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Vieillissement de la population - La Caisse des Dépôts et un groupe d'investisseurs institutionnels donnent un coup de jeune au viager

"Le viager est un outil d'adaptation au vieillissement de la société", a déclaré Pierre-René Lemas, directeur général du groupe Caisse des Dépôts, en lançant, mardi 9 septembre, "Certivia", un fonds dédié à l'achat et à la gestion de biens immobiliers en viager, avec huit investisseurs institutionnels (1). Alors que le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement débute son examen à l'Assemblée nationale, le nouveau fonds a pour objectifs d'améliorer le pouvoir d'achat des personnes âgées propriétaires d'un bien immobilier, de favoriser leur maintien à domicile, mais aussi de stimuler et sécuriser le marché du viager en France "en appliquant des standards de qualité élevés".

Vers un "viager HLM" ?

Doté aujourd'hui de 120 millions d'euros (2), le fonds pourrait atteindre jusqu'à 150 millions d'euros en mars prochain, date de fermeture du fonds à d'autres investisseurs institutionnels potentiels. Avec cela, le fonds Certivia compte investir sur une période d'acquisition de 5 ans pour constituer un portefeuille d'environ 400 biens.
Il s'agira principalement des appartements (90%) et quelques maisons individuelles (10%), dont 90% en Ile-de-France et en Paca, 5% dans la métropole lyonnaise et 5% dans d'autres grandes agglomérations. Et le dispositif pourrait être élargi, à termes, à d'autres territoires moins tendus.
Autre perspective : la Caisse des Dépôts réfléchit, avec l'Union sociale pour l'habitat, à un "viager HLM". Le dispositif, déjà expérimenté à Paris, consisterait à permettre aux organismes HLM d'acquérir en viager des biens immobiliers et de les récupérer ensuite dans leur patrimoine sous forme de logements locatifs sociaux.

Etre âgés de plus de 70 ans

Le dispositif présenté ce 9 septembre fonctionne presque comme un viager classique, à la différence qu'il n'y a pas de face à face entre deux personnes physiques, "situation qui peut créer des blocages tant du côté des vendeurs que des acquéreurs", souligne la Caisse des Dépôts. Le fonds Certivia achètera ainsi des biens immobiliers en viager occupé, permettant aux vendeurs seniors, obligatoirement âgés de plus de 70 ans, de rester dans leur logement tout en percevant un complément de revenus, grâce d'une part au versement immédiat d'un capital (le "bouquet", correspondant à environ 25% de la valeur du bien), et de rentes leur vie durant (et cela, même si le vendeur est contraint de quitter son logement, pour entrer en Ehpad par exemple). Au décès des vendeurs, le fonds remet sur le marché le bien immobilier. Le produit de la vente est redistribué sous forme de dividende aux actionnaires, qui attendent 6 à 6,5% de rentabilité à terme. La durée de vie de Certivia est fixée à 25 ans, "avec possibilité de prorogations successives".

Le défi de la communication

La gestion de Certivia est déléguée à la société de gestion de portefeuille La Française REM, associé à Renée Costes Viager (leader du viager en France avec jusqu'à présent 1.000 transactions par an). Ces partenaires ont été sélectionnés à la suite d'une procédure de mise en concurrence. Ils sont chargés de sélectionner, d'acquérir, de gérer et de revendre les biens. Le Conseil supérieur du notariat s'est engagé à diffuser les informations sur le nouveau fonds et son fonctionnement via son réseau des notaires. Il n'y aura pas de démarchage auprès de particuliers.
Reste à relever le défi de la communication, le viager étant assimilé à un pari cynique sur la mort, qui plus est tourné en dérision par la comédie éponyme de Pierre Tchernia et René Goscinny sortie sur les écrans en… 1972 ! "Nous savons que le viager n'a pas une image attrayante", reconnaît d'ailleurs Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts, qui compte sur la confiance attribuée à son institution pour atténuer la mauvaise réputation du viager. Une réputation qui - au moins pour quelques temps encore - a la vie dure.

Valérie Liquet

(1) CNP Assurances, Suravenir, AG2R La Mondiale, Groupama, Maif, le groupe Macif, le groupe Crédit mutuel Nord Europe et Unéo.

(2) 22 millions d'euros venant de la Caisse des Dépôts, 20 millions d'euros de CNP Assurances, 20 millions d'euros de Suravenir, 10 millions d'euros de AG2R La Mondiale, 10 millions d'euros de Groupama, 10 millions d'euros de la Maif, 10 millions d'euros du groupe Macif, 10 millions d'euros du groupe Crédit mutuel Nord Europe et 8 millions d'euros d'Unéo.