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La substitution de responsabilité pour faits dommageables commis à l'école s'applique aussi aux Atsem

La Cour de cassation a estimé dans un arrêt récent qu'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles était bien un membre de l'enseignement public. À ce titre, la responsabilité de l'État se substitue à la sienne lorsqu'il commet à l'école un fait dommageable au détriment des élèves qui lui sont confiés.

Dans un arrêt de février 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem), donc dépendant de la fonction publique territoriale, devait être, dans les circonstances que nous allons voir, considéré comme un membre de l'enseignement public au même titre qu'un enseignant employé par l'Éducation nationale, et qu'à ce titre, la responsabilité de l'État se substituait à la sienne lorsqu'il commettait à l'école un fait dommageable au détriment des élèves qui lui avaient été confiés.

En l'espèce, une Atsem avait été accusée de harcèlement moral aggravé sur deux enfants scolarisés dans l'école où elle exerçait ses fonctions (le caractère aggravé étant dû au fait que les enfants avaient moins de quinze ans). En première instance, elle avait été condamnée par le tribunal correctionnel à six mois de sursis probatoire et à une interdiction professionnelle définitive. En appel, la cour d'appel de Grenoble l'avait condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis, à une interdiction professionnelle définitive et à deux ans d'inéligibilité. La cour s'était également prononcée sur les dommages-intérêts civils.

Dommages-intérêts

C'est précisément la question des dommages-intérêts civils que la Cour de cassation a choisi de traiter après avoir écarté les autres moyens. L'Atsem critiquait en effet l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble car il avait déclaré recevables les constitutions de parties civiles et jugé l'Atsem civilement responsable du préjudice subi par celles-ci avant de la condamner à les indemniser.

Pour s'exonérer de cette responsabilité, l'Atsem a fait valoir l'article L.911-4 du code de l'éducation qui dispose que "dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'État est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants". L'article précise encore qu'"il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers". Dans son mémoire, l'Atsem mettait notamment en cause le fait que la cour d'appel l'avait condamnée à verser des dommages-intérêts aux parties civiles au motif qu'elle aurait commis une faute détachable de ses fonctions.

La Cour de cassation va lui faire droit et casser, sans renvoi, l'arrêt de la cour d'appel en estimant qu'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles, "qui appartient à la communauté éducative et remplit une mission d'accueil des élèves, d'assistance pédagogique et de surveillance, et auquel est imputée une faute pénale commise à l'occasion d'activités scolaires ou périscolaires, d'enseignement ou de surveillance", doit être considéré comme membre de l'enseignement public au sens de l'article L. 911-4 du code de l'éducation.

Définition élargie

En conséquence, l'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droits, doit être intentée contre l'État, responsable du dommage, devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et être dirigée contre l'autorité académique compétente. Le code de l'éducation ajoute néanmoins qu'une action récursoire peut être exercée par l'État contre le membre de l'enseignement public.

On notera par ailleurs que la protection fonctionnelle des agents publics ne trouvait pas ici matière à s'appliquer. En effet, si l'administration protège son agent lorsqu'il fait l'objet de poursuites pénales pour une faute de service commise dans l'exercice de ses fonctions, cette protection est inopérante quand une faute personnelle a été commise. En l'espèce, l'acte commis se détachait de la fonction notamment par le caractère inexcusable du comportement de l'agent au regard des règles déontologiques.

Par cet arrêt, la Cour de cassation consacre une définition élargie de la notion de "membres de l'enseignement public", dont la fonction peut s'exercer pendant ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, ou plus largement dès que les élèves se trouvent sous leur surveillance.

Les intervenants extérieurs concernés ?...

La décision de la Haute Juridiction complète en outre l'équilibre établi par le Tribunal des conflits. Dans un arrêt du 30 juin 2008, ce dernier jugeait que les agents communaux ne pouvaient être considérés comme des membres de l'enseignement public pendant le temps périscolaire : "La qualité de membre de l'enseignement public […] ne saurait s'appliquer aux personnes, agents de la commune, chargées de la surveillance des enfants pendant le déroulement de la cantine et les périodes qui la précèdent, après la sortie de classe, et la suivent, jusqu'à la rentrée en classe, dès lors que l'activité ainsi organisée se limite à la prise en charge des enfants en vue de les nourrir et de les détendre, sans poursuivre une fin éducative." En affirmant que doit être considéré comme membre de l'enseignement public une personne qui "remplit une mission d'accueil des élèves, d'assistance pédagogique et de surveillance" dans le cadre "d'activités scolaires ou périscolaires, d'enseignement ou de surveillance", la Cour de cassation consacre l'idée selon laquelle le temps périscolaire à vocation éducative – et cette notion semble primordiale – entre bien dans les conditions d'application de l'article L. 911-4 du code de l'éducation et comble par là même l'espace vacant entre, d'une part, le temps du repas et ses immédiats alentours, et d'autre part, le temps de classe.

Au-delà des Atsem, on suivra donc l'évolution de cette jurisprudence avec le plus grand intérêt. Pourrait-elle, par exemple, s'appliquer demain aux éducateurs associatifs intervenant à l'école dans le cadre du dispositif Trente minutes d'activité physique et sportive quotidiennes qui concernera dès la rentrée 2022 l'ensemble des écoles ?…