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La Cour des comptes doute toujours de l'efficacité des contrats de maîtrise des dépenses locales

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes pointe les risques qui planent sur le respect de la trajectoire des finances publiques en 2018, et plus encore au cours des années suivantes. Pour elle, les contrats sur les dépenses que les grandes collectivités signent en ce moment même avec l'État, restent sujets à bien des aléas.

Pour la deuxième fois en six mois, la Cour des comptes juge incertains les résultats attendus des contrats triennaux sur les dépenses de fonctionnement que les plus grandes collectivités territoriales et intercommunalités peuvent signer avec l'État jusqu'au 30 juin.
Le programme de stabilité que le gouvernement a remis en avril à Bruxelles fixe un objectif de progression des dépenses publiques de 1,8% en 2018, qui se traduit par un objectif de croissance des dépenses locales de 1,4% (contre 2,5 % en 2017). Cette hypothèse est soumise à "des risques", dont le principal réside dans les dispositifs nouveaux mis en place par la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, estime la rue Cambon dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques que son premier président, Didier Migaud a présenté ce 27 juin.
La Cour pointe les limites de la contractualisation, qui ne porte que sur les budgets principaux des 322 collectivités territoriales dont les dépenses de fonctionnement sont d'au moins 60 millions d'euros. La stratégie du gouvernement ne couvre "qu’à peine plus de la moitié de la dépense de fonctionnement des administrations publiques locales", souligne-t-elle. Certes, poursuit-elle, un "effet d’entraînement" de la démarche engagée par le gouvernement auprès des collectivités locales qui ne sont pas concernées "est vraisemblable". Mais, "son ampleur est incertaine". La Cour en conclut que "rien ne garantit que, même en cas de respect de leur objectif de dépenses [par les grandes collectivités territoriales], la cible globale soit respectée".

"La contractualisation repose sur un pari"

En outre, les grandes collectivités qui ne signeront pas de contrat avec l'État – à l'approche de l'échéance du 30 juin, on sait que plusieurs dizaines d'entre elles font ce choix – pourraient s'imaginer que les sanctions ne seront pas appliquées. Les magistrats ne l'excluent pas.
Toutefois, la prévision de réduction de la croissance des dépenses "n’apparaît pas hors de portée", écrivent-ils. L'analyse des budgets primitifs "d’un large échantillon de collectivités territoriales" conforte les magistrats dans ce sentiment. Ils rejoignent sur ce point les constats que des ministres ont récemment dressés s'agissant de l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités en 2018, ou encore les prévisions établies par la direction des études de La Banque postale collectivités locales. La Cour met en avant cependant "les efforts" que devront réaliser les collectivités, notamment sur la masse salariale, pour atteindre les objectifs.
Dans le rapport annuel qu'elle a publié le 7 février dernier, la Cour estimait que la réussite du nouveau dispositif "repose sur le pari que ces collectivités acceptent d'entrer dans cette logique contractuelle, alors même que de nombreux points de désaccord les opposent à l'État (sur le financement des aides sociales, l'impact des normes, etc.)". Dans leur réponse commune, le ministre de l'Economie et des Finances et le ministre de l'Action et des comptes publics déclaraient être "confiants dans la capacité du mécanisme de contractualisation avec les collectivités territoriales à permettre une modération de leurs dépenses réelles de fonctionnement".
Les magistrats estiment également incertain le respect de l'objectif de réduction du déficit public de la France de 2,6% en 2017 à 2,3% cette année et surtout de celui de 0,9% en 2020 et 0,3% en 2021. Cette prévision repose sur l'hypothèse d'une capacité de financement croissante des administrations publiques locales (de 0,8 milliard d'euros en 2017 à 2,7 milliards d'euros en 2018) qui "paraît fragile" en raison des incertitudes liées à la mise en œuvre des contrats sur les dépenses, mais pas seulement. Si cette stratégie est couronnée de succès, "les collectivités utiliseront peut-être les marges dégagées pour accroître leurs investissements ou réduire leur fiscalité", estime la Cour des comptes.

Economies : le gouvernement est trop flou

Se penchant sur les perspectives des finances publiques pour les années 2019-2022, la Cour estime "ambitieux" l'objectif d'une baisse légère des dépenses publiques à partir de 2020. Elle note que cette prévision implique, compte tenu de l'inflation, une baisse en volume des dépenses de fonctionnement des collectivités locales de 0,5 % en 2022. Mais les risques pesant sur ces objectifs sont "importants", souligne la Cour. Les mesures d'économies sont à ce stade "peu documentées". Et pour cause : prévu pour le mois de mars, le rapport du comité Action publique 2022 n'a toujours pas été rendu public. Le gouvernement ne s'est donc pas prononcé sur les suites qu'il compte donner à ce rapport. Pour la Cour, "la crédibilité de la trajectoire des dépenses publiques s’en trouve affectée". Côté recettes, l'institution déplore que "certaines mesures annoncées d’allégement des prélèvements obligatoires", comme la suppression intégrale de la taxe d'habitation, n'ont pas été prises en compte dans le programme de stabilité.
Elle pointe une autre faiblesse : la gouvernance des finances publiques. Les magistrats estiment une nouvelle fois qu'elle pourrait être améliorée par la création d’une "loi de financement des collectivités territoriales" retraçant "l’ensemble de leurs relations financières avec l’Etat" et fixant "pour l’année à venir, par catégorie de collectivités, les conditions de l’équilibre global".