Implantation d'un parc éolien : Qu'est-ce que la notion de saturation visuelle ?
Contexte : Avec la multiplication des parcs éoliens terrestres, les questions d'esthétique et de gêne visuelles tendent à se poser de plus en plus. Un rapprochement a ainsi été fait avec l’article L511-1 du code de l’environnement afin de créer la notion de ”saturation visuelle”. Mais de quoi parle-t-on réellement ?
La notion de “saturation visuelle”
Il n’existe aucune définition précise permettant d'encadrer et de définir, quelle que soit la situation, l'existence d’une saturation visuelle. Il est toutefois possible de considérer que le phénomène de saturation apparaît quand la densité éolienne devient insupportable pour le collectif qui vit dans un lieu donné.
Le Guide national relatif à l'élaboration des études d’impact des projets de parcs éoliens terrestres - Décembre 2016 énonce plus techniquement que “le terme de saturation visuelle appliqué à l’éolien dans un paysage indique que l’on a atteint le degré au-delà duquel la présence de l’éolien dans ce paysage s’impose dans tous les champs de vision”.
Jusqu’ici, la majorité des études se sont basées sur une analyse panoramique, à 360° et d’après des points de vue variés, ainsi qu’en terrain réel et à nu, c’est-à-dire en ne prenant pas compte des obstacles visuels (bâtiments, végétation…) ni du relief, afin d’évaluer au mieux l’impact visuel des éoliennes dans un paysage. Plusieurs indices sont également pris en compte pour compléter les données, à savoir : l’indice d’occupation des horizons, l’indice de densité ; le nombre d’éoliennes au km² ou encore l’indice d’espace de respiration. Cette méthode ne reflète pas la visibilité réelle des éoliennes depuis le point de vue, mais elle permet d’évaluer l’effet potentiel de saturation visuelle des horizons dans le grand paysage, ainsi que l’effet d’encerclement.
En l’absence de méthodologie claire et transposable à toutes les situations, de nombreux contentieux ont émergé, conduisant le juge administratif à définir un corpus de règles et de principes dans le but de rationaliser cette notion.
Un début de méthodologie définie par le juge administratif
Dans un arrêt récent du 1er mars 2023 (n° 459716), le Conseil d’Etat s’est approprié la notion de saturation visuelle en rappelant que “le phénomène de saturation visuelle qu’est susceptible de générer un projet peut être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de l’article L511-1 du code de l’environnement.” En anticipant de quelques jours l’entrée en vigueur de la loi ENR, il reconnaît un début de méthodologie et confirme par cet arrêt un droit aux juges du fond d’effectuer une appréciation au cas par cas des projets de parc éolien. Il énonce que “les juges du fond apprécient souverainement, sous réserve de dénaturation, l’existence d’un phénomène de saturation visuelle d’un projet, susceptible d’emporter des inconvénients pour la commodité du voisinage.”
Dans un arrêt du 10 novembre 2023 (n°459079), le Conseil d’Etat a complété sa jurisprudence du 1er mars dans le but d'affiner la méthodologie du juge du fond et de définir le protocole d’instruction que l’autorité administrative compétente doit suivre lors de l’instruction d’un projet de parc éolien. Ainsi, le Conseil d’Etat considère que l’instruction doit nécessairement tenir compte "de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents".
Le Conseil d’Etat précise également que l’autorité administrative peut également tenir compte des études déjà réalisées au sujet d'autres projets de parcs éoliens faisant l'objet d'une instruction concomitante et qu'elle s'apprête à autoriser, mais “elle ne saurait prendre en compte des projets qu'elle a refusés, quand bien même les décisions de refus ne seraient pas devenues définitives”.
A noter : La notion de “saturation visuelle” ainsi que la méthodologie identifiée par le juge sont toujours en phase de rodage. Il est donc important de rester alerte à ce sujet pour guetter les potentielles évolutions à venir.
Références Juridiques :
LOI n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables
CE, 1er mars 2023, n° 459716
CE,10 novembre 2023, n°459079
https://www.hauts-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2024-02-14_methodo_saturation_v4.pdf
https://erc.drealnpdc.fr/wp-content/uploads/2020/06/2020-03-17_Etude_Saturation_V4_publique.pdf
Rural Consult : le service de renseignements juridiques et financiers
Un service gratuit destiné aux communes de moins de 5 000 habitants et aux intercommunalités de moins de 50 000 habitants.
- 0970 808 809
-
Du lundi au vendredi de 9h à 19h (prix d'un appel local)
- Vous avez une question ?
-
Ecrivez-nous