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Développement local - L'AMF et la Caisse des Dépôts s'associent pour reconquérir les centres-ville

La Caisse des Dépôts s'apprête à proposer des conventions baptisées "Centres-ville de demain" avec les villes moyennes dont le centre est aujourd'hui en difficulté. Fruit d'un partenariat avec l'AMF, ce dispositif permettra de mobiliser tous les outils du Groupe autour d'une stratégie arrêtée par les élus. Dans le même temps, la Caisse des Dépôts va expérimenter des solutions nouvelles dans une dizaine de villes tests. Des solutions qui auront vocation à servir ailleurs.

"Il y a quelque chose d'un peu triste à voir tous ces pas-de-porte fermés." Mais l'heure est à la "reconquête", assure François Baroin, le président de l'Association des maires de France (AMF), venu signer un partenariat avec la Caisse des Dépôts pour la redynamisation des centres-ville, à l'occasion des 25 ans de Mairie-conseils, le 30 mars à Paris (voir ci-contre notre article du 31 mars 2016). En quelques mois, le sujet a fait l'objet d'une véritable prise de conscience et été érigé au rang de cause nationale. Pour la Caisse des Dépôts, c'est aussi une façon de marquer sa volonté de revenir au plus près des territoires.
L'objectif de ce partenariat : concentrer tous les outils du Groupe dans les centres de villes moyennes présentant des signes de fragilité, le tout dans le cadre d'une stratégie de redynamisation arrêtée par les élus. Les directions régionales de la Caisse des Dépôts pourront ainsi proposer aux villes de 20.000 à 100.000 habitants des conventions de deux ans renouvelables baptisées "Centres-ville de demain", l'AMF étant chargée d'assurer le suivi du dispositif. Ce partenariat va "permettre de redonner un esprit conquérant, de remettre de l'activité à vocation commerciale", se réjouit François Baroin pour qui les centres ne doivent pas se résumer à des "activités de services, sans âme".

Seuil d'alerte

C'est en effet dans les villes moyennes que les effets de dévitalisation des centres se fait le plus durement ressentir, comme l'a bien montré la journée organisée à la Caisse des Dépôts par l'association Villes de France sur ce thème, le 15 mars (voir ci-contre notre article du 18 mars 2016). Phénomène le plus visible, la vacance commerciale s'est développée dans ces villes plus vite qu'ailleurs. Le taux de vacance, à savoir la proportion de locaux inoccupés, y est souvent le double de celui des métropoles. Depuis 2014, il dépasse en moyenne les 10%, considéré comme un seuil d'alerte. Une situation suivie de près depuis des années par Procos, la fédération du commerce de centre-ville, dont le délégué général, Michel Pazoumian, déclarait amèrement il y a un peu plus d'un an que "les douze grandes métropoles (avaient) gagné la bataille territoriale".
Mais le commerce n'est souvent que le révélateur de problèmes plus profonds. Si une mission confiée à l'IGF et au CGEDD planche actuellement sur le sujet, le diagnostic est déjà bien connu. Souvent, ces villes ont souvent subi de plein fouet le phénomène de désindustrialisation, des récentes réformes administratives... S'en est suivi un déclin démographique. Face à la désindustrialisation, les élus n'ont trouvé comme parade que le développement des zones commerciales en périphérie… accélérant d'autant le dépérissement du centre. Perpignan est l'un des exemples les plus criants de cette crise, avec un taux de vacance de 16% en centre-ville mais aussi de 11% en périphérie !

Approche globale

A ce titre, l'approche des conventions "Centres-ville de demain" répond au manifeste de Villes de France lancé le 15 mars appelant à des réponses globales et non plus sectorielles. Il s'agira ainsi de traiter simultanément l'ensemble des problèmes qui se posent : les enjeux fonciers et immobiliers, les déplacements (mobilité, accessibilité, connexions…), l'habitat et le logement souvent dégradés et les activités dites de "centralité" (culturelles, touristiques, de loisirs, les services publics…). Et, enfin, les activités commerciales, qui, comme l'explique Michel-François Delannoy, chargé de suivre le dispositif à la Caisse des Dépôts, "se mettent là où il y a les flux".
La première convention Centre-ville de demain devrait être signée le 19 mai à Libourne en Gironde. Plusieurs préalables seront nécessaires à ces signatures. La commune doit tout d'abord être caractérisée par des "indicateurs de fragilité manifeste" de son centre : vacance commerciale élevée, logements vides et dégradés, déclin démographique, pauvreté, perte d'influence… La collectivité devra aussi porter un projet de redynamisation ou un plan d'action (à défaut, elle pourra bénéficier d'un accompagnement de la Caisse des Dépôts). Par ailleurs, la convention devra être signée par la commune mais aussi par son intercommunalité d'appartenance. "La collectivité et l'intercommunalité doivent être au clair sur la maîtrise de l'urbanisme et l'urbanisme commercial", insiste Michel-François Delannoy.
S'agissant de l'offre, c'est toute la boîte à outils de la Caisse des Dépôts qui sera mise à contribution : ingénierie technique, juridique et financière, prêts de courts et longs termes, interventions en fonds propres, expertise des nombreuses filiales du groupe… Sans oublier l'économie mixte. "On va travailler avec les élus à repositionner l'intervention des SEM dans ce sens", souligne Marc Abadie, le directeur du réseau et des territoires.

Un dizaine de démonstrateurs

Pour affiner au mieux son offre, la Caisse des Dépôts est prête à faire preuve d'inventivité. Elle va lancer des expérimentations dans une dizaine de villes pour tester de nouvelles solutions. L'annonce avait été faite par le directeur général du Groupe, Pierre-René Lemas, lors de son déplacement à Châlons-en-Champagne, le 4 février, l'une des villes emblématiques des profondes mutations en cours dans ces territoires, au croisement des réformes administratives militaires, territoriales et de déclin industriel et démographique... Comme elle, huit autres sites ont été choisis, sur la base du volontariat des élus : Vierzon, Cahors, Nevers, Valence, Flers, Lunéville, Miramas, Perpignan (qui, exception à la règle, dépasse le seuil des 100.000 habitants). Une ou deux villes d'Outre-Mer qui restent à déterminer feront également partie de la liste. "Nous souhaitons revenir sur une dynamique d'expérimentation. Assumer les risques de l'échec", souligne Pierre-René Lemas. Parmi les dix démonstrateurs, trois d'entre eux – Perpignan, Châlons-en-Champagne et Vierzon – figuraient déjà dans la liste des centres-ville particulièrement menacés que Procos avait dévoilée en 2013, au côté d'Alençon, Arras, Aubenas, Béziers, Châteauroux, Grasse, Lannion, Lens, Roubaix ou encore Tourcoing…
Les dix démonstrateurs sont aujourd'hui présents dans huit des nouvelles régions. Mais à travers ce "laboratoire territorial", le but est à terme de couvrir l'ensemble des treize grandes régions qui, plus que jamais, auront leur mot à dire à travers leurs nouveaux schémas de développement économique et d'aménagement du territoire. "Les régions ne peuvent pas faire l'impasse sur ces réseaux de villes secondaires où vivent à peu près la moitié des Français", estime Michel-François Delannoy, alors que le phénomène de métropolisation est un sujet d'inquiétude pour les villes moyennes. D'ailleurs, plusieurs régions, comme le Centre et l'ex-Champagne-Ardenne, ont déjà fait de la revitalisation des centres une priorité de leur contrat de plan Etat-région (CPER) 2015-2020.

Un comité interministériel mi-mai

A noter que l'action de la Caisse des Dépôts ne se limite pas aux centres des villes moyennes. Elle apporte aussi sa contribution aux programmes gouvernementaux de revitalisation des centres-bourg, en finançant notamment des études complémentaires. En 2014, 54 centres de bourgs de moins de 10.000 habitants ont été sélectionnés dans le cadre d'un appel à projets pour des programmes de revitalisation transversaux. Suite à quoi, il a été décidé lors du Comité interministériel aux ruralités (CIR) du 14 septembre dernier d'élargir cette politique aux centres des villes de moins de 50.000 habitants, avec une enveloppe de 300 millions d'euros à la clé (prise sur le fonds exceptionnel d'un milliard d'euros destiné à soutenir l'investissement local). "Ces mesures feront l'objet d'une évaluation et de nouveaux engagements seront pris lors du prochain CIR qui sera réuni dans les prochaines semaines", a précisé le ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales Jean-Michel Baylet, invité des 25 ans de Mairie-conseils. Ce comité est attendu pour la mi-mai.

 

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