Finances locales : une situation "solide", mais "des disparités croissantes"

La santé financière globale des collectivités "demeure saine", mais l'hétérogénéité des situations entre les catégories de collectivités et au sein même de chacune d'elles se renforce. Tel est le constat que dresse la Cour des comptes dans la première partie de son rapport sur les finances publiques locales 2025, publiée ce 27 juin. Un document de 200 pages dans lequel elle pointe aussi la "forte contribution" des collectivités à la hausse du déficit public en 2024.

Le besoin de financement des collectivités (qui résulte du solde négatif de leurs dépenses et de leurs recettes) "va connaître une hausse considérable" en 2024, s'alarmait la Cour des comptes au début de l'automne. Les résultats définitifs sont connus depuis ce printemps. Ils révèlent que le besoin de financement du secteur public local, qui s'élevait à 5 milliards d'euros en 2023, a plus que doublé, pour atteindre 11,4 milliards d'euros l'année suivante. La "forte dégradation du solde des collectivités" en 2024 "pèse sur la situation d’ensemble des finances publiques", déplore la Cour des comptes dans le "premier fascicule" du rapport sur les finances publiques locales 2025, qu'elle a publié ce 27 juin.

Toutes les catégories de collectivités présentent un besoin de financement sur l'exercice 2024. Les communes, qui affichaient encore une capacité de financement l'année précédente (+0,6 milliard d'euros) ne font pas exception (avec un solde de -2,6 milliards), tandis que le besoin de financement des départements et des régions se creuse (respectivement -5,5 milliards et -3 milliards d'euros).

Coût des agents contractuels

Le besoin de financement des collectivités est "faible en proportion de celui des administrations publiques" dans leur ensemble (169,6 milliards d'euros, soit 5,8% du PIB en 2024), reconnaissent les magistrats financiers. Mais en s'aggravant de 0,2 point de PIB, il "contribue pour moitié à la dégradation" du solde public total (-0,4 point de PIB), regrettent-t-ils. En notant toutefois que "le solde des administrations de sécurité sociale "s’est plus dégradé (-0,4 point de PIB) que celui des collectivités". L'État a pour sa part enregistré une amélioration de son solde (de –5,4 points de PIB en 2023 à –5,2 en 2024).

La dégradation du besoin de financement des collectivités "est entièrement attribuable à la dynamique des dépenses de fonctionnement", indique la Cour. En progression de 2,1% hors inflation, les charges réelles de fonctionnement se sont établies à 220,5 milliards d'euros en 2024. Plus de 41% de cette hausse est liée à celle des charges de personnel qui, à 78,4 milliards d'euros, constituent le premier poste de dépenses (+3,6 milliards d'euros par rapport à 2023, soit +4,8%). Les revalorisations indiciaires décidées par l'État - qui se sont appliquées d'abord en juillet 2023, puis au 1er janvier 2024 - "représentent près de 40% de la hausse globale des dépenses de personnel" de l'année 2024, précise le rapport. 

Cette augmentation s'explique en outre sur longue période par la croissance des effectifs et la "recomposition" de ces derniers "vers des niveaux plus élevés de rémunération". La Cour évoque ici la part croissante des agents des catégories A et B dans l'ensemble des agents territoriaux. Mais aussi l'augmentation continue de la part des agents contractuels dans le total des effectifs. Un phénomène qui interpelle les magistrats, puisque la hausse des rémunérations versées aux contractuels est "supérieure" à celle des titulaires. Ainsi, pour 2024, ils observent que "l'augmentation des dépenses de rémunérations brutes versées aux contractuels est près de trois fois supérieure à celle des titulaires (+7,6% contre +2,8%)".

Forte hausse du recours à l'emprunt

L'évolution des charges de fonctionnement en volume (c'est-à-dire au-delà de l'inflation) a été plus marquée pour le bloc communal (+2,8%) que pour les départements (+1,4%) et surtout les régions (+0,1%).

Les dépenses d'investissement des collectivités ont pour leur part bondi de 4,9 milliards d'euros (soit +6,8%) pour atteindre 77,4 milliards d'euros l'an dernier. Cette progression, qui est liée "à la marge" à l'inflation (contrairement aux deux années précédentes), est toutefois conforme aux prévisions de Bercy. Elle s'explique principalement par la poursuite du dynamisme de l'investissement des communes (+9,3%) et des intercommunalités (+11,1%), à l'approche de la fin du mandat municipal. Au total, sur la période 2020-2024, les dépenses d'équipement du bloc communal ont progressé de 7,2% en euros constants par rapport aux cinq premières années du mandat précédent (2014-2018). Mais celui-ci avait été marqué par une forte réduction de la dotation globale de fonctionnement.

L'augmentation des dépenses d’investissement a été financée par "un nouveau prélèvement sur la trésorerie" (celle-ci reculant un en an de 55,1 milliards d'euros à 49,6 milliards) et une forte hausse de l’endettement. L'an dernier, les collectivités ont souscrit de nouveaux emprunts pour un montant de 23,8 milliards d'euros, en hausse de 5,6 milliards d'euros par rapport à 2023 (+30,5%). De ce fait, l’encours de la dette des collectivités (hors syndicats) a progressé de 7,2 milliards d'euros (soit +3,9%) pour atteindre 194,5 milliards d'euros (soit 6,6 points de PIB).

Cote d'alerte franchie pour 35 départements 

Ce recours à l'emprunt était inéluctable. Car, bien que supérieure à l'inflation, la progression des recettes réelles de fonctionnement des collectivités (258,2 milliards d'euros, soit +2,7%) a été inférieure à celle des charges. Mais les évolutions ont été assez différentes selon les types de collectivités. Avec une progression de 5,3% des impôts fonciers, les recettes du bloc communal ont en effet été mieux orientées que celles des départements, lesquelles ont été ralenties par une nouvelle baisse de 1,5 milliard d'euros (-13,5%) des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). La stabilité du produit de TVA en 2024 n'a pas arrangé les choses. Tout comme elle n'a pas fait l'affaire des régions, pour qui la taxe représente 52% des recettes de fonctionnement.

Derrière une situation "globalement saine" se cachent des divergences croissantes entre les différentes catégories de collectivités et au sein de chaque strate, selon la Cour.
Le bloc communal "est incontestablement en bonne santé financière", a souligné le Premier président, Pierre Moscovici devant la presse, même si 5.376 communes ont une épargne nette négative. La situation des régions est en revanche "moins favorable" et celle des départements "de plus en plus défavorable". Au regard de leur taux d'épargne brute (celle-ci est égale à la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement), 35 départements se situent en dessous du seuil d'alerte de 7% (des recettes de fonctionnement). L'épargne nette (épargne brute dont est soustrait le remboursement du capital de la dette) est même négative pour 12 départements (Loire, Dordogne, Ille-et-Vilaine, Cher, Yonne, Gard, Hérault, Loire-Atlantique, Nord, Aisne, Pas-de-Calais). Très fragilisée, la Gironde ferme la marche avec un taux d'épargne nette record de -7%. La composition des recettes des départements, "cycliques et volatiles", est "inadaptée à celle de leurs dépenses, très majoritairement sociales, rigides et à la hausse", a rappelé Pierre Moscovici.

"Effort collectif" de redressement des comptes 

"La divergence des situations financières entre collectivités révèle un manque d'équité dans la répartition des ressources entre, d'un côté, un bloc communal doté d'importantes ressources fiscales, et de l'autre des départements et des régions qui ont largement épuisé des pouvoirs fiscaux très limités", a-t-il ajouté.

Dans ce contexte, la Cour n'en recommande pas moins une participation financière des collectivités au redressement des finances publiques pour 2026.

"Les collectivités ne sont pas, et de loin, les premières responsables de la situation, mais elles sont pour quelque chose dans la dégradation de la situation et doivent aussi participer à l'effort collectif", a souligné le Premier président, appelant une "action déterminée pour contenir leurs dépenses de fonctionnement (...) en tenant compte des disparités".

La Cour analysera à l'automne, dans le second fascicule de son rapport, les conséquences des ponctions instaurées sur les collectivités en 2025 ("lissage" des recettes des collectivités les plus riches, gel de la TVA, hausse des cotisations au régime de retraites des fonctionnaires territoriaux…).

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis