Industrie verte : ce qu'il faut retenir du passage à l'Assemblée

L'Assemblée nationale a clos ses travaux, vendredi 21 juillet, en adoptant le projet de loi Industrie verte. Pas de changement concernant l'article 9 qui prévoit une procédure d'exception pour les projets d'intérêt national majeur. Mais des amendements sur le Sraddet, la stratégie nationale industrie verte 2023-2030 ou encore la possibilité pour les acheteurs publics d'exclure une entreprise qui ne respecterait pas ses obligations en matière de Beges (bilan des émissions de gaz à effet de serre). Le texte passera en commission mixte paritaire en octobre.

Au terme d'une année parlementaire mouvementée, la session extraordinaire s'est achevée vendredi 21 juillet par l'adoption, en première lecture, du projet de loi Industrie verte par les députés (217 voix pour, 75 contre et 18 abstentions), avec un soutien peu enthousiaste des bancs LR et RN. Procédure accélérée oblige, le texte, déjà adopté par le Sénat, fera l'objet d'une commission mixte paritaire, en octobre prochain, après les élections sénatoriales.

Ce texte porté par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et le ministre délégué chargé de l'industrie Roland Lescure est censé traduire les engagements pris par le président de la République le 11 mai (voir notre article) pour réindustrialiser le pays. L'enjeu : accélérer les implantations d'industries décarbonées en ramenant les délais de dix-sept à neuf mois. Et mettre la priorité sur cinq filières clés : hydrogène vert, pompes à chaleur, batteries électriques, éolien et panneaux photovoltaïques.

Le texte voté en séance n'a pas connu de grands changements par rapport à la version votée en commission spéciale, avec Guillaume Kasbarian (Renaissance) comme rapporteur général, le préfigurateur du texte également à l'origine des sites "clés en main". On notera toutefois une déconvenue pour les associations d'élus autour de l'article 9, qui instaure une procédure d'exception pour les projets d'intérêt national majeur. Mesure qui fait grincer des dents depuis la présentation du projet de loi, le 16 mai (voir notre article du 16 mai 2023). Si les sénateurs avaient renforcé le rôle des régions dans la définition de ces projets, les députés ont rejeté une série d'amendements soutenus par Régions de France et Départements de France, tendant à ce que les régions et les départements soient tenus informés de l'implantation d’un projet d’intérêt national majeur, lorsque celui-ci entraîne la modification des documents d'urbanisme. "Au vu des conséquences sur l’équilibre territorial au niveau régional, il serait pertinent d’informer ces collectivités au plus tôt", a tenter de faire valoir Virginie Duby-Muller (LR, Haute-Savoie). "Ce flux d’informations nous paraît au mieux inutile, au pire de nature à alourdir la procédure. Disons-nous les choses clairement : ce dispositif ne changera pas la face du monde", lui a rétorqué Guillaume Kasbarian avant que l'amendement ne soit rejeté. En revanche, les députés ont décidé de créer "un mécanisme d’évaluation des incidences environnementales tout au long de la durée de vie" de ces projets d'intérêt national, "jusqu’à son changement d’usage ou son effacement".

Une stratégie nationale industrie verte

Alors que, de manière générale, le projet de loi prévoit une planification industrielle à l'échelle des Sraddet (article 1), les députés ont adopté un amendement socialiste visant à préciser la notion de "développement industriel" au sein de ces schémas et à préciser les objectifs de moyen et long terme qui lui sont attachés. Et ce "dans une logique de renforcement des filières et des chaînes de valeur existantes, de développement équilibré des territoires, de décarbonation des sites industriels existants, de maintien et de progression de l’emploi industriel". En revanche, ils ont supprimé une disposition votée en commission spéciale qui prévoyait la création d'une "commission régionale pour la gestion des friches". Les députés ont considéré que cette commission allait "complexifier le dialogue". "En outre, Cartofriches intègre déjà les données des observatoires locaux. Il faut développer ces outils de cartographie, mais une commission supplémentaire n’y aidera pas", a fait valoir Guillaume Kasbarian.

Toutefois, les députés ont réintroduit, contre l'avis du gouvernement, une mesure du Sénat imposant à l'Etat de définir une "stratégie nationale industrie verte" pour la période 2023-2030. "Il ne s'agit nullement de protectionnisme, mais de redevenir une puissance industrielle réelle, leader, assurant à sa population les éléments essentiels de sa viabilité", est-il précisé.

Pour ce qui est de l'accélération des procédures, le projet de loi prévoit, lorsque plusieurs projets d'aménagement ou d'équipement font l'objet d'une saisine obligatoire en amont des projets de la commission nationale du débat public, d'organiser un débat public et une concertation unique pour l'ensemble (article 3). Un amendement Liot est venu limiter cette disposition aux projets qui ont bien une vocation commune.

Simplifier le Beges d'ici 2024

Le débat a aussi porté sur les sites de compensation, de restauration et de renaturation (article 7). Une série d'amendements est venue en préciser les contours. Un décret viendra déterminer les modalités d'application et d'agrément de ces sites, afin de sécuriser juridiquement les acteurs impliqués (collectivités, porteurs de site, porteurs de projet soumis à obligation de compensation, financeurs potentiels engagés de façon volontaire, etc.).

En matière de commande publique, les députés ont cherché à renforcer la pression sur les entreprises. Un amendement réintroduit la possibilité pour les acheteurs publics d'exclure une entreprise qui ne remplirait ses obligations de Beges (bilan des émissions de gaz à effet de serre). Cette mesure qui figurait dans le texte initial avait été supprimée par les sénateurs. En retour, l'Etat est invité à simplifier le Beges d'ici à juin 2024 "afin d’accélérer sa réalisation par toutes les entreprises qui y sont soumises", soit celles de plus de 500 salariés. 47% d'entre elles s'acquittent de cette obligation, est-il rappelé.

Les députés ont également adopté un amendement LR visant à délivrer un certificat d'économie d'énergie aux entreprises qui relocaliseraient une partie de leur production en France. Les conditions seront précisées par décret. "C’est une idée tout à fait novatrice et une excellente initiative", a salué le ministre de l'Economie. Le gouvernement s'est en revanche refusé à préciser le périmètre de la nouvelle génération des Territoires d'industrie, comme le demandaient plusieurs députés. "Dès la rentrée, nous procéderons à une nouvelle cartographie des sites – certains territoires entreront dans le dispositif tandis que d’autres en sortiront – en précisant à nouveau les critères de sélection", a indiqué Roland Lescure, renvoyant également à la future stratégie nationale industrie verte.