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Handicap - La fonction publique garde le cap de 6 % d'agents handicapés

De 4,9% fin 2014, le taux d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique a progressé de manière continue au cours des dernières années. L'obligation d'emploi définie par la loi du 11 février 2005 et la création en parallèle du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) ont eu un rôle décisif dans ce bon résultat. Mais de nombreux progrès doivent encore être faits en matière d'emploi, notamment pour réduire le nombre des chômeurs handicapés.

Martine Rahal exerce le métier d'agent qualifié du patrimoine dans une médiathèque de Lorient. Atteinte de graves problèmes de santé, elle n'a pu marcher qu'à l'âge de dix ans. Mais elle a toujours eu envie de travailler. Elle aurait pu abandonner devant les difficultés. Sur son chemin, elle a heureusement rencontré des professionnels d'un établissement de soins de suite et de réadaptation qui ont participé notamment à l'aménagement de son poste de travail. Le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) a permis de financer ce travail multidisciplinaire. Cette expérience d'insertion professionnelle réussie a été présentée devant les quelque 400 participants d'une journée organisée par le FIPHFP, le 10 février, à l'occasion des dix ans de la loi pour l'égalité des droits et des chances. Une loi à laquelle le fonds doit son existence. Le texte a créé l'obligation pour les employeurs publics d'employer au moins 6% de personnes handicapées et de payer une contribution en cas de manquement. En 2014, 10.596 employeurs publics étaient assujettis à cette obligation.
Avec l'argent de ces contributions, le FIPHFP a pour rôle de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des trois fonctions publiques, ainsi que la formation et l'information des agents.

Près de 5% d'agents publics handicapés

Cet établissement public géré administrativement par la Caisse des Dépôts et placé sous la tutelle des ministres concernés a fait son chemin. Depuis 2007, il a signé des conventions avec 346 organismes ou fédérations et versé au total plus de 760 millions d'euros aux employeurs publics pour les aider à recruter des personnes handicapées ou à maintenir par des aménagements de poste leurs personnels en situation de handicap. L'année dernière, les interventions financières du fonds ont atteint le record de 178 millions d'euros. Au-delà de cette mobilisation financière, le FIPHFP apporte une expertise technique qu'une petite structure ne peut pas développer, comme l'a souligné Valérie Metrich-Hecquet, secrétaire générale du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.
Les résultats sont au rendez-vous : fin 2014, les trois fonctions publiques employaient 4,9% de personnes handicapées (soit plus de 222.000 personnes), contre 3,74% en 2006. La fonction publique territoriale faisait figure de bon élève avec un taux d'emploi frôlant les 6% (5,97%, contre 3,73% en 2006).
Mais un tel succès est fragile. Alors que les difficultés financières de l'Etat pourraient conduire Bercy à rogner les moyens affectés au FIPHFP ou à son équivalent dans le privé, l'Agefiph, "il est vital que les prélèvements sur les employeurs [contrevenant à l'obligation d'emploi] ne subissent jamais de coup de canif", a souligné Philippe Bas, ancien ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille. Mais les moyens de la politique en faveur de l'emploi des personnes handicapées pourraient être réduits sans même l'intervention des pouvoirs publics : quand l'objectif des 6% d'emploi sera atteint, on assistera à leur tarissement. Didier Fontana, ancien président du comité national du FIPHFP, s'est dit inquiet. Sans carotte financière, les velléités montrées ces dernières années par les employeurs publics, pourraient disparaître.

"Changer de regard"

Autre difficulté, liée elle aussi à la réduction des budgets publics : les efforts de recrutement et de maintien dans l'emploi s'avèrent plus compliqués, comme l'a témoigné Sandrine Poirson-Schmitt, DRH adjointe aux Hospices civils de Lyon. "Pour ne pas toucher aux personnels soignants, nous supprimons des emplois principalement parmi les postes administratifs." Or, c'est précisément sur ce type de postes que la structure hospitalière effectuait ses reconversions professionnelles. "Il faudra revoir nos organisations", en a-t-elle déduit. Une perspective que partage Philippe Nicolle, directeur adjoint du FIPHFP. "Il faudra s'appuyer sur l'innovation technologique et l'innovation managériale et changer les méthodes de gestion des personnels" a-t-il souligné. Poursuivre le travail dans "une logique de réseau" en renforçant "les liens de proximité" avec les DRH permettra de démultiplier nos interventions, a indiqué pour sa part Pierre-Yves Leclercq, président de l'AGEFIPH. Globalement, "un changement de regard de la société sur les personnes handicapées sera indispensable", a conclu André Montané, actuel président du comité national du FIPHFP.

Améliorer la formation des personnes handicapées

Les politiques en matière d'emploi des personnes handicapées ne sont qu'un volet parmi d'autres de la loi du 11 février 2005, un texte "très ambitieux", selon Philippe Bas. Ce volet ne constituait pas l'essentiel de cette loi, a estimé Michel Busnel, président de Comète France, réseau d'établissements de réadaptation. Ce volet-là présente d'ailleurs un bilan mitigé, malgré le succès du FIPHFP. Il a été rappelé que les personnes handicapées ont un taux de chômage deux fois plus élevé (22%) que l'ensemble des actifs, ce qui est essentiellement dû à un niveau de formation plus faible. Ce sera l'un des enjeux de demain que de construire "une formation professionnelle pour tous", a conclu Martine Carillon-Couvreur, députée et présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Au-delà, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances a incontestablement marqué un tournant dans les politiques du handicap menées en France. "Il y a un avant et un après", confirme Philippe Bas. Ce texte dont le "véritable père fondateur" est selon lui l'ancien président de la République, Jacques Chirac, est "une espèce de déclaration des droits de l'homme", a-t-il indiqué. Au cœur de la loi figure l'idée qu'il faut construire "une société inclusive", autrement dit "une société qui permet à tous dès la crèche d'être des citoyens, d'être partie prenante et moteur en mettant en place tous les moyens de compensation et d'accessibilité".
En France, 5,5 millions de personnes sont en situation de handicap et 300.000 personnes sont reconnues comme telles chaque année.