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Marchés publics - Interruption du délai de prescription quadriennale : l'Administration doit être de la partie !

Cet arrêt a permis au Conseil d’Etat de préciser le régime de la prescription quadriennale, et plus spécifiquement son application dans le cadre de l’articulation entre deux contentieux. En effet, se posait ici la question de savoir si un recours devant les juridictions commerciales était susceptible d’interrompre la prescription alors qu’il ne met pas en cause la personne publique.

Dans cet arrêt rendu le 10 mars 2017, le Conseil d’Etat a dû, pour trancher l’affaire en litige, se prononcer sur l’application du régime de prescription quadriennale. Si le Conseil d’Etat a récemment statué sur l'appréciation du délai de prescription quadriennale entre deux contentieux, dont le premier avait mené à l’annulation du contrat (voir ci-dessous notre article du 16 décembre 2016), il a ici dû se pencher sur la question de l’identité des parties.

En l’espèce, le département du Val-de-Marne avait conclu avec la société Levaux un marché de travaux en vue de la reconstruction du collège "Le Centre" à Villejuif. La société titulaire avait décidé de sous-traiter le lot n°1 à la société Solotrat. Suite à des problèmes de paiements, la société sous-traitante avait assigné la société titulaire devant le tribunal de commerce d’Evry. Après confirmation de la cour d’appel de Paris, la société Levaux avait été condamnée à payer 425.281 euros à la société Solotrat. Toutefois, trois mois après sa condamnation, la société titulaire a été placée en liquidation judiciaire.
Afin d’obtenir le paiement dû pour ses prestations, la société sous-traitante a alors demandé au juge du référé du tribunal administratif de Melun de condamner le département au paiement d’une provision au titre du droit au paiement direct. Si le juge a fait droit à sa demande à hauteur de 250.000 euros, la cour administrative d’appel (CAA) de Paris a toutefois infirmé cette position. La société sous-traitante a donc saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre l’ordonnance des juges d’appel.

L’implication nécessaire de la personne publique

La question qui se posait en l’occurrence était celle de savoir si la société sous-traitante pouvait encore demander au département un paiement en vertu du droit au paiement direct. En effet, plus de quatre ans s’étaient écoulés entre la signature de l’acte spécial de sous-traitance et le recours devant le juge administratif. La créance était-elle prescrite ou le recours précèdent devant la juridiction commerciale avait-il interrompu le délai de prescription ? Le Conseil d’Etat a opté pour la première solution, confirmant ainsi la position de la CAA selon laquelle la créance était prescrite. Il a tout d’abord rappelé les termes de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics. L’article 1er pose les bases du régime de la prescription quadriennale : quatre ans après le premier jour de l’année suivant la naissance d’une créance, les sommes en cause ne peuvent plus être réclamées à l’Administration. L’article 2 traite quant à lui de la possibilité d’interruption de cette prescription, notamment à la suite d’un recours juridictionnel.
Toutefois, n’importe quel recours juridictionnel n’entraîne pas l’interruption de la prescription quadriennale. Bien que la rédaction du deuxième alinéa de l’article 2 de loi précitée puisse laisser penser le contraire ("la prescription est interrompue par tout recours [...] et [même] si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance"), la Haute Juridiction administrative a confirmé que la personne publique devait être mise en cause par le créancier pour suspendre le délai de prescription. En l’espèce, le recours devant les juridictions commerciales ne mettait pas en cause le département. Ce litige, opposant la société sous-traitante à la société titulaire, n’était donc pas susceptible d’interrompre le délai de la prescription quadriennale. Dès lors, le Conseil d’Etat ne pouvait que rejeter la demande en paiement direct de la société sous-traitante.

Référence : CE, 10 mars 2017, n° 404841
 

 

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