Forêts : une mortalité des arbres en forte hausse et un puits de carbone fragilisé

Selon l’Inventaire forestier national 2025 publié par l’IGN ce 14 octobre, les forêts en France continuent de s’étendre. Mais les "crises sanitaires" qui les frappent du fait de la sécheresse, du réchauffement climatique et des "bioagresseurs" (champignons, insectes) entraînent une forte hausse de la mortalité des arbres et un ralentissement de la croissance du stock de bois sur pied, réduisant leur fonction de puits de carbone.

L’édition 2025 de l’Inventaire forestier national publiée par l’IGN ce 14 octobre dresse un état des lieux alarmant de l’état des forêts en France. Certes, la surface forestière en France métropolitaine continue de s’étendre au rythme moyen de 90.000 hectares par an. Cette expansion concerne notamment la Bretagne et la zone méditerranéenne, note l'IGN. La forêt couvre ainsi 17,6 millions d’hectares, soit 32% du territoire (contre 16,2 millions d’hectares en 2010 et 10 millions il y a un siècle) et constitue aujourd’hui le type d’occupation du sol le plus important après l’agriculture. Mais elle est de plus en plus fragile. 

Forte hausse de la mortalité des arbres

Du fait des "crises sanitaires" provoquées par les sécheresses et les "bioagresseurs" (champignons et insectes), de la pression des ongulés (15% des jeunes arbres présentent des traces d’abroutissement, de frottement ou d’écorçage par les cerfs et chevreuils) et autres animaux (15% de la superficie forestière présente des fouilles de sanglier ou des traces d’animaux domestiques), sans oublier les incendies, la mortalité annuelle des arbres a connu une hausse de 125% en dix ans, passant de 7,4 millions de mètres cubes par an au cours de la période 2005-2013 à 16,7 millions de mètres cubes par an entre 2015 et 2023. "Aujourd'hui dans la forêt française, un arbre sur vingt est mort", a déclaré à la presse le coordinateur de l'observatoire des forêts de l'IGN, Antoine Colin.

Les essences les plus affectées sont l’épicéa commun (2,4 millions de mètres cubes par an), victime d’une épidémie de scolytes, une large famille d'insectes qui creusent des galeries dans les arbres pour leurs œufs. Le frêne (1,6 million de mètres cubes de bois mort sur pied par an) est frappé, lui, par la chalarose, une maladie provoquée par un champignon exotique. Le châtaignier (1,7 million de mètres cubes de bois mort sur pied par an) est quant à lui victime, depuis plusieurs décennies ou quelques années selon les régions, de deux maladies, l’encre, provoquée par des micro-organismes, et le chancre.

Symptômes d'altération sur 8% des arbres

Pour mesurer plus finement l’état sanitaire des forêts, l’IGN collabore étroitement avec le département de la santé des forêts (DSF) du ministère chargé de l’agriculture. Cette coopération a conduit l’institut à intégrer à l’inventaire forestier depuis 2021 l’indicateur Deperis qui évalue l’altération du houppier, la partie supérieure de l’arbre. Les premiers résultats sont préoccupants : 8% des 2,3 milliards d’arbres évalués, soit environ 193 millions d’individus vivants ou morts sur pied depuis moins de cinq ans présentent des symptômes d’altération (manque de ramifications pour les feuillus, manque d’aiguilles pour les conifères) ou de dépérissement visible. Certaines essences sont particulièrement touchées : 26% des frênes, 21% des châtaigniers et 10% des chênes pédonculés et des épicéas communs. Les arbres altérés sont présents sur l’ensemble du territoire mais les disparités régionales sont marquées. Le Nord-Est est tout particulièrement impacté. 

Par ailleurs, et toujours du fait de la présence de bioagresseurs endémiques ou exotiques émergents et à des conditions (climat, état du sol, etc.) de plus en plus défavorables aux arbres du fait du réchauffement climatique, la production biologique, c’est-à-dire la croissance de tous les arbres, s’est ralentie de 4% sur la période 2015-2023 (87,8 millions de m³ par an) par rapport à la période 2005-2013 (91,5 millions de m³ par an).

Une fonction de "puits de carbone" qui s'amenuise

Alors que les forêts jouent aussi un rôle central dans la lutte contre le changement climatique – lors de leur croissance, les arbres captent le CO2 atmosphérique et stockent le carbone dans leur bois -, cette fonction de "puits de carbone" se réduit. Chaque hectare de forêt contient aujourd'hui en moyenne 82 tonnes de carbone dans ses arbres vivants, à comparer aux 73 tonnes en moyenne en 2009. "Mais si ce stock continue à augmenter, on observe depuis quelques années un ralentissement notable de cette dynamique du fait de la multiplication des crises sanitaires", selon l’IGN. Les forêts françaises dans l'ensemble ont séquestré 39 mégatonnes de CO2 par en 2015-2023, soit 38% de moins qu'en 2005-2013, selon l'inventaire forestier, réalisé à partir des données collectées sur cinq ans. L'IGN estime que certaines forêts, celles où la mortalité est la plus élevée, principalement dans le quart nord-est, depuis la Thiérache jusqu'à l'Ain et au Morvan, en passant par les Ardennes, la Lorraine et le Jura, libèrent même plus de carbone qu'elles n'en séquestrent. Pour l'IGN, le renouvellement en peuplements plus résilients et la protection contre les aléas (incendies, tempêtes, épidémies) sont déterminants pour le maintien du stock de bois et donc de la fonction de "puits de carbone". 

Rôle "essentiel" des forêts plantées dans la décarbonation de l'économie

Dans ce contexte, les forêts plantées, où les arbres sont établis de manière prédominante par plantation et/ou par semis direct, sur des terres auparavant boisées ou non, jouent "un rôle essentiel dans la décarbonation de l’économie", souligne l’IGN. Alors qu’elles couvrent 2,3 millions d’hectares (14% de la superficie forestière, une proportion stable depuis 2012), elles sont deux fois plus productives que la moyenne nationale (10,3 millions de mètres cubes par hectare et par an contre 4,5) et représentent 27% de la production biologique totale. "Elles fournissent 37% du bois récolté et participent activement au stockage du carbone grâce au bois matériau, indique l’Inventaire. Cela en fait un levier de décarbonation de l’économie lorsque le bois matériau se substitue à d’autres matériaux dont la production est émettrice de gaz à effet de serre." Présentes surtout en Nouvelle-Aquitaine et dans le Massif central, elles contribuent par ailleurs aussi à la protection des dunes littorales et des sols de montagne, observe l’IGN.

 

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