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Contrats sur les dépenses : les présidents de région font durer le suspens

A dix jours de la date-butoir pour la signature des contrats encadrant les dépenses de fonctionnement, une majorité de présidents de région n'ont toujours pas arrêté leur décision. Hervé Morin, patron de Régions de France, a fait un point, ce 20 juin, sur l'état des discussions avec l'Etat. Entouré de plusieurs de ses homologues, il a jugé sévèrement le dispositif de contractualisation, qu'il a qualifié de véritable outil de "recentralisation".

A ce jour, seule la région Bretagne a fait officiellement savoir qu'elle signera un contrat avec l'Etat, prévoyant la trajectoire de ses dépenses de fonctionnement pour les trois prochaines années, a affirmé Hervé Morin, président de Régions de France, lors d'une conférence de presse organisée ce 20 juin au siège de l'association.
A dix jours de la date butoir prévue pour la signature des contrats, la majorité des autres exécutifs régionaux n'ont pas encore officiellement arrêté leur décision. Plusieurs d'entre eux attendent de l'Etat un geste contre leur signature. La région des Pays de la Loire espère ainsi "un engagement du Premier ministre" sur "le contrat d'avenir concernant l'aéroport [de Notre-Dame-des-Landes] qui ne se fera pas. Les deux signatures sont très liées", a précisé un vice-président de la région. De même, Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, espèrerait obtenir contre sa signature "un engagement de l'Etat sur les investissements", a confié Hervé Morin. Le président de Régions de France s'est entretenu au téléphone il y a quelques jours avec l'ancien ministre.

Les régions proposent "un deal" à l'Etat

Être "constructif" et établir "des relations de confiance avec l'Etat" : cet état d'esprit a poussé les exécutifs régionaux à "mandater" le président de Régions de France pour proposer "la semaine dernière" à l'exécutif "une convention-cadre" avec l'Etat, s'inspirant d'une démarche réellement "contractuelle". Dans ce document que les présidents de région ont révélé ce mercredi à la presse (en téléchargement ci-dessous), les régions s'engagent à respecter l'objectif de progression annuelle de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2% sur la période 2018-2020". De son côté, l'État prend l'engagement de "mettre en œuvre l'ensemble des engagements financiers inscrits dans les contrats de plan État-région". De plus, il promet de présenter au plus tard à l'automne prochain des propositions permettant de combler le "trou d'air" consécutif à la non-reconduction en 2018 du fonds de compensation de 450 millions d'euros qui a été créé sous le quinquennat de François Hollande, en raison du transfert des compétences départementales en matière d'économie vers les régions. Toutes les régions sont prêtes à signer cette convention-cadre. Mais, "nous avons eu jeudi dernier pour réponse une fin de non-recevoir", a déclaré Hervé Morin. Selon lui, "un certain nombre" de présidents de région ont depuis considéré qu'il leur était "impossible de signer".
En tant que président de la région Normandie, Hervé Morin a lui-même annoncé, en effet, qu'il ne signera pas le contrat sur les dépenses de fonctionnement. Renaud Muselier, président de la région Sud-Provence-Alpes-Côtes d'Azur et Carole Delga, la patronne de l'Occitanie, ont également fait part de leur refus d'apposer leur signature à côté de celle du préfet. L'ancienne ministre de Manuel Valls a regretté que la contractualisation avec l'État ne soit pas "équilibrée" et a souhaité "un engagement de l'État" notamment pour les transports dans sa région. Le volet transport du contrat de plan entre l'État et la région Occitanie accuse un retard de "350 millions d'euros", a-t-elle dit.

"L'État jacobin"

L'État a demandé à la région de respecter entre 2018 et 2020 un taux de croissance de ses dépenses de fonctionnement de 1,09% en valeur, soit un taux inférieur au taux moyen de 1,2% fixé par la loi de programmation des finances publiques. La région est "sanctionnée" pour avoir négocié et obtenu entre 2014 et 2016 "180 millions d'euros de plus" de fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), parce que ses agriculteurs "ont le revenu agricole le plus bas de France", a expliqué Carole Delga.
De manière générale, les régions bénéficient peu de la modulation du taux de 1,2% prévue par la loi, puisque selon Hervé Morin, elles devront respecter des taux compris "entre 1,05% et 1,2%" par an, inflation comprise. Toutefois, selon un de ses collaborateurs, la région Auvergne-Rhône-Alpes aurait obtenu un bonus pour les économies qu'elle a accomplies ces dernières années.
Sur le dispositif de la contractualisation, les présidents de région ont réitéré les critiques qu'ils avaient faites le 10 avril dernier, lors d'une conférence de presse commune avec l'Assemblée des départements de France et l'Association des maires de France (voir l'article que Localtis a publié à cette occasion). "On est aux antipodes" du pacte girondin annoncé par le président de la République et du principe de différenciation territoriale contenu dans le projet de loi de révision constitutionnelle, a pointé Gilles Siméoni, président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse. "Il va falloir expliquer à l'État pourquoi telle ou telle dépense augmente, c'est un contrôle de nos dépenses par l'État", a dénoncé Etienne Blanc, premier vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Avec la notion de fonctionnement, l'État "mélange tout", aussi bien les dépenses internes (frais de fonctionnement, masse salariale) que les dépenses qui permettent de "faire rouler les trains, d'assurer "la formation des chômeurs" et de mettre en œuvre "les projets culturels", a critiqué Alain Rousset. Le président de la région Nouvelle-Aquitaine a parlé d'une démarche "diabolique".

Signature ou pas, les régions ont le pied sur le frein

"Nous en avons assez des leçons d'un exécutif dont les dépenses de fonctionnement augmentent de 1,9% encore cette année", s'est agacé pour sa part Hervé Morin. Il sera toutefois "indulgent" vis-à-vis des présidents de région qui signeront. Certains ont "des équations compliquées", a-t-il reconnu.
Les 322 grandes collectivités (communes, intercommunalités, départements, régions) concernées par la contractualisation financière n'ont pas l'obligation de s'engager dans le dispositif. Mais si elles ne respectent pas la limite des dépenses de fonctionnement fixée par l'État, elles s'exposent à une reprise financière plus importante. Une menace qu'elles ne devraient pas redouter, du moins en 2018. En effet, selon Régions de France, les dépenses de fonctionnement des régions devraient progresser cette année de seulement 0,8% en moyenne.

Même levée de boucliers du côté des départements
"77% des présidents de département présents aujourd'hui ont dit leur opposition à la signature des contrats avec l'Etat, 6% se sont abstenus et 17% prévoient de signer", a fait savoir Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), lors d'un point presse ce 20 juin en fin de journée. Le matin même, l'association avait réuni son bureau ainsi que son assemblée générale, profitant de l'occasion pour sonder les élus sur leurs intentions à dix jours de l'échéance pour la signature des contrats sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement. "On verra le 1er juillet ce qu'il en sera précisément... mais cela donne une indication. La majorité des départements ne signeront pas", juge Dominique Bussereau. Dans son propre département, la Charente-Maritime, l'assemblée départementale a voté contre toute signature. Même chose dans les départements des deux présidents présents ce mercredi à ses côtés, François Sauvadet (Côte-d'Or), président du groupe droite, centre et indépendants (DCI) de l'ADF, et André Viola (Aude), président des départements de gauche. L'enjeu est donc transpartisan, a souligné ce dernier, persuadé que "parmi les départements de gauche, rares seront ceux qui signeront". Localtis reviendra sur le sujet, ainsi que sur les autres points abordés par les élus départementaux, dans sa prochaine édition quotidienne.
C.M.