Hydrogène décarboné : la Cour des comptes juge les objectifs de l’État "irréalistes"
Dans un rapport publié ce 5 juin, la Cour des comptes juge "irréalistes" les objectifs de l'État en matière de production d'hydrogène décarboné et lui conseille de mieux cibler son soutien à la filière. Les magistrats financiers soulignent que malgré des adaptations successives de la stratégie nationale hydrogène (SNH), dont la plus récente version date d'avril 2025 (lire notre article), les nouveaux objectifs de production d'hydrogène décarboné de la France "paraissent encore hors de portée". "La Cour estime que seuls 0,5 gigawatts sont pleinement sécurisés d'ici 2030", alors que dans son dernier document de stratégie publié le 16 avril dernier, l'Etat tablait sur 4,5 GW de capacité de production installée de production d'hydrogène décarboné en 2030, et 8 GW en 2035. "Au niveau européen les ambitions en termes de capacités de production d'hydrogène semblent également peu réalistes" notent les Sages, qui estiment qu'au mieux les capacités en France "pourraient être portées à 3,1 GW d'ici 2030".
Dans ce contexte, les magistrats s'inquiètent de "la place disproportionnée" du soutien public accordé à la mobilité routière, alors que la transition énergétique du secteur s'avère plus fondée sur la technologie des batteries que sur celle de l'hydrogène. Près de la moitié (46%) des quelque 900 millions d'euros de dépenses publiques effectivement engagées pour la filière hydrogène "est destinée à ce secteur".
Les magistrats visent "certaines usines subventionnées (...) qui construisent des piles à combustible dont l'usage prévu est majoritairement routier", mais aussi "des appels à projets 'écosystèmes territoriaux' lancés par l'Ademe" ou encore "une partie des soutiens à la recherche et au développement".
Au total, d'ici 2030, si le manque de ciblage perdurait, le coût du soutien budgétaire à l'hydrogène pourrait excéder les 9 milliards d'euros annoncés pour la filière en 2023, s'alarme la Cour. "Inversement, la question des infrastructures de transport et de stockage d’hydrogène mériterait d’être davantage traitée afin d’identifier la réalité des besoins en la matière, estime la Cour. Ces infrastructures conditionnent en effet la possibilité d’exploiter les électrolyseurs de manière flexible, ce qui pourrait permettre de réduire leurs coûts de production et de les faire contribuer à l’équilibrage des réseaux d’électricité."