Fonds de prévention de l'usure professionnelle : les préconisations de la mission Hiriart

En allongeant les carrières, la réforme des retraites renforce la problématique de l'usure professionnelle. La création d'un fonds national dédié à ce phénomène dans la fonction publique territoriale permettrait d'accélérer les actions de prévention, qui sont aujourd'hui encore limitées. Dans son rapport publié en début de semaine, la mission conduite par le président de la Fédération nationale des centres de gestion, Michel Hiriart, explique comment le dispositif pourrait être déployé.

Ouvert à la fois aux fonctionnaires et aux contractuels, prenant en compte à la fois l'usure physique et psychique, intervenant en soutien de démarches collectives - par le biais notamment de conventionnements - et distribuant des aides individuelles, disposant de relais dans les territoires… La mission chargée de la préfiguration du "fonds en faveur de la prévention de l’usure professionnelle, du maintien dans l’emploi et de l’accompagnement des transitions professionnelles dans la fonction publique territoriale" a dessiné finement les contours possibles de cet outil très attendu par les employeurs territoriaux.

Le pilote de la mission, Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) a remis son rapport le 16 novembre à Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Mais les travaux n'ont été rendus publics qu'au début de cette semaine, afin d'en réserver "la primeur" aux représentants des employeurs territoriaux et des organisations syndicales, selon des explications fournies par le ministre à Localtis.

Conventionnements avec les collectivités

Avec les hauts fonctionnaires de l'État qui l'ont assisté dans sa mission, Michel Hiriart préconise la mise en place d'un dispositif très large dans ses interventions, puisque bénéficiant à "tous les agents quel que soit leur statut" et à "tous les types de collectivités". Diverses, ses actions relèveraient aussi bien du champ des "conditions de travail" que de celui des "parcours professionnels".

Plus précisément, il soutiendrait des "démarches collectives de prévention portées par une ou plusieurs collectivités" (par exemple des diagnostics centrés sur des métiers et des activités, ou des plans d'actions globaux). En sachant que l'appui à ces démarches passerait par des conventionnements – lesquels seraient éventuellement conditionnés par la tenue par la collectivité d'un document unique d'évaluation des risques professionnels (Duerp). Mais, le fonds pourrait aussi "financer des aides individuelles, d’une part pour l’adaptation du poste de travail et l’achat de matériels ergonomiques, et d’autre part en soutien à une mobilité préventive, avant que l’agent ne soit concerné par une reconversion contrainte". Les agents exerçant des métiers pénibles (agents d’entretien, agents de restauration, éboueurs, égoutiers, auxiliaires de puériculture...) et ceux qui, quel que soit leur métier, fourniraient la preuve qu'ils relèvent d’une "situation d’usure ou de risque d’usure professionnelle", seraient prioritaires dans l'allocation de ces aides. En outre, pour "éviter tout doublonnage", ces aides individuelles seraient centrées sur les publics non éligibles au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) géré par la Caisse des Dépôts.

Le fonds de prévention de l'usure professionnelle passerait des conventions avec les centres de gestion pour que ces derniers, déjà actifs dans les domaines de la prévention des risques professionnels et de l'appui au reclassement, soient "les relais" de son action sur le terrain.

Entre 0,1 et 0,15% de la masse salariale des collectivités

Sur le plan de la gouvernance, la solution retenue par la mission est celle d'"un établissement public doté d’une gouvernance propre, mais rattaché au FIPHFP à travers une direction commune, des moyens de gestion et d’intervention en commun". Tout en respectant "l'identité et la gouvernance des deux fonds", ce scénario "présente l’avantage d’une articulation forte" entre eux, "permettant d’offrir aux collectivités territoriales un continuum de réponses allant de la prévention au maintien dans l’emploi et facilitant une mutualisation des outils de gestion", souligne la mission.

50, 70, ou 100 millions d'euros à l'horizon de 2028 : trois scénarios de montée en charge financière du fonds de prévention de l'usure sont étudiés. Avec quelques certitudes : le financement serait majoritairement assuré par les employeurs territoriaux, via un prélèvement sur la masse salariale des collectivités compris, à terme, entre 0,1 et 0,15%. Conscients de la nécessité d'une réponse mutualisée aux défis posés par l'allongement des carrières, les élus locaux en acceptent le principe. Mais ils attendent de l'État qu'il apporte une contribution financière, puisqu'il a été à l'origine de la réforme des retraites. "Le principe d’un bonus-malus intégré au prélèvement, recueille l’adhésion d’une majorité des acteurs", signale aussi la mission. Qui prône, en l'occurrence, la mise en place d'un malus : après deux années de montée en charge du fonds, les collectivités les plus grandes qui ne seraient pas dotées d'un Duerp verraient leur prélèvement être majoré.

Projet de loi de réforme de la fonction publique

S'il devait atteindre 100 millions d'euros en 2028, le fonds de prévention occasionnerait un coût compris entre 0,03 et 0,06% des dépenses de fonctionnement des collectivités (ce calcul a été réalisé sur un panel de six communes ou intercommunalités). La mission parle de sommes "très faibles", qui, de surcroît, sont susceptibles d'engendrer un "retour positif". Les actions du fonds de prévention pourraient en effet contribuer à réduire l'absentéisme dans les collectivités.

"Je suis assez à l'aise avec les conclusions et les propositions que formule le rapport. Le travail qui a été mené est extrêmement intéressant et il va dans le bon sens. C'est vraiment une logique de prévention qu'il faut mettre en place", réagissait Stanislas Guerini au lendemain de la remise du rapport par Michel Hiriart. Interrogé par Localtis, il précisait qu'il aurait "des séquences de travail dédiées avec la Coordination des employeurs territoriaux et les syndicats, pour voir comment on met en œuvre les orientations qui ont été préparées dans le rapport". Sans dire s'il comptait inscrire les fondements du nouveau fonds dans le projet de loi de réforme de la fonction publique, qu'il présentera en février prochain. Cette piste est en tout cas défendue par la mission.