Investissements climat des collectivités : une hausse de 50% depuis 2017 due pour moitié à un effet prix

Selon une étude d'I4CE diffusée ce 15 décembre, en même temps que l'édition 2023 de son panorama des financements climat, les investissements des collectivités en faveur du climat ont augmenté ces six dernières années d’environ 50%, passant de 4,8 milliards d’euros en 2017 à 7,3 milliards d’euros en 2022, dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie. Mais cette hausse globale est à nuancer car elle est imputable pour moitié à l'augmentation des prix des équipements et la dynamique n'a pas été constante sur la période et selon les secteurs, relativise le think tank, qui rappelle que les collectivités vont devoir au minimum doubler leurs investissements actuels dédiés au climat pour se diriger vers la neutralité carbone.

Après une relative stabilité entre 2012 et 2017, les investissements des collectivités en faveur du climat ont bondi de 50% ces six dernières années, passant de 4,8 milliards d'euros en 2017 à 7,3 milliards d'euros en 2022 dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l'énergie, relève I4CE dans une étude publiée ce 15 décembre, le même jour que l'édition 2023 de son Panorama des financements climat, qui fait référence en la matière (lire notre encadré ci-dessous). "L’évolution à la hausse des investissements climat des collectivités s’inscrit en cohérence avec l’évolution, elle aussi à la hausse, des investissements climat des ménages, des entreprises et de l’ensemble des acteurs publics", qui ont atteint 100 milliards d'euros en 2022, souligne la chercheuse Aurore Colin. "Cette évolution s’inscrit également en cohérence avec l’augmentation de l’ensemble des dépenses d’investissement des collectivités observée sur la période, relève-t-elle. La part des investissements dédiés au climat dans les dépenses d’investissement totales des collectivités a légèrement augmenté, passant de 8,6% en 2017 à 10% en 2022", ce qui révèle selon elle "une forme de redirection des investissements des collectivités vers le climat qu’il conviendra d’analyser dans la durée".

Un effet hausse des prix

La hausse des investissements climat des collectivités s’explique en partie par l’augmentation des prix des équipements, note l'étude. Ainsi, sur la base des indices de prix sectoriels de l’Insee, elle estime que la moitié de la hausse globale des investissements climat des collectivités observée entre 2017 et 2022 est due à un effet prix. Les secteurs du bâtiment et des travaux publics, qui dominent dans l'investissement public local et a fortiori dans les investissements climat locaux ont en effet été "particulièrement exposés à la hausse des prix de l'énergie, des matériaux et des coûts salariaux", analyse le think tank. L'"effet prix" a ainsi été particulièrement important notamment pour les investissements dans les aménagements cyclables et les infrastructures de transport collectif et plus significatif encore pour les investissements dans la rénovation énergétique (près de 70% de la hausse observée entre 2017 et 2022) et pour la performance énergétique de la construction neuve.

Différences sectorielles

"La dynamique des investissements climat des collectivités n'a pas été constante sur la période et selon les secteurs", souligne aussi I4CE. A la faveur de la crise du Covid, les investissements dans les aménagements cyclables ont ainsi connu un pic "historique" en 2020, avec la multiplication de pistes cyclables temporaires puis leur pérennisation pour inciter les habitants des zones urbaines à privilégier le vélo. Après avoir plus que doublé en 2020 par rapport à 2019, les investissements des collectivités dans les aménagements cyclables ont largement diminué pour revenir à leur niveau d'avant crise avant d'augmenter à nouveau de 50% en 2022 mais sans retrouver le niveau atteint deux ans auparavant.

Les subventions d'investissement des collectivités pour les infrastructures de transport collectif ont aussi fortement augmenté en 2020 (+26% par rapport à 2019), notamment grâce à l'effort des régions dans le ferroviaire avant de connaître une légère diminution. Les investissements des collectivités dans la mobilité électrique – installation d'infrastructures de recharge, électrification des flottes de véhicules - ont véritablement décollé en 2021 (près de 800 millions d'euros, soit un doublement par rapport à 2020) puis se sont maintenus en 2022. Sur la période 2017-2022, ils ont été multipliés par cinq.

Besoin d'accélérer

Dans le même temps, les collectivités ont également augmenté de 40% les investissements dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments, estime I4CE. L'effort d'investissement a surtout été réalisé en 2021 (+30% par rapport à 2020), constate l'étude, qui le relie notamment à la reprise des dépenses d'équipement des collectivités du bloc communal après le ralentissement de 2020. Mais là encore, la prise en compte de l'inflation vient relativiser cette hausse qui n'est plus que de 15% en neutralisant l'effet prix. Dans d'autres secteurs importants pour la transition écologique – efficacité énergétique de l'éclairage public et réseaux de chaleurs -, les investissements des collectivités ont été stables sur la période, observe l'étude.

I4CE rappelle la nécessité d'accélérer pour atteindre la neutralité carbone, les collectivités devant "au minimum" doubler leurs investissements actuels dédiés au climat pour y parvenir. Dans une étude réalisée en 2022, le montant d'investissements climat à mobiliser par les collectivités était évalué à 12 milliards d'euros. "Gravir cette marche n'est pas inatteignable mais nécessite que l'Etat et les collectivités fassent collectivement évoluer le cadre de financement local", souligne I4CE en se référant à une autre étude qu'il a menée récemment avec la Banque postale. "Cela nécessite également que les collectivités se dotent d'un plan de financement pour assurer que leurs dépenses en faveur du climat continuent  d'augmenter fortement dans la durée et ne soient pas impactées par le recul de l'investissement local observé traditionnellement en début de mandat électoral", conclut le think tank.

 

100 milliards d'euros d'investissements climat en 2022 mais un montant insuffisant au regard des besoins

Selon l'édition 2023 du Panorama des financements climat d'I4CE, les investissements climat des ménages, des entreprises et des administrations publiques ont franchi en 2022 la barre symbolique des 100 milliards d'euros. "Une dynamique encouragée par la réglementation, les soutiens publics et le calendrier de plusieurs grands projets, mais qui se heurte, fin 2023, à des vents contraires, notamment la hausse du coût du crédit et le renchérissement du coût des projets, mettent en garde les auteurs du rapport. Or, pour atteindre nos objectifs climat, il faudra investir nettement plus dans les prochaines années : au moins 58 milliards d’euros supplémentaires par an selon notre chiffrage."

Les pouvoirs publics ont financé un tiers de ces dépenses en 2022. Cette part moyenne des financements publics varie beaucoup selon les secteurs, de seulement 17% pour les véhicules bas‑carbone et les énergies renouvelables jusqu’à 92% pour les infrastructures de transport. Elle correspond à des financements inscrits dans les budgets de l’État et des collectivités, mais aussi aux prêts et aux participations des banques publiques, ou encore aux ressources des bailleurs sociaux et des gestionnaires d’infrastructures, rappelle le rapport.

"La réglementation a été un puissant moteur en faveur des investissements climat, notamment fin 2020, lorsque les constructeurs automobiles ont été tenus d’augmenter la part des véhicules électriques vendus pour respecter un seuil d’émission moyen pour les véhicules neufs en Europe, observent ses auteurs. Ou avec la récente réglementation environnementale (RE 2020), qui requiert une meilleure isolation et l’intégration de sources d’énergies renouvelables dans les nouveaux bâtiments." "Cependant, les réglementations récentes comme l’obligation de rénovation des passoires thermiques, des bâtiments tertiaires ou encore les zones à faibles émissions rencontrent des difficultés dans leur application, et n’ont encore pas d’effet notable sur les investissements climat", relèvent-ils.

L’envolée du prix des énergies en  2022  a accéléré les investissements des ménages dans le solaire en autoconsommation, les véhicules électriques, les pompes à chaleur, ou encore les appareils de chauffage au bois. Mais pour I4CE, "ces achats opportunistes reflètent les conditions de prix immédiates plutôt qu’une anticipation sur le long terme". En outre, les investissements climat ont vu leurs prix augmenter plus vite que la moyenne. Surtout, ils souffrent de plus en plus du durcissement des conditions de crédit, constate I4CE. "Alors que les budgets publics, les ménages et les entreprises ont bénéficié de la période de baisse des taux d’intérêt, leur forte remontée depuis 2021 pèse sur les nouveaux projets et renchérit peu à peu le coût moyen de l’endettement, souligne le think tank. Du côté des ménages, c’est à la fois moins d’opportunités d’investir en faveur du climat et un coût de financement plus élevé lorsque l’opportunité se présente. Quant aux grands projets renouvelables, ferroviaires ou nucléaires, leur modèle économique est particulièrement sensible au coût du financement".

Par secteur, le Panorama fait état d'une augmentation des investissements dans la rénovation énergétique des bâtiments qui a atteint 22 milliards d’euros en 2022, mais la part des rénovations globales est restée faible. Les aides à la rénovation des ménages et les crédits du plan de relance pour les bâtiments publics ont soutenu les investissements après leur recul pendant la crise sanitaire mais les achats dans l’immobilier ancien, qui constituent une occasion privilégiée pour des rénovations globales, ont reculé avec la hausse des taux sur les crédits bancaires. "Le scénario provisoire de la stratégie nationale bas‑carbone cible davantage de rénovations globales, notamment dans les bâtiments énergivores, ce qui requiert des investissements supplémentaires à hauteur de 28 milliards d’euros en moyenne de 2024 à 2030", estime le rapport.

Les investissements dans les véhicules bas‑carbone, en particulier les véhicules électriques, ont connu une croissance rapide pour atteindre 16 milliards d’euros en 2022. L’autonomie prolongée des batteries et la densification du réseau de recharge ont contribué à l’augmentation des investissements. "Cependant, l’électricité reste peu présente sur le segment des utilitaires et des poids lourds. Les besoins dans ce secteur sont très importants et l’électrification progressive de tous les segments conduirait à des investissements supplémentaires à hauteur de 27 milliards d’euros de 2024 à 2030", relève I4CE.

Les investissements dans les infrastructures de report modal ont crû légèrement en 2022 pour atteindre 12 milliards d’euros. Le déploiement de grands projets, comme le Grand Paris Express ou le Canal Seine Nord Europe, a contribué à l’augmentation des investissements. Les besoins d’investissements pour 2024-2030, récemment réévalués par le Conseil d’orientation des infrastructures, s’élèvent à 6,5 milliards d’euros au-delà du niveau de 2022, tandis que les soutiens publics dont bénéficie le secteur reculent légèrement en 2023, note le rapport.

Les investissements dans les énergies renouvelables ont, eux, fortement progressé en 2022 pour atteindre 12 milliards d’euros. "Un niveau record qui s’explique par le dynamisme des chantiers en cours dans l’éolien en mer, et la progression des installations de panneaux photovoltaïques en autoconsommation, commente I4CE. Les investissements dans le gaz et la chaleur renouvelables sont stables, car bien que la hausse du prix du gaz fossile ait rendu ces projets plus rentables, leur coût a fortement augmenté du fait des pénuries de matériaux." Dans ce secteur, les besoins d’investissements sont estimés à 2 milliards d’euros supplémentaires, l’augmentation rapide du rythme des installations étant compensée par la baisse anticipée des coûts des équipements.

 

 

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