Fonction publique : la loi sur les retraites publiée, le gouvernement veut ouvrir une nouvelle séquence

La publication de la loi de réforme des retraites au Journal officiel du 15 avril a ouvert la voie à sa mise en œuvre, à compter du 1er septembre prochain et, pour certaines dispositions, à la publication des décrets d'application. Le Conseil constitutionnel avait censuré, la veille, plusieurs mesures, dont une concernant les modalités du droit à un départ anticipé pour certains agents. L'exécutif entend maintenant engager une discussion avec les syndicats sur les bas salaires dans la fonction publique.

L'exécutif a promulgué la loi de réforme des retraites juste après que le Conseil constitutionnel a annoncé avoir validé l'essentiel du texte. Cette loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 figurait donc au Journal officiel dès le lendemain, de même que la décision des Sages.

Ceux-ci ont déclaré conformes à la Constitution la procédure par laquelle le texte a été adopté, et surtout ses mesures phares : le report de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite (64 ans en 2030) et la mise en œuvre accélérée de l'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour partir à la retraite à taux plein (43 ans dès 2027).

Balayant la quasi-totalité des griefs formulés par les députés (Nupes et RN) et les sénateurs (gauche et écologistes), les juges de la Rue de Montpensier ont toutefois retoqué six dispositions, au motif que celles-ci constituaient des "cavaliers", c'est-à-dire qu'elles n'avaient pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Départ anticipé de certains agents

Sont concernées les principales dispositions sur l'emploi des seniors : "l'index seniors" - qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés - et la mise en place d'un nouveau type de CDI, exonéré de cotisations familiales, qui devait être créé à titre expérimental pour faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans. De même, le Conseil constitutionnel a considéré que l'instauration d'un suivi individuel spécifique pour les salariés "exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels" n'avait pas sa place dans le texte.

Une disposition avantageuse pour les agents publics ayant exercé sous le statut de contractuel a aussi été retoquée. Elle prévoyait que les services accomplis par un fonctionnaire dans un emploi classé en catégorie active (c'est-à-dire présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles) au cours de la période de dix ans précédant sa titularisation entreraient en ligne de compte pour le calcul du droit à un départ anticipé.

Discussion sur les salaires

Ces différentes mesures, qui étaient synonymes de "progrès social" pour l'exécutif, ne seront pas abandonnées. L'emploi des seniors "reste une priorité pour le gouvernement", a assuré, vendredi, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, sur Twitter.  L'index et le CDI seniors pourraient être intégrés dans le projet de loi sur le plein emploi que prépare le gouvernement.

De même, les dispositions retoquées et concernant les agents publics "doivent être remises dans la discussion avec les organisations syndicales" et "avec les parlementaires", a estimé le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, samedi, sur France info. Alors que les concertations sur l'Agenda social n'ont pu démarrer pour cause de réforme des retraites, "je veux me remettre à table avec les organisations syndicales", a déclaré Stanislas Guerini. Pour renouer le dialogue avec ses interlocuteurs, il promet d'engager une discussion sur les salaires, sujet sur lequel les attentes sont très fortes. Près de dix mois après la hausse de 3,5% du point d'indice de la fonction publique, "la question du pouvoir d'achat (…) se pose à nouveau", a constaté le ministre. En déclarant vouloir mettre sur la table le dossier de la rémunération des agents aux plus faibles rémunérations. "Le sujet, aujourd'hui, c'est de pouvoir mieux accompagner celles et ceux qui prennent de plein fouet l'inflation, celles et ceux qui, aussi, parfois, rentrent dans la fonction publique (…) voient leur carrière avancer, mais leur rémunération ne pas avancer suffisamment", à cause de "l'écrasement des grilles", a-t-il affirmé.

Hausse du Smic

En début d'année, l'entourage du ministre avait indiqué à la presse que des discussions avec les syndicats et les employeurs sur "l'accès, les carrières et les rémunérations des agents" seraient pour l'essentiel bouclées à la fin du premier semestre 2023 (voir notre article du 2 février).

On notera que sans attendre la fin de la concertation sur les rémunérations promise par le ministre, les agents publics dont les salaires sont les plus bas bénéficieront le mois prochain d'une augmentation d'une trentaine d'euros pour un temps plein. Dans un contexte de forte inflation (+5,7% sur un an), cette hausse va découler de la revalorisation de 2,19% du Smic au 1er mai prochain. Le Smic net mensuel s'élèvera ainsi à 1.383 euros pour un temps plein.

  • Emmanuel Macron : un "nouveau pacte de la vie au travail"

Dans son allocution télévisée ce 17 avril à 20h, le chef de l'Etat n'a pas directement mentionné le cas des fonctionnaires. Il a en revanche évoqué, plus globalement, la question des rémunérations.

Emmanuel Macron a commencé par justifier une nouvelle fois la réforme des retraites qui vient d'être entérinée, redisant que "ces changements étaient nécessaires et constituent un effort, c'est vrai" mais sont accompagnés de "mesures de justice concrètes" pour "ceux qui ont eu des carrières longues, exercé des métiers plus durs ou perçoivent de petites retraites".
"Pour autant, cette réforme est-elle acceptée ? A l'évidence, non (…), un consensus n'a pas pu être trouvé", a-t-il reconnu. La "colère qui s'est exprimée" serait celle d'un "travail qui ne permet pas de bien vivre face à des prix qui montent" et "personne ne peut rester sourd à cette revendication de justice sociale". "Face à ce sentiment de déclassement, d'abandon", il entend "ouvrir ou reprendre pour cela trois grands chantiers".
"D'abord le chantier du travail" : "Nous avons créé en six ans 1,6 millions d'emplois" et "après le succès de l'apprentissage, je veux engager la réforme du lycée professionnel (…). Nous redoublerons aussi d'efforts pour ramener vers le travail le plus grand nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active en les accompagnant mieux, de façon très concrète", a-t-il déclaré. Poursuivant : "Le travail doit aussi mieux payer" et là-dessus, "nous devons agir de manière plus vigoureuse". D'où sa proposition de recevoir les organisations syndicales et patronales ("pour celles qui y sont prêtes") "afin d'ouvrir une série de négociations sur des sujets essentiels" : "améliorer les revenus des salariés, faire progresser les carrières, mieux partager la richesse, améliorer les conditions de travail, trouver des solutions à l'usure professionnelle, accroître l'emploi des séniors et aider aux reconversions". "Ce nouveau pacte de la vie au travail sera construit dans les semaines et les mois qui viennent par le dialogue social", a indiqué Emmanuel Macron, estimant que "plus largement, c'est par la réindustrialisation que nous créerons des emplois mieux payés" : "d'ores et déjà, dans des vallées et des cantons, des usines ouvrent à nouveau – 200 depuis deux ans".
On saura par ailleurs que "le deuxième chantier est celui de l'ordre républicain et démocratique". Pêle-mêle : justice, brigades de gendarmerie, lutte contre les fraudes fiscales et sociales ("avec des annonces fortes dès le début du mois de mai"), "contrôle de l'immigration illégale", lutte "contre le sentiment que voter ne serait plus décider"… Avec, sur ce dernier point, "des propositions pour que nos institutions gagnent en efficacité et en participation citoyenne".
Enfin, "le troisième chantier est celui du progrès" et "ce sont nos services publics qui devront porter cette espérance, de la petite enfance au grand âge". Education, système de santé… et, pour les "quartiers les plus défavorisés" et "zones rurales les plus en difficulté", "nous trouverons des solutions concrètes pour améliorer la vie quotidienne".
"Ces trois chantiers prioritaires constituent la feuille de route du gouvernement, que la Première ministre détaillera dès la semaine prochaine", a indiqué le Président, et "le 14 juillet prochain doit nous permettre de faire un premier bilan". Soit dans "100 jours".
   C. Mallet