines auxquelles elles appartiennent), faute de consensus pour introduire un critère de densité, qui "serait plus cohérent avec l’objectif de compenser les handicaps des zones rurales", remarque la Cour. Quant aux critères de répartition, le déploiement des compteurs communicants laisse présager "une réelle avancée pour assurer une répartition des aides plus rationnelle et plus juste". Différentes pistes de réforme sont aussi proposées pouvant aboutir, sur un périmètre plus restreint, voire une profonde réorientation des aides au profit des territoires où la qualité de l’électricité est la plus dégradée, en particulier les zones non interconnectées. 

Revenir aux fondamentaux

L’évaluation de l’enveloppe financière nécessaire au Facé pour répondre aux besoins des bénéficiaires et aux priorités retenues est une autre difficulté identifiée par la Cour. Le sujet est là encore loin d’avoir été épuisé par le décret de 2020, qui pour rappel traduit l’élargissement aux objets de la transition énergétique (nouveaux sous-programmes). Le plan de relance a constitué un test confirmant l’appétence des collectivités en la matière et l’importance de leurs besoins. De toute évidence, le Facé n’est pas en capacité de les couvrir, avertit la Cour, "alors même que les analyses des besoins futurs du réseau de distribution d’électricité soulignent la nécessité d’assurer son renforcement, du fait de l’introduction massive de production d’électricité renouvelable et sa sécurisation pour l’adapter au réchauffement climatique et aux épisodes météorologiques exceptionnels de plus en plus nombreux". Elle renouvelle donc son appel à un retour aux priorités initiales "pour ne pas disperser le soutien du Facé".
Sur les aménagements bienvenus apportés par le récent décret pour remédier aux difficultés d’exécution budgétaire (accélération des rythmes de consommation de crédits, mécanisme de pénalité, etc.), la Cour juge qu’il est "encore trop tôt pour apprécier leurs effets", mais se dit pessimiste. "Au vu de ces difficultés, il reste d’ailleurs à savoir s’il revient à une administration centrale, avec un effectif nécessairement réduit, de piloter, mettre en œuvre et contrôler un tel régime d’aides qui soutient plusieurs milliers d’opérations de travaux", met-elle également en doute. Pour conclure, la Cour questionne l’efficience de la répartition de la maîtrise d’ouvrage entre gestionnaires de réseau et AODE. Certaines évolutions plus radicales inspirées de la démarche Action publique 2022 sont à ce titre évoquées : confier en intégralité aux gestionnaires de réseau la responsabilité des investissements pour renforcer le pilotage et simplifier la gestion du dispositif, ou à l’inverse, procéder à une complète décentralisation aux mains des AODE, selon une logique d’affermage classique (à l'instar d'autres États européens) avec un mécanisme financier à repenser. 

 

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