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Culture - La gratuité, une bonne affaire pour les musées ?

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2012, Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou ont remis leur rapport, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur les crédits de la mission Culture. Les deux sénateurs reviennent sur la question de la gratuité de l'accès des moins des 18-25 ans et des enseignants aux collections permanentes, largement débattue depuis sa mise en place en avril 2009 (voir nos articles ci-contre). Sur l'impact de cette mesure en termes de fréquentation, le rapport n'apporte guère de nouveautés. Si elle semble bien avoir eu un effet positif sur la tranche d'âge concernée - 4,5 millions d'entrées supplémentaires entre avril 2009 et mars 2011, selon le ministère de la Culture -, ses résultats semblent néanmoins inférieurs aux attentes. Certes, le taux de présence des jeunes en visite dans les collections permanentes des musées nationaux a pratiquement doublé en Ile-de-France (10,7% au lieu de 5,5%) et plus que doublé dans les autres régions (5,3% au lieu de 2,2%). Mais les deux rapporteurs constatent que la part moyenne des 18-25 ans dans la fréquentation des collections permanentes des institutions patrimoniales et architecturales a atteint 8,62% en 2010, contre un objectif supérieur à 11%. Sans oublier que la forte croissance de la fréquentation des musées concerne aussi les publics payants (voir notre article ci-contre du 19 octobre 2011).

41 millions de compensations pour 22 millions de dépenses

Mais l'intérêt du rapport se situe ailleurs. En effet, les deux sénateurs de la commission des finances, s'appuyant sur un récent rapport de la Cour des comptes (voir notre article ci-contre du 31 mars 2011), relèvent que les musées nationaux engagés dans la démarche de gratuité ont touché en deux ans, de la part de l'Etat, une compensation de 41,4 millions d'euros, pour un coût effectif de 21,9 millions. La surcompensation a ainsi atteint 19,5 millions d'euros sur 2009 et 2010, dont 6,5 millions d'euros au titre de la mesure en faveur des enseignants et 13 millions d'euros au titre de celle en faveur des 18-25 ans. Ces versements excédentaires peuvent s'expliquer par la difficulté à anticiper l'impact de la gratuité. Mais le rapport de la commission des finances constate que "ces surcompensations n'ont pas été récupérées auprès des établissements, qui les ont employées à couvrir des impasses de gestion ou à pourvoir à d'autres dépenses". En outre, les dépenses de compensation n'ont fait l'objet d'aucune ouverture de crédits en lois de finances initiales (LFI) pour 2009, 2010 et 2011, mais ont été financées par le dégel des crédits de la réserve de précaution. Et aucun chiffrage n'est disponible pour 2012... Malgré les explications du ministère de la Culture sur la nécessité de recueillir "les données réelles de la fréquentation des jeunes de 18 à 25 ans et des enseignants durant l'année 2010, seule année pleine depuis la mise en oeuvre de la mesure", les rapporteurs estiment que "cette absence de crédits était compréhensible en 2009, puisque la mesure a été mise en oeuvre en cours d'année. Elle l'est beaucoup moins pour les années ultérieures". Conclusion : les crédits ne seront intégrés dans le projet de loi de finances initial qu'à compter de 2013 et "la mesure aura donc attendu quatre années pour faire l'objet d'une budgétisation sincère".
Certes, les observations de la commission des finances ne concernent que les établissements nationaux, financés directement par le budget de l'Etat. Mais nombre de musées de collectivités pratiquent aussi la gratuité ciblée, voire une gratuité plus large que celle prévue par le ministère de la Culture. Les collectivités concernées pourraient donc être bien inspirées de se pencher sur le coût réel de la mesure...

Jean-Noël Escudié / PCA
 

Référence : projet de loi de finances pour 2012, rapport général n° 107 (2011-2012) de Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou, fait au nom de la commission des finances, sur les crédits de la mission Culture (adopté par l'Assemblée nationale le 16 novembre 2011, examiné par le Sénat du 17 novembre au 6 décembre 2011).

 

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