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Enfance - L'Assemblée vote la proposition de loi sur l'adoption

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 1er mars, la proposition de loi relative à l'enfance délaissée et à l'adoption. Présenté en septembre dernier par Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes, ce texte a pour principale ambition de redéfinir la notion de "délaissement parental" pour faciliter les adoptions nationales (voir nos articles ci-contre du 26 septembre 2011 et du 14 février 2012).
Sa principale innovation réside dans une définition plus stricte de la notion de délaissement parental, dont la mise en oeuvre peut déclencher le processus judiciaire susceptible d'aboutir à la reconnaissance du caractère adoptable de l'enfant. La définition adoptée par l'Assemblée est qu'"un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée d'un an". La demande en déclaration d'abandon est transmise par le particulier lui-même (cas a priori rarissime), par l'établissement ou par le service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) qui a recueilli l'enfant délaissé par ses parents. Elle peut également être présentée par le ministère public agissant d'office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants. Pour éviter les situations actuelles d'entre-deux où des enfants abandonnés dans les faits ne sont pas adoptables parce qu'un des parents naturels se manifeste de façon très épisodique, le texte précise que "la simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée mais non suivie d'effet de reprendre l'enfant ne constitue pas un acte suffisant pour rejeter de plein droit une demande en déclaration d'abandon. Ces démarches n'interrompent pas le délai mentionné au premier alinéa". En revanche, l'abandon ne peut être déclaré si, dans le délai d'un an évoqué dans la définition du délaissement, "un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à l'intérêt de ce dernier". S'il est appliqué de façon littérale, ce texte devrait donc se traduire par une croissance sensible du nombre d'enfants faisant l'objet d'une déclaration d'abandon.
Lors de l'examen du texte, les députés ont repris les amendements adoptés par la commission spéciale chargée de l'examen du texte (voir notre article ci-contre du 14 février 2012). Parmi ceux-ci figurent notamment l'élaboration de référentiels sur l'évaluation des candidats à l'agrément et la rédaction des rapports d'enquête psychologique et sociale, qui devraient faciliter la tâche des départements (chargés de l'agrément des candidats à l'adoption).

La kafala s'invite dans le débat

La surprise n'est donc pas venue du texte lui-même - la version votée par l'Assemblée est très proche de la version initiale -, mais des conditions de son adoption. En effet, la commission spéciale - composée de 70 membres désignés à la proportionnelle des groupes - avait adopté le texte à l'unanimité (voir notre article ci-contre du 14 février 2012). Or, lors de la séance du 1er mars, le groupe socialiste a finalement choisi de voter contre le texte, après avoir pourtant voté la plupart des amendements proposés par la rapporteure, de même que les articles (lors de la discussion par articles). Lors des explications de vote sur l'ensemble du texte, Patricia Adam, députée du Finistère, qui justifiait la position de son groupe, a expliqué que "la position adoptée sur la kafala judiciaire fait que cela nous est désormais impossible". Le groupe socialiste aurait en effet souhaité que le débat sur la proposition de loi soit l'occasion de régler ce problème récurrent depuis 20 ans de la kafala, autrement dit une forme d'adoption très informelle propre à la civilisation musulmane et qui n'est pas reconnue par les tribunaux français, ce qui peut créer de graves difficultés aux familles concernées. Cette question n'ayant pas été traitée - même si tous les groupes sont unanimes pour essayer de la traiter dans des conditions humainement satisfaisantes - le groupe socialiste a choisi de voter contre le texte, tout en affirmant que "la proposition de loi que nous examinons marquera un progrès certain dans la procédure existante en matière d'adoption pour beaucoup d'enfants".
Lors de sa conclusion des débats, Claude Greff - la secrétaire d'Etat chargée de la famille - a néanmoins considéré que les députés pouvaient "être fiers d'avoir fait voter la notion si importante de délaissement parental" et a estimé qu'"avoir parlé de la kafala au sein de cet hémicycle fera avancer les choses, dans le respect des accords". Une solution pourrait donc être trouvée lors de l'examen par le Sénat, même si le texte ne sera sans doute pas définitivement adopté avant la nouvelle législature.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Assemblée nationale, proposition de loi sur l'adoption, déposée par Michèle Tabarot et plusieurs de ses collègues (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 1er mars 2012).

 

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