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Réfugiés - La France confrontée à une "crise nationale de l'asile"

Le dossier du droit d'asile et de l'accueil des réfugiés se trouve à nouveau sur le devant de la scène. A la différence du dossier des Roms, il ne s'agit pas en l'occurrence d'un changement de politique, mais plutôt d'une question matérielle. S'exprimant le 14 septembre, devant une réunion rassemblant l'ensemble de ses collègues à Bruxelles, Eric Besson a affirmé que la situation était devenue "intenable" et que "la France connaît, comme un certain nombre d'autres partenaires, une véritable crise nationale de l'asile".
La séquence avait en réalité commencé une semaine plus tôt avec l'organisation à Paris, le 6 septembre, d'un séminaire ministériel sur l'asile et la lutte contre l'immigration irrégulière, rassemblant les responsables de six pays européens les plus concernés par l'accueil des réfugiés (Allemagne, Belgique, France, Grèce, Italie et Royaume-Uni), plus le Canada. Ces sept Etats représentent à eux seuls 183.440 demandes d'asile enregistrées en 2009, soit 50% du total mondial (le premier pays en matière de demande d'asile demeurant les Etats-Unis). En l'occurrence, la difficulté ne vient pas du volume total des demandes, mais de sa répartition entre les différents pays d'accueil. Ainsi, selon les chiffres du Haut Comité des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la demande d'asile est restée globalement stable en 2009, en Europe et dans le monde. Mais cette stabilité recouvre des évolutions divergentes. Si plusieurs pays ont vu le nombre de leurs demandeurs d'asile reculer (-5% au Royaume-Uni, -10% au Canada, -20% en Grèce, -42% en Italie), d'autres ont été, en revanche, confrontés à une forte hausse de leurs demandes : +18% en France, +25% en Allemagne et +40% en Belgique. Compte tenu de la hausse déjà observée en 2008 (voir nos articles ci-contre du 9 avril 2010 et du 22 juin 2009), la progression est de 43% sur deux ans. Eric Besson a par ailleurs indiqué que, sur les premiers mois de 2010, le nombre de demandes d'asile avait déjà progressé de 12,5%. Ces hausses successives aboutissent à une saturation des centres d'accueil de demandeurs d'asile (Cada). Dans sa note de positionnement sur le "chantier de refondation du dispositif d'hébergement et d'accès au logement", le collectif rassemblant toutes les associations de l'accès au logement et de l'hébergement d'urgence indiquait ainsi que, "parmi les 42.118 personnes ayant formulé une première demande d'asile, seules un peu plus de 12.000 ont pu entrer dans les 20.410 places de Cada en 2009". Le collectif estime également que "le budget de l'hébergement d'urgence est quant à lui constamment sous-basé, ce qui contribue à un contingentement de l'accueil dans les départements, et à un renvoi des publics d'un territoire à l'autre". Si l'accueil de demandeurs d'asile relève avant tout de l'Etat, les départements sont néanmoins directement concernés par les mineurs isolés et par les situations familiales relevant d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.
Face à cette situation, la France et l'Allemagne ont réagi en demandant, lors de la réunion du 14 septembre à Bruxelles, la mise en place d'un régime commun pour l'ensemble de l'Union européenne. Selon Eric Besson, les deux pays veulent en effet "mettre fin au supermarché européen de l'asile". Le ministre de l'Immigration a également affirmé que "pour certains, la demande d'asile est une tentative de détourner les règles européennes pour réguler les flux migratoires et cette tendance tend à augmenter". Cette demande d'un cadre commun est partagée par la commissaire européenne chargée des Affaires intérieures, qui estime que "cela sera plus humain pour les gens". Cecilia Malmström a déclaré attendre des propositions sur ce point de la part des Etats membres et du Parlement européen. Mais la construction de ce cadre commun est aujourd'hui en panne, malgré la volonté affichée de la Belgique - très directement concernée par le sujet - de faire avancer le dossier durant sa présidence qui s'achève le 31 décembre. Les négociations buttent notamment sur le refus des pays d'accueil des réfugiés - France et Allemagne en tête - d'accepter la moindre dérogation au principe selon lequel il appartient au pays d'entrée d'un réfugié de traiter sa demande d'asile et de décider si elle est recevable ou non.

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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