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Développement des territoires - La Cour des comptes formule huit propositions pour améliorer les contrats de plan

Taux d'exécution très inégaux selon les secteurs ou les régions, absence d'étude d'impact et d'évaluation, saupoudrages... Dans une enquête présentée le 15 octobre devant la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes épingle les nombreux cafouillages des CPER 2007-2013 au moment où Etat et régions négocient la nouvelle génération. Devant les sénateurs, Jean-Luc Lebuy, conseiller maître à la Cour, a formulé 8 propositions pour y remédier, dont l'inscription des projets dans une stratégie nationale.

C'est un symbole gênant au moment du démarrage cahoteux des nouveaux contrats de plan Etat-régions (CPER) : alors que l'Etat demande aux collectivités de se serrer la ceinture et qu'il réduit sensiblement sa contribution à ces nouveaux contrats, la mise en place d'un nouveau logiciel de suivi baptisé Synergie s'élèverait à 55 millions d'euros. C'est ce qu'a révélé Jean-Luc Lebuy, conseiller maître à la Cour des comptes, qui a présenté, mercredi 15 octobre au Sénat, les conclusions d'une enquête sur les CPER. Cette enquête avait été diligentée il y a deux ans par la commission des finances du Sénat.
Le magistrat a rappelé que, lors de la précédente programmation, un autre logiciel du nom de Presage avait été choisi. Mais son déploiement intervint après la signature des contrats, "ce qui a conduit les régions à ne pas s'en servir et à déployer leurs propres outils". Et fut "à l'origine de beaucoup d'incompréhensions entre l'Etat et les régions". "Nous avons des doutes, des interrogations sur le fait que cet outil soit, à la différence de Presage, utilisé conjointement par l'Etat et les régions", s'est demandé Jean-Luc Lebuy.
Le Commissariat général à l'égalité des territoires (ex-Datar), à l'origine du changement de logiciel, se veut rassurant. Il explique que Synergie est également utilisé pour les fonds européens et qu'il découlera du double emploi des "économies d'échelles". Selon Caroline Larmagnac, chef de la mission contractualisation et partenariats territoriaux au sein du CGET, il suffirait ainsi d'y ajouter quelques "modules complémentaires" propres aux CPER, pour un surcoût "très modique"...

Nombreux dysfonctionnements

Dans son enquête (non encore publiée), la Cour des comptes a repéré de nombreux  dysfonctionnements : des taux d'exécution très inégaux selon les secteurs, les régions et les projets concernés, l'absence d'étude d'impact et de faisabilité physique ou financière préalable aux projets, un trop grand nombre de priorités conduisant à un saupoudrage des crédits, l'absence d'évaluation à mi-parcours comme cela était prévu en 2010, ou encore le lancement en parallèle aux CPER de programmes nationaux concurrents tels que le programmes d'investissements d'avenir (PIA), le plan Campus, les plans de transports spécifiques… "Tout cela a nuit incontestablement à la visibilité des contrats de plan eux-mêmes", a estimé Jean-Luc Lebuy, devant la commission des finances.
Or, quand la Cour des comptes a commencé son enquête, le gouvernement était très hésitant à l'idée de relancer ces contrats. Décision a finalement été prise de revenir aux contrats de plan (après la parenthèse des "contrats de projets" 2007-2013). Mais des premières circulaires de Jean-Marc Ayrault à la  circulaire de Manuel Valls du 30 juillet 2014, on est passé d'une dizaine de priorités à cinq. L'enveloppe de l'Etat a été ramenée à 12,2 milliards d'euros (contre 12,7 lors de la précédente programmation), mais en intégrant à nouveau les routes au dispositif, comme c'était le cas avant 2007.

Huit propositions

Alors que s'ouvrent enfin les négociations entre les préfets, qui viennent de recevoir leurs mandats, et les régions, avec un an de retard, la Cour des comptes formule huit propositions pour réussir la nouvelle programmation 2015-2020 (2014 étant une "année blanche" servant à prolonger la programmation précédente). Elle demande d'inscrire les contrats dans une stratégie nationale définie préalablement avec les régions "et, si possible, soumise à un débat voir à un vote du Parlement", a indiqué Jean-Luc Lebuy. Cette stratégie devra "trancher la question de savoir si les CPER doivent poursuivre un objectif de développement de l'attractivité et de compétitivité des territoires ou un objectif de péréquation entre les régions favorisées et les autres". La Cour recommande des études préalables de faisabilité à la fois physique et financière, avec consultation du Commissariat général à l'investissement. La conclusion de contrats interrégionaux ou territoriaux ne devrait être retenue que si les projets s'inscrivent dans les priorités nationales préalablement définies (sur le sujet voir également l'encadré ci-dessous). L'Etat devrait s'efforcer "au moins pendant les deux ou trois premières années du contrat de ne pas adopter seul des plans sectoriels (type plan Campus, ndlr) susceptibles de perturber leur exécution".
La Cour préconise en outre de mettre en place un comité de suivi national et des comités dans chaque région de manière à établir une fois par an un bilan d'exécution du contrat, avec une évaluation à mi-parcours afin, le cas échéant, de procéder à des réajustements.
Sur la question des études préalables, lors du congrès de l'Association des régions de France (ARF) à Toulouse, le 10 octobre, le Premier ministre a annoncé qu'un appel à projets régionalisé sur l'innovation serait lancé à titre expérimental dans quelques régions, dans le cadre du PIA. Le cahier de charges serait préparé conjointement "par le commissariat général à l'investissement et les opérateurs régionaux", a précisé Caroline Larmagnac. Lors de ce congrès, Manuel Valls avait également promis de la "souplesse" dans les négociations avec les préfets. "On n'a pas le sentiment que les mandats de négociations des préfets sont beaucoup plus souples", a cependant observé Gilles Mergy, le délégué général de l'ARF, devant la commission des finances du Sénat.
Un autre sujet taraude les régions : la nouvelle carte régionale qui pourait voir le jour en 2016. "Je ne conçois pas que ces régions, à la veille de fusionner, ne co-construisent pas aujourd'hui leur contrat de plan pour demain", a soulevé le sénateur socialiste de la Côte-d'Or François Patriat, également président de la région Bourgogne. Ajoutant que ce ne serait "pas évident", compte tenu des priorités propres à chacune. Le sénateur UMP des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi est plus radical : la région Ile-de-France ne peut selon lui signer un contrat compte tenu du "désordre institutionnel" actuel.

Michel Tendil

Volet territorial : des crédits en forte diminution
L'enveloppe consacrée à l'aménagement du territoire dans la nouvelle génération des contrats de plan s'élèvera bien à 735 millions d'euros d'ici à 2020, dont 100 millions d'euros en 2015. C'est ce qu'a indiqué la ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité, Sylvia Pinel, jeudi 16 octobre, lors du congrès de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem), à Chambéry. Pour mémoire, l'enveloppe était de 1,24 milliard lors de la précédente programmation.
"Ces crédits abonderont principalement le volet territorial, qui vise à mettre en oeuvre des projets et dispositifs spécifiques pour certains territoires, et notamment les territoires ruraux", a rappelé la ministre. Sylvia Pinel a également indiqué que le principe de "contrats de plan interrégionaux de massifs" serait maintenu afin de "permettre une meilleure gestion des problématiques qui dépassent les frontières administratives d'une région". 140 millions d'euros leur seront consacrés, dont 110 en provenance du Fnadt (fonds national d'aménagement et de développement du territoire). "Ces contrats, lors des dernières années, ont permis de faire aboutir nombre de projets innovants : je pense notamment à ceux qui concernent le développement des usages numériques, la mise en oeuvre de projets de mobilité à l'échelle du massif, le soutien à des filières clés, comme le bois ou la promotion touristique", a-t-elle ajouté, se félicitant d'avoir "fortement appuyé leur reconduction".
M.T.

 

 

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