La Cour des comptes alerte sur l'urgence du stockage des déchets faiblement radioactifs
Dans un rapport sur l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) publié ce 4 juin, la Cour des comptes appelle les autorités à identifier rapidement des sites adaptés à l’accueil de quelque 280.000 mètres cubes de déchets radioactifs dits "de faible activité à vie longue", aujourd’hui sans solution de stockage adaptée.

© Gilles ROLLE/REA
Dans son rapport de 107 pages consacré à l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), publié ce 4 juin, la Cour des comptes alerte sur le sort incertain des déchets radioactifs dits de "faible activité à vie longue (FAVL)", qui représentent en volume quelque 280.000 m3, soit plus d'une centaine de piscines olympiques, et peuvent émettre des rayonnements pendant 100.000 ans.
Déchets d'origines diverses
L’inventaire de ces déchets hors résidus de traitement de conversion de l’uranium fait apparaître des origines et des natures très différentes - déchets "radifères" (issus notamment du traitement de minéraux contenant des terres rares) ; de graphite, une forme de carbone qui a été utilisée dans les centrales nucléaires de première génération jusque dans les années 1990 ; des déchets bitumés (des résidus de traitements d'effluents radioactifs enrobés dans du bitume) ou encore des déchets technologiques, principalement issus de l’exploitation des installations nucléaires de base du site Orano de La Hague, dans la Manche.
"Aucune solution de stockage opérationnelle" à ce jour
Près de 210.000 m3 de déchets ont déjà été produits et sont entreposés sur des sites "sécurisés" de producteurs de déchets, chez les exploitants nucléaires que sont CEA, EDF et Orano, l'ex-Areva, chez le chimiste Solvay et le fabricant de combustibles nucléaires Framatome ainsi qu'à l'Andra. Mais pour le long terme, la Cour des comptes constate dans son rapport qu'"à ce jour aucune solution de stockage opérationnelle n'existe" pour ces déchets. Ils ne sont pas acceptés dans les stockages de surface compte tenu de leur vie longue, mais leur faible activité "ne justifie pas" non plus un stockage géologique comme dans le projet Cigéo destiné à enfouir à 500 mètres de profondeur dans une épaisse couche d'argile les déchets les plus dangereux à Bure (Meuse).
Un projet de stockage à faible profondeur dans l'Aube
Un projet de stockage à faible profondeur est bien à l'étude sur le site de la communauté de communes de Vendeuvre-Soulaines (CCVS), dans l’Aube, mais au vu des retards, il ne verrait pas le jour avant le milieu de la décennie 2040, soit plus de 30 ans après 2013, la date initialement prévue par le législateur, relèvent les Sages. Et ce site ne pourrait accueillir qu'une partie des déchets, les "radifères", soit environ un tiers du stock.
Pour expliquer ce retard, les Sages évoquent "des obstacles techniques" tels que "l'inadaptation du site au stockage de l'ensemble des déchets", "des facteurs politiques, notamment la pression limitée des ministères de tutelle et des producteurs de déchets, et des contraintes financières dues à l'absence de financements dédiés".
Or la Cour des comptes met en garde : "l'absence de perspective de stockage" fait courir le risque de perdre "à terme la disponibilité du site" de Soulaines auquel s'ajoute "des menaces pour la sécurité nucléaire", en retardant le démantèlement programmé d'installations nucléaires. "Il est donc temps d'identifier des solutions de gestion et des sites adaptés au stockage" de l'ensemble des catégories de ces déchets, conclut la Cour en appelant à créer "dès 2025" un ou plusieurs fonds alimentés par les producteurs de déchets pour financer les études nécessaires. "L'Andra partage pleinement l'analyse de la Cour sur la nécessité d'avancer efficacement" et "réaffirme que les travaux sur les déchets FAVL restent une priorité de son action", a réagi l'établissement public dans un communiqué.
Cigéo : le rôle crucial de la fiscalité locale
Autre projet de stockage de l'Andra qui concentre l'attention, celui de Cigéo accuse, lui, "plus de 20 ans de retard" sur le calendrier de mise en service prévu initialement en 2025. Contesté par des écologistes et des associations locales, il va devoir répondre à des défis majeurs comme des "risques accrus de blocage" liés aux expropriations et aux premiers aménagements, souligne la Cour. Elle relève également "un point de crispation majeur" lié à la fiscalité locale – taxe dite "d’accompagnement" et taxe de stockage -, dont les retombées constituent "l'un des fondements du soutien des élus locaux au projet". Or le montant de la future taxe de stockage reste à déterminer par décret. Il faut donc "définir, sans plus attendre", la fiscalité future de Cigéo, et ce, avant l'enquête publique en 2026, indique la Cour dans son rapport.