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Economie sociale et solidaire - Financement de l'ESS : de nombreuses avancées depuis la loi de 2014

Le financement de l'économie sociale et solidaire était l'un des enjeux majeurs de la loi de juillet 2014. Plus de deux ans après, le succès est au rendez-vous, comme l'a montré un colloque organisé le 23 novembre 2016 par la Direction générale du Trésor. Cependant, d'autres problèmes restent non résolus : la mesure de l'impact social des entreprises de l'ESS, leur accompagnement et l'apport en fonds propres.

Deux ans après la loi sur l'économie sociale et solidaire, les entreprises de l'économie sociale et solidaire trouvent-elles les moyens de financer leur développement ? C'est la question qui a été posée lors du colloque "Financer l'économie sociale et solidaire : nouveaux outils, nouvelles opportunités", organisé le 23 novembre 2016 par la Direction générale du Trésor dans le cadre du mois de l'ESS. "Même si nous ne sommes pas en mesure de dresser un panorama précis, plusieurs clignotants sont au vert", a affirmé en ouverture Odile Kirchner, déléguée interministérielle à l'économie sociale et solidaire, énumérant les avancées récentes. "La collecte en épargne solidaire progresse, avec 8,5 milliards d'euros en 2015, et les fonds d'investissement, publics et privés, se multiplient", a-t-elle signalé. A fin décembre 2015, selon les informations de Finansol, association de promotion de la solidarité dans l'épargne et la finance, plus d'un million d'épargnants ont ainsi souscrit 1,83 million de produits d'épargne solidaire, sur lesquels ont été placés 8,46 milliards d'euros. 61,4% de ces sommes sont issues de l'épargne salariale solidaire, 33,3% de l'épargne bancaire solidaire, et 5,3% des placements proposés par les entreprises solidaires. Plus de 290 millions d'euros de prêts et d'investissements dans des projets porteurs d'utilité sociale ont été réalisés en 2015 grâce à l'épargne solidaire, un chiffre en augmentation de 21% par rapport à 2014.

Bpifrance, engagée dans l'ESS

Par ailleurs, Bpifrance est montée en puissance dans ce domaine. En 2015, elle a engagé 310 millions d'euros sur le secteur de l'ESS, et, au total, plus d'un milliard d'euros depuis 2012, soit une croissance de 120%. Bpifrance intervient ainsi sous forme de garanties et de prêts à court terme. La banque publique d'investissement avait initié un prêt spécifique pour l'ESS en juin 2015 mais il "a moins bien marché à cause de la baisse des taux d'intérêt", a expliqué Pascal Lagarde, directeur exécutif international, stratégie, études et développement de Bpifrance. Ce prêt devrait être prochainement revisité et élargi aux PME et TPE. La banque publique gère également le fonds d'investissement dans l'innovation sociale (Fiso) qui a été lancé par le gouvernement en décembre 2014. Cofinancé par l'Etat et les régions, et doté de 40 millions d'euros, il doit permettre de financer sous forme d'avances remboursables des projets socialement innovants, correspondant à des besoins sociaux non satisfaits par le marché ou par les politiques publiques. "Quinze projets ont pu être financés", a détaillé Martine Pinville, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'ESS.

Une multiplication des fonds d'investissement

Les entreprises de l'ESS ont aussi bénéficié du programme d'investissements d'avenir (PIA) dédié à leur secteur qui a été lancé en 2015. Doté de 100 millions d'euros, il ciblait les secteurs de la transition écologique et énergétique, le tourisme, l'économie du partage et la revitalisation des territoires ruraux. D'après le ministère de l'Economie, celui-ci a permis d'orienter plus de 400 millions d'euros en co-investissement avec des partenaires privés dans plus de 650 entreprises de l'ESS. Les principaux bénéficiaires du programme sont des associations (60%), des coopératives (25%) et des entreprises sociales ou d'insertion (15%).
Des fonds de capital risque se sont également emparés de la question du financement des entreprises de l'ESS, à l'image de Citizen Capital et d'Investir&+ qui ont pu témoigner de leur expérience lors du colloque. Et la Caisse des Dépôts participe aussi au développement de cette économie, à laquelle elle a consacré 140 millions d'euros en 2015. La Caisse des Dépôts a lancé en juin 2016  un nouveau fonds d'investissement baptisé NovESS, doté de 100 millions d'euros, en partenariat avec le Groupe BNP Paribas et d'autres partenaires. Ce fonds interviendra à 90% en fonds propres et quasi fonds propres sur tout le périmètre de la loi sur l'ESS (associations, coopératives, mutuelles, fondations et sociétés commerciales). Le fonds porte aussi la création de MESIS, un outil de mesure et de suivi de l'impact social.

Le nouveau livret de développement durable et solidaire

D'autres produits et contrats sont encore à venir. Ainsi, la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi "Sapin II", qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 8 novembre, transforme le livret de développement durable (LDD) en livret de développement durable et solidaire (LDDS). Dans ce cadre, les détenteurs d'un livret pourront en affecter une partie sous forme de don au financement d'une entreprise de l'ESS dès 2017. Autre nouveauté : les contrats à impact social. Un appel à projets a été lancé par le gouvernement en mars 2016 sur ces contrats. Quatre premiers dossiers ont été retenus, dont "Passeport Avenir" un programme de prévention du risque de décrochage à travers un tutorat individuel, ou "La Sauvegarde du Nord", qui favorise l'action éducative en milieu ouvert (intervention à domicile d'un travailleur social dans les familles sensibles). L'Etat doit signer les deux premiers ce 24 novembre. Il s'agit d'un dispositif qui permet aux investisseurs privés de financer des programmes socialement innovants. S'ils réussissent, ils récupèrent les fonds engagés, qui sont remboursés par les pouvoirs publics.

Les entreprises en manque de fonds propres

Mais si les financements se multiplient pour les entreprises de l'ESS, celles-ci peinent encore à obtenir un accompagnement pourtant indispensable à leur développement. "Il reste encore à accompagner davantage les entreprises là où elles ne peuvent espérer qu'une faible rentabilité", a indiqué Martine Pinville. Les entreprises de l'ESS ont aussi du mal à se doter de fonds propres leur permettant d'investir. Ainsi, Charlotte De Vilmorin, co-fondatrice et présidente de Wheeliz, premier site de location entre particuliers de voitures aménagées pour les personnes à mobilité réduite créé en 2015, a expliqué que son entreprise vivait un moment crucial : la levée de fonds. "Nous recherchons maintenant un million d'euros pour accélérer notre développement sur le marché français, avec des options (un chauffeur par exemple), et tester l'international". Laurent Laïk, DG du groupe d'entreprises d'insertion La Varappe fait face au même problème : augmenter ses fonds propres pour consolider les relations avec ses clients. L'entreprise est passée de 4 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2008 à 30 millions d'euros en 2015. Elle a dû lever 5 millions d'euros entre 2008 et 2015 pour assurer son développement. Sans doute l'arrivée du fonds NovESS permettra-t-elle de combler cette lacune.
Dernier point difficile : la mesure de l'impact social. "Derrière la question du financement, il y a la mesure de l'impact social de notre action, un enjeu majeur pour notre secteur", a ainsi souligné Christophe Itier, directeur général de La Sauvegarde du Nord, président du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves).

 

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