L'Arcep nouveau régulateur de la donnée dans un paysage déjà saturé

L'Arcep avait inscrit le cloud et la donnée à l'agenda de sa rencontre annuelle sur les territoires connectés le 30 septembre 2025. L'occasion de présenter les nouvelles missions du régulateur et d'écouter les attentes des élus. Si certaines exigences comme l'interopérabilité résonnent avec les attentes des territoires, les élus ont surtout déploré le manque d'approche globale de l'État sur la donnée.

Depuis la loi sur la sécurisation de l'espace numérique (Sren) du 21 mai 2024, l'Arcep ne régule plus seulement les tuyaux, mais aussi ce qui y circule. Plus précisément, ou plus modestement, l'autorité labellise les services d'intermédiation de données créés par le Data Governance Act (DGA) et a pour mission de contribuer à l'interopérabilité du cloud, sur la base du Data Act, entré en vigueur le 12 septembre (voir notre article du 15 septembre).

Olivier Delclos, en charge du dossier à l'Arcep, a présenté un premier bilan de ces nouvelles missions. Ainsi sur les 23 intermédiaires de données "notifiés" en Europe, 9 sont établis en France. Parmi ces derniers, Mi-Trust, qui permet aux individus de transmettre leurs données personnelles à des organisations tierces, publiques ou privées, pour éviter les ressaisies et HubOne Data Trust, créé avec l'appui de la Banque des Territoires, sur le partage de données professionnelles. Ces intermédiaires neutres interviennent dans des secteurs variés - santé, logistique aéroportuaire, tourisme, immobilier, spatial, éducation – et proposent de la donnée fiable et sécurisée. 

Côté cloud, l'Arcep a achevé une consultation sur l'interopérabilité et la portabilité des services d'informatique en nuage et la recommandation finale de l'autorité est attendue dans les prochaines semaines. "Elle définit de bonnes pratiques de transparence en se basant sur les codes de conduite élaborés par l'écosystème", précise Olivier Delclos. Ces recommandations pourront notamment être reprises par les acteurs publics pour rédiger les cahiers des charges de leurs appels d'offre.

Un acteur de plus sur le champ de la data

Ces nouvelles missions ont soulevé un enthousiasme modéré chez les élus. Valérie Nouvel, vice-présidente du département de la Manche et co-rédactrice du rapport "Territoires connectés et durables", a rappelé que le paysage institutionnel français était déjà particulièrement dense sur le champ de la donnée. Et de citer dans le désordre la Dinum, le Cnig, le Cerema, l'IGN, la Cnil… tout en déplorant que "les gouvernements successifs aient morcelé la compétence numérique" avec pour résultat un fonctionnement "en silo, sans gouvernance globale ".

Constance Nebbula, présidente d'Open Data France et vice-présidente de la région Pays de la Loire, abonde dans ce sens : "Ça fait des années qu'on plaide pour une stratégie et une gouvernance nationale", ajoutant vouloir réclamer "pour une fois" plus de normes sur le champ de la donnée. 

Accéder aux données de l'État

Il s'agirait notamment de réguler l'accès aux données locales compilées par les services de l'État. Il est vrai que le circuit actuel est aberrant comme l'illustre Valérie Nouvel : "Les départements transmettent leurs données sociales à l'État... qui les leur renvoie deux ans plus tard", résume l'élue qui espère voir l'Arcep jouer un rôle d'intermédiaire entre les collectivités et l'État "pour favoriser la réciprocité". 

Le projet "Département Data" porté par Départements de France se positionne à cet égard comme précurseur. Ces derniers mois, les départements ont travaillé sur quelques jeux de données partagés avec des services de l'État à fort enjeu financier : RSA, droits de mutation, mineurs non accompagnés. Disponibles plus rapidement, les données sont désormais présentées sous forme d'indicateurs au format normalisé. Ils peuvent être utilisés par les départements pour le pilotage local comme à l'échelle nationale pour étayer les négociations avec l'État.

De son côté, Constance Nebbula invite à suivre l'exemple du "comité ligérien de la donnée" créé à l'initiative de la région Pays de la Loire. Cette instance réunit élus locaux, Sgar, ARS, Insee… soit "tous les partenaires publics et décentralisés des collectivités, qui, elles, sont toutes génératrices de données. On n'est plus chacun dans notre coin. Quand on les partage, on peut créer du service" se félicite l'élue. Mis en place en janvier dernier, ce comité doit se réunir deux fois par an pour discuter de thématiques partagées telles que la santé ou les transports. 

Le cas emblématique du jumeau numérique

À brève échéance, le jumeau numérique cristallise la plupart des enjeux évoqués lors de cette table ronde en matière de gouvernance et d'interopérabilité des données tout en promettant de répondre à des objectifs politiques concrets. C'est ce qu'a illustré Gaël Sérandour, directeur des investissements Infrastructures à la Caisse des Dépôts, en évoquant les projets de Lorient Agglomération sur le trait de côte ou encore de la Vendée et son cadastre solaire, deux projets accompagnés par la Banque des Territoires dans le cadre de l'appel à projets Territoires durables et connectés. Pour essaimer et passer à l'échelle, ces projets ont cependant besoin de normes, celles-ci étant attendues autant par les collectivités que par les industriels.

Valérie Nouvel s'est réjouie à cet égard de l'entrée en phase opérationnelle de l'Edic (European digital infrastructure consortium) piloté par la France sur les jumeaux numériques. Coordonné par le Cerema, l'Edic LDT Citiverse associe 14 pays membres pour définir des standards et bonnes pratiques pour la mise en œuvre de jumeaux numériques. Il a notamment dans ses objectifs d'améliorer la coopération transfrontalière pour la gestion des crises climatiques (inondations, feux de forêt). Ce projet fait aujourd'hui l'objet d'une consultation publique pour recueillir les attentes des acteurs locaux. 

Il restera maintenant à savoir ce que peut proposer l'Arcep pour répondre aux attentes des collectivités. Car si l'on s'en tient au cadre actuel, ses prérogatives en matière de données sont forts limitées.

 

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