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Infrastructures de transport - La route trop présente dans le Snit ?

"Le projet de schéma national des infrastructures de transport [Snit] traduit une inflexion dans la politique des transports mais ce n'est ni la rupture ni la révolution annoncées", a déclaré Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), au cours d'un point presse le 3 décembre. L'association, qui a été partie prenante du Grenelle de l'environnement à l'origine du projet de Snit, juge que l'on est loin du "new deal" écologique annoncé par le gouvernement. Selon elle, le projet de Snit, qui recense les grands projets que l'Etat entend mener d'ici vingt à trente ans, a le mérite d'introduire une approche multimodale et d'énoncer des principes nouveaux conformes à la philosophie du Grenelle (limiter la création d'infrastructures en optimisant les réseaux existants, favoriser les reports de trafic vers les modes les plus respectueux de l'environnement). 
Mais il présente à ses yeux un affichage trompeur, sous-estimant largement la part de la route dans les nouveaux projets. "Quand il était ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo avait assuré que dans le domaine routier, seules seraient maintenues 19 opérations de sécurité, de désenclavement et de réduction de la congestion, ne représentant que 4,5% du coût total du Snit, a rappelé Jean Sivardière. Cela n'est pas sérieux car le document est confus, imprécis, sans chiffrage des financements et omet de mentionner certains investissements." La Fnaut a donc tenté d'y voir plus clair. Elle ainsi noté que 900 km de nouvelles autoroutes étaient planifiés, soit une "extension significative du réseau actuel" qui compte 11.000 km d'autoroutes et 9.000 km de routes nationales. De plus, elle estime que leur coût, à moins de 9 millions d'euros/km est "manifestement sous-estimé d'un facteur deux", d'autant que 40% des linéaires prévus sont des contournements, des projets franciliens ou de montagne.

Retour de projets routiers abandonnés

Elle pointe aussi le fait que "divers grands projets autoroutiers abandonnés lors d'annonces spectaculaires sont en réalité remplacés par des projets équivalents" - l'A32 Toul-Metz remplacée par l’A31 bis, l’A51 Grenoble-Sisteron par de "grands travaux" sur la RN85 Grenoble-Gap - tandis que, partout en France, d'autres pourraient "refaire surface sous la pression de grands élus". Autres carences relevées par la Fnaut : le chiffrage routier du Snit ignore le programme de modernisation d’itinéraire (PMI) qui coûtera 6 milliards d’euros sur la seule période 2009-2014, et les projets autoroutiers déclarés d’utilité publique depuis le lancement du Grenelle (environ 300 km pour 5 milliards d’euros) n’ont pas été repris dans le projet actuel. Celui-ci précise par ailleurs que "d’autres projets, bien que ne relevant pas du niveau national, pourront le cas échéant être soumis au débat local". Pour la Fnaut, "c’est la source de toutes les dérives possibles : on risque d’assister à la multiplication discrète de travaux de moyenne importance (élargissements, rocades) qui donneront eux aussi un coup de fouet au trafic routier". La Fnaut estime aussi que les opérations routières sont souvent "moins complexes techniquement, moins coûteuses et plus facilement phasables que les opérations ferroviaires ou de transport urbain, et elles intéressent généralement davantage les élus. Elles seront donc plus rapidement réalisées".
Enfin, affirme-t-elle, le Snit contient des "projets 'politiquement corrects' très coûteux qui n’ont que des chances infimes de voir le jour avant 2030 mais permettent de gonfler la dépense totale et de noyer les projets routiers : barreau à grande vitesse Lyon-Atlantique, traversée ferroviaire centrale des Pyrénées (10 milliards), canal Saône-Moselle, desserte du plateau de Saclay par métro automatique". C'est le cas de plus de la moitié des projets ferroviaires, insiste-t-elle.
Résultat :  en excluant les transports urbains en site propre, financés essentiellement par les collectivités locales, et les programmes divers portant sur les réseaux ferroviaire et routier, la part de la route est en réalité de l’ordre de 30% et non de 4%, a calculé la Fnaut. "C’est mieux que le Ciadt de 2003 (60%), mais ce n’est pas 'la révolution' ou 'le changement de paradigme' annoncés", souligne-t-elle.

Des projets "mal sélectionnés"

La Fnaut juge aussi les projets "mal sélectionnés". Outre la relance "injustifiée" des projets routiers et de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes - "une aberration" -, elle a inventorié d'autres projets "apparemment vertueux mais très contestables" : la LGV Poitiers-Limoges, "qui aurait dû être éliminée au bénéfice de l’optimisation de l’existant (modernisation de la ligne Paris-Limoges-Toulouse) pour une meilleure irrigation du territoire" ; plusieurs projets de gares nouvelles TGV implantées “à la campagne“ ; le canal à grand gabarit Seine-Nord, "dont la pertinence reste à démontrer" ;  le canal Saône-Moselle, "ruineux et inutile". Par contre, regrette la Fnaut, "aucune réouverture de ligne ferroviaire régionale ou interrégionale n’est envisagée", et dans le domaine du fret ferroviaire, le Snit "n’évoque que les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) portuaires et ne dit pas un mot sur les OFP 'territoriaux'". Il ne prévoit non plus aucun financement pour les véloroutes et ne mentionne pas le vélo urbain, "qui a pourtant vocation à devenir un transport de masse", selon la Fnaut.
Au total, "le Snit contient de nombreux projets d’intérêt incontestable : transports urbains en site propre, lignes ferroviaires à grande vitesse, régénération du réseau classique. Cependant, son impact écologique prévu est décevant : les parts modales évoluent peu d’ici 2030, toutes choses égales par ailleurs (réglementation, prix du pétrole, fiscalité)", conclut la Fnaut.
Alors que la consultation sur le projet de Snit se poursuit, la Fnaut attend toujours d'être reçue au ministère de l'Ecologie. Le calendrier de présentation du projet définitif reste en tout cas très flou. L'ancien secrétaire d'Etat aux Transports, Dominique Bussereau, avait annoncé son bouclage d'ici la fin de l'année. Interrogée le 25 novembre à ce sujet, la nouvelle ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, n'a pas voulu donner de date. "Notre objectif, c'est bien de rendre public le Snit. On est en train de le retravailler, on est en train de reprendre le dossier avec sérieux. On veut que ce soit un document solide, on ne veut pas que soit un rêve, on veut que ce soit très concret", a-t-elle affirmé.