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Agriculture - La FNSafer réclame "de toute urgence" un projet de loi sur le foncier agricole

La Fédération nationale des Safer et deux syndicats agricoles réclament une loi sur le foncier agricole suite à la censure par les Sages de l'arsenal contenu dans le projet de loi Sapin 2 sur les transferts de parts des sociétés agricoles.

C'est une amère déception pour la FNSafer (Fédération nationale des Safer) qui avait œuvré pour que dans la loi Sapin 2 figure un dispositif visant à mieux prémunir le foncier agricole des risques de financiarisation. Mais cet arsenal prévu aux articles 87 à 91 du projet de loi a été jugé contraire à la Constitution par les Sages dans leur décision du 8 décembre 2016, car sans lien, même indirect, avec l'économie générale du texte. "Il aurait été constructif que le Conseil constitutionnel puisse analyser sur le fond le dispositif proposé", regrette la FNSafer, dans un communiqué du 13 décembre. Elle demande "de toute urgence", "une réflexion approfondie et l'inscription rapide d'un projet de loi foncière".
La fédération rappelle que ce volet foncier qualifié d'"ingénieux et novateur" était le fruit d'un "travail de concertation exceptionnel entre les organisations professionnelles agricoles, les syndicats et l'ensemble des groupes politiques" et qu'il avait été approuvé par le ministère de l'Agriculture, resté muet depuis cette décision.

Souveraineté alimentaire

Depuis plus de deux, la FNSafer alerte sur le phénomène de concentration des terres et d'accaparements abusifs : des investisseurs détournent le droit actuel pour échapper aux Safer. Depuis la loi d'avenir de 2014, les cessions de 100% de parts sociales d'une société agricole doivent être notifiées aux Safer qui peuvent alors exercer leur droit de préemption. Il suffit donc aux investisseurs de se contenter dans un premier temps de 98% ou 99% pour que l'opération se fasse. C'est ce qui s'est produit notamment dans l'affaire retentissante de l'achat de 1.700 hectares de terres céréalières dans le Berry par une société chinoise. Aujourd'hui, toute la production repart vers la Chine. Autre problème : le rachat de ces terres trois fois au prix du cours normal crée une concurrence déloyale vis-à-vis des jeunes agriculteurs qui cherchent à s'installer. Pour remédier à cette situation, l'arsenal proposé dans le projet de loi étendait le droit de préemption des Safer aux cessions partielles de parts. Pour la fédération, le phénomène menace aujourd'hui la "souveraineté alimentaire" française et européenne. Elle indiquait récemment que l'Europe importe aujourd'hui l'équivalent de 35 millions d'hectares, et qu'elle est déjà déficitaire nette de 20% de sa surface agricole totale. Or compte tenu des énormes réserves de change de la Chine qui cherche à racheter des actifs tangibles, le phénomène ne peut que s'accentuer.

Montages sociétaires

Mais la Chine n'est bien évidemment pas la seule dans la course à la terre. C'est d'ailleurs le même type de montages sociétaires qui a permis la création de la ferme des 1.000 vaches, dans la Somme. "C'est l'avenir de l'agriculture familiale et de notre modèle de société qui est en jeu", s'insurge la FNSafer.
Deux syndicats agricoles ont également manifesté leur déception, le 12 décembre, et appelé à un projet de loi foncière. "Des députés ayant participé à ces échanges [préparatoires au projet de loi, ndlr], interrogent a posteriori la légalité d'un dispositif dont personne n'a remis en cause le bien-fondé et l'impérieuse nécessité", observent les Jeunes Agriculteurs. La Confédération paysanne est plus explicite et "s'étonne que les députés du groupe Les Républicains, à l'origine de la saisine du Conseil constitutionnel, remettent en cause la possibilité d'intervention de la Safer et de la profession agricole sur ces opérations". "Le 15 septembre 2014, le même groupe parlementaire attaquait déjà la loi d'avenir sur les dispositions Safer qui tentaient, là aussi, d'instaurer transparence et contrôle sur des mouvements de transfert de propriété jusqu'alors totalement opaques", fait-elle remarquer.