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Fonds européens - La politique régionale exposée à l'excès de centralisation et de bureaucratie

Les tentatives de simplification de l'utilisation des fonds européens sont contredites par les procédures nouvelles de suspension des aides de l'UE en cas de déficit public, selon une analyse de Notre Europe.

Dépenser du mieux possible les 322 milliards d'euros de subventions régionales européennes (Feder et FSE). L'objectif obsède l'UE, sommée d'apporter la preuve qu'elle ne dépense pas à perte des tombereaux d'argent public dans des aéroports inutilisés ou des pistes de ski perchées sur une île. Mais la bonne formule reste à inventer, tant la réforme qui commence tout juste à se mettre en œuvre suscite la circonspection.
Une note publiée récemment par le think tank Notre Europe anticipe déjà "un surcroît de bureaucratie". Au cœur de la polémique, le resserrement des contrôles opérés par la Commission européenne, qui pourra prononcer des suspensions de versements aux Etats en déficit excessif ou n'ayant pas assez réformé leur économie.

Transposition de la méthode du FMI

En clair, l'UE conditionne le droit d'investir au respect de l'orthodoxie budgétaire, que les gouvernements déclinent ce mois-ci, en remettant à Bruxelles leur "programme de stabilité" accompagné d'un "programme de réformes". La France publiera les siens mercredi 16 avril.
Sur le papier, la méthode ressemble à celle du FMI ou de la Banque mondiale, que l'UE transpose désormais à la politique de cohésion, note l'auteur, Marjorie Jouen, qui a occupé plusieurs postes à Bruxelles avant d'intégrer le Commissariat général à l'égalité des territoires. But recherché : imposer de "fortes exigences aux pays débiteurs". Depuis 2010, la Grèce expérimente ces "conditionnalités", en recevant des tranches de prêts en fonction des progrès budgétaires et économiques accomplis. 
Or, la mise en œuvre, détaillée fin juillet dans une communication, s'annonce plus qu'incertaine. Politiquement, la Commission européenne assume difficilement l'approche punitive. Depuis la fin des années 1990, aucun Etat n'a eu à verser d'amende dans le cadre du pacte de stabilité. Seule la Hongrie a écopé, en mars 2012, d'une suspension de 495 millions d'euros du fonds de cohésion, dans des conditions de tensions exacerbées avec le gouvernement Orban, à l'origine de réformes controversées (remise en cause de l'indépendance de la justice, exclusion des entreprises étrangères, etc.).
A l'avenir, les élus redoutent pourtant de subir des suspensions de fonds. Le risque existe pour 89% des autorités locales interrogées par le Comité des régions, dont 57% estiment que la menace est élevée.

Reprogrammation "coûteuse et lourde"

La question reste d'ailleurs ouverte : l'UE a-t-elle trouvé la bonne formule pour redorer la réputation de la politique de cohésion ? Rien n'est moins sûr. Si la perspective des sanctions apparaît comme l'hypothèse la plus extrême, la Commission propose d'autres voies d'action, comme la "reprogrammation" des fonds européens.
Une région située dans un pays connaissant des difficultés économiques pourrait subir un remaniement complet de son plan d'investissement, engagé par les autorités nationales ou la Commission européenne elle-même. "Telle qu'envisagée, la reprogrammation risque d'être très coûteuse et lourde à gérer pour les administrations nationales, locales et régionales, puisqu'il faudra la réaliser de manière rapide", relève le centre de réflexion Notre Europe.
Une gageure, lorsque l'on constate le temps moyen s'écoulant entre le moment où les régions françaises ont adressé leurs programmes opérationnels (mi-avril 2014) et le feu vert de la Commission européenne (octobre à décembre 2014). Au plus fort de la crise, huit pays, dont la Grèce, le Portugal ou encore l'Espagne, ont fait l'expérience d'une "reprogrammation" de leurs fonds européens, au profit de la lutte contre le chômage des jeunes. Les fruits de cette opération, qui a "mobilisé d'importants moyens humains", restent aux aussi à démontrer.

 

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