Pour Emmanuel Macron, la territorialisation de la politique industrielle est "absolument clé"

La Banque des Territoires investira un milliard d'euros sur cinq ans pour dépolluer des friches et mettre à disposition des sites pré-aménagés prêts à l'emploi. Ce programme "sites France 2030" est une des mesures phares de la stratégie d'accélération de la réindustrialisation présentée par Emmanuel Macron le 11 mai. Le président promet de ramener de dix-huit à neuf mois les délais d'implantations d'usines alors que la concurrence pour "'l'industrie verte" bat son plein. Cette stratégie répond au souhait des collectivités d'une plus forte territorialisation de la politique industrielle.

"Cela fait des mois et même des années qu'on défend la mise en oeuvre d'une politique industrielle nationale dans les territoires." Le président d'Intercommunalités de France et président du Grand Chalon, Sébastien Martin, ne cache pas une certaine satisfaction au lendemain du discours d'Emmanuel Macron qui, le 11 mai, a dévoilé à l'Elysée sa stratégie pour une accélération de la réindustrialisation. La mise au second rang des régions et intercommunalités dans le grand plan d'investissement France 2030 avait laissé un goût amer. Cette fois-ci, le message semble être passé puisque nombre des mesures annoncées par le président répondent aux souhaits formulés par Intercommunalités de France dans sa contribution au projet de loi industrie verte (voir notre article du 3 mars 2023).

"La territorialisation de cette politique [de réindustrialisation] est absolument clé", a assené le président, devant un parterre d'industriels et d'élus. "Quand on regarde Chalampé dans le Haut-Rhin, Fos, Le Havre ou même Denain, on a des vraies transformations industrielles qui sont en train d'arriver", a-t-il dit avant de se rendre à Dunkerque, ce vendredi 12 mai, pour l'annonce d'un très gros investissement du taïwanais ProLogium dans la construction d'une usine de batteries électriques. "Un investissement colossal de 5,2 milliards d’euros sur sept ans permettant la création de 3.000 emplois à l’horizon 2030", précise la région dans un communiqué ce vendredi. Symbole de la bataille mondiale qui se joue autour de l'industrie dite "verte", notamment face aux Etats-Unis, avec les subventions massives de l'Inflation Reduction Act (IRA) et de la Chine. Mais aussi au sein même de l'Europe. Ce "travail collectif" entre l'Etat, la région et la communauté urbaine de Dunkerque "a démontré la volonté politique commune d’accueillir le projet face à une concurrence féroce avec l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Pologne", se félicite la région.

Un milliard d'euros pour les sites France 2030

Le sujet de l'attractivité est au cœur de la stratégie d'Emmanuel Macron qui appelle de ses voeux une montée en gamme des sites "clé en main" qu'il veut rebaptiser "sites France 2030". La Banque des Territoires va investir un milliard d'euros en cinq ans pour dépolluer des friches et mettre à disposition des sites pré-aménagés prêts à l'emploi. La direction de la Caisse des Dépôts précise dans un communiqué que son action repose sur deux volets : un accompagnement ad hoc des industriels en vue d'une décarbonation (environ 600 millions d'euros pour construire de l'immobilier industriel, dépolluer des friches, développer des infrastructures numériques, accompagner la mutation des métiers industriels…) et l'accompagnement des territoires pour "améliorer l'attractivité de leur foncier, en pré-aménagement et en pré-équipant par anticipation 30 à 50 sites". Une action jugée "essentielle" par Intercommunalités de France dans le cadre du Zéro artificialisation nette (ZAN).

Plus largement, Emmanuel Macron a appelé à "
une stratégie nationale dédiée à la question du foncier industriel, avec les collectivités évidemment, qui seront associées à ces travaux". "On a environ besoin de 20 à 30.000 hectares nouveaux si on veut vraiment réindustrialiser massivement. Il se trouve que nous avons dans notre pays entre 90.000 et 150.000 hectares de friches industrielles. Il faut savoir les utiliser comme il faut", a-t-il fait valoir. Le Président promet de ramener de dix-huit à neuf mois les délais d'implantation d'usines. Ce qui passera par une "parallélisation" des procédures, comme l'a expliqué avant lui Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines, co-rapporteure du volet "foncier" des travaux préparatoires au projet de loi Industrie verte qui sera présenté mardi.

Faire évoluer la carte des formations

L'attractivité passera aussi par l'adaptation des compétences. "700 millions d'euros seront engagés dès les prochains jours et dans l'année à venir pour faire évoluer la carte des formations", a dit Emmanuel Macron, soulignant le besoin "d'avoir à l'échelle de chaque territoire une carte des besoins et à côté de ça, des formations adaptées". Et de citer l'académie de la batterie dans le Nord, le projet de filière hydrogène en Occitanie, les écoles de production ou les campus des métiers… Voilà qui va dans le sens des "académies territoriales" prônées par les intercommunalités (voir notre article du 18 avril 2023).

Emmanuel Macron a par ailleurs acté la relance du programme Territoires d'industrie lancé en 2018, annonçant une enveloppe de 100 millions d'euros dès cette année (voir notre article du 11 mai 2023). Sébastien Martin se dit prêt à revoir avec l'Etat la carte de ces 149 territoires.

En dehors de ces aspects territoriaux, Emmanuel Macron a annoncé des mesures pour "rivaliser" avec l'IRA et favoriser la production nationale ou européenne : la création d'un nouveau crédit d’impôt d’investissement "industries vertes" pour les technologies identifiées dans les textes européens (batteries, pompes à chaleur, éoliennes, panneaux solaires…), la mobilisation de l'épargne privée - qui devraient figurer dans le projet de loi - ou encore la réforme du "bonus" à l'achat de véhicule électrique conditionné à "l'empreinte carbone" dans sa fabrication. Mesure qui risque d'être difficile à faire accepter au niveau européen, vu la part du charbon dans le mix énergétique de nombreux pays producteurs, comme l'Allemagne. Cette logique prévaudrait aussi dans la commande publique qu'il souhaite "responsable", "en particulier sur les marchés les plus critiques : panneaux solaires, éoliens, pompes à chaleur et autres". "Nous allons accélérer de deux ans, c'est-à-dire dès juillet 24 au lieu d’août 26, la mise en œuvre obligatoire de critères environnementaux dans les marchés publics pour les produits clés de la décarbonation, par exemple ceux identifiés par le règlement européen sur l'industrie Net zéro", a-t-il annoncé.

Mais il a aussi appelé à une "pause réglementaire européenne" en matière de normes environnementales, estimant que l'Union européenne avait fait "plus que tous les voisins" et qu'elle avait désormais "besoin de stabilité".