Archives

L'Assemblée vote une proposition de loi sur l'adoption forte surtout en symboles

L'Assemblée nationale a adopté ce 4 décembre, en première lecture, une proposition de loi visant à réformer l'adoption. Si ce texte comporte de nombreuses mesures assouplissant l'accès à l'adoption, en l'ouvrant notamment aux couples non mariés et en abaissant l'âge minimum des couples adoptants, il ne peut rien changer au fait qu'il y a de moins en moins d'enfants à adopter.

L'Assemblée nationale a adopté le 4 décembre, en première lecture, une proposition de loi visant à réformer l'adoption. Un domaine dans lequel les départements jouent un rôle essentiel. Le texte était présenté par Monique Limon, députée (LREM) de l'Isère (et ancienne directrice du développement social, puis de l'insertion, au département de l'Isère). Il s'inspire très largement des résultats de la mission sur l'adoption confiée en avril 2019 par Adrien Taquet, le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, à Monique Limon et Corinne Imbert, sénatrice (LR) de Charente-Maritime (voir notre article du 18 avril 2019). 

 

"Donner une famille à un enfant et non l'inverse"

Le texte initial était déjà très dense, avec 18 articles et une douzaine de pages. Sur un sujet qui touche chacun, même si très peu de Français sont effectivement concernés, le texte a donné lieu au dépôt de pas moins de 200 amendements en commission et 572 en séance publique. Cinq séances ont été consacrées à son examen et la proposition de loi ressort de l'Assemblée avec 26 articles et 23 pages.

La proposition de loi s'appuie sur plusieurs constats, et notamment le fait que, quatre ans après la réforme opérée par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant (voir notre article du 22 mars 2016), "le régime juridique relatif à l'adoption connaît encore des lacunes auxquelles la présente proposition de loi propose de remédier, en respectant les deux principes fondamentaux en la matière, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant et la volonté de donner une famille à un enfant et non l'inverse". Sans oublier le constat récurrent d'une "application hétérogène selon les territoires".

 

Ouverture de l'adoption aux couples non mariés et abaissement de l'âge minimum

La proposition de loi clarifie, sans pour autant les modifier, les conséquences de l'adoption simple. Le sibyllin "l'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires" de l'article 364 du code civil deviendrait ainsi "l'adoption simple confère à l'adopté une filiation qui s'ajoute à sa filiation d'origine. L'adopté conserve ses droits dans sa famille d'origine".

Le texte prévoit aussi d'assouplir les conditions pour les adoptants, en phase avec les évolutions de la société. Aujourd'hui, seuls peuvent en effet adopter les couples mariés et les célibataires (d'où parfois les tentatives pour dissimuler l'existence d'un(e) concubin(e)). La proposition de loi prévoit d'ouvrir l'adoption aux couples liés par un Pacs et aux concubins. Cette disposition mettrait fin à la différence de traitement face à l'adoption entre couples hétérosexuels et homosexuels mariés et couples hétérosexuels et homosexuels non mariés.

De même, le texte abaisse l'âge minimum des parents adoptants de 28 à 26 ans et réduit de deux ans à un an la durée de vie commune exigée. En revanche, les députés ont supprimé une disposition du texte initial, qui prévoyait un écart d'âge maximum de 50 ans entre les adoptants et l'adopté. L'argument avancé pour cette suppression est de ne pas pénaliser l'adoption d'enfants plus âgés et notamment des "enfants à besoins spécifiques" (handicapés, malades...).

 

Formation des adoptants et PMA

La proposition de loi introduit également un nouvel article dans le code  civil, prévoyant que "toute adoption plénière conduisant à une confusion des générations est prohibée". En pratique, cela interdira l'adoption plénière entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs. La possibilité d'adoption plénière est en revanche étendue jusqu'à 21 ans sous certaines conditions : si l'enfant a fait l'objet d'une adoption simple avant ses 15 ans, s'il s'agit de l'enfant du conjoint ou s'il s'agit d'un pupille de l'État ou d'un enfant judiciairement déclaré délaissé. De façon plus large, la proposition de loi favorise l'adoption plénière des enfants de plus de quinze ans, notamment pour les assistantes familiales qui les ont accueillis au titre de l'aide sociale à l'enfance.

En matière de procédure, le texte sécurise la période de placement en vue de l'adoption, en précisant que "les futurs adoptants peuvent réaliser les actes usuels de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant". La formation des adoptants est également renforcée, la délivrance de l'agrément en vue d'adoption, par le président du conseil départemental, étant conditionnée à "une préparation portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l'adoption, compte tenu de la réalité de l'adoption nationale et internationale, ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive".

Lors de la discussion du projet de loi, les députés ont également adopté un amendement sur la question délicate de la filiation des enfants d'un couple de femmes nés à l'étranger par PMA. Il entend régler le mécanisme d'établissement de la filiation à l'égard de la femme qui n'a pas accouché, lorsque celle qui a accouché s'oppose à la reconnaissance conjointe devant notaire (en cas de séparation du couple, par exemple). L'amendement prévoit, dans ce cas, le recours à l'adoption pour la femme qui n'a pas accouché, et cela malgré la séparation du couple et le refus de la femme qui a accouché de recourir à la reconnaissance conjointe. L'intervention du juge est alors indispensable, car il est le seul à même d'établir ce second lien de filiation.

 

Le recueil d'enfants devient une compétence exclusive de l'ASE

La proposition de loi consacre un chapitre au statut des pupilles de l'État. L'objectif est de renforcer ce statut et d'améliorer le fonctionnement des conseils de famille, présents dans chaque département (par exemple en rendant obligatoire la formation de ses membres). Le texte clarifie ainsi les conditions d'admissions dans le statut de pupille de l'État. Il prévoit notamment que le recueil d'enfants devient une compétence exclusive de l'ASE, ce qui permettra à ces derniers d'accéder au statut de pupille de l'État. Cette mesure supprime de fait l'activité nationale des organismes autorisés pour l'adoption (OAA), qui ne pourront plus recueillir d'enfants en France. Leur activité se trouve ainsi réduite aux adoptions internationales, en chute libre depuis plusieurs années. Un amendement du gouvernement autorise toutefois les OAA à exercer un rôle d'accompagnant des départements pour la recherche de familles, dans le cas notamment des enfants à besoins spécifiques. Les OAA pourront aussi continuer d'exercer leurs missions de préparation et d'accompagnement des familles adoptantes.

Enfin, un autre amendement du gouvernement assouplit les conditions de recours et les modalités de mise en œuvre du congé pour adoption, récemment allongé de 10 à 16 semaines par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

 

Des principes, mais quels effets pratiques ?

À la fin de la discussion en séance plénière, Adrien Taquet a expliqué que "nous avons fait progresser très concrètement de grands principes au travers de ce texte. La loi de 2016, portée par Laurence Rossignol, avait déjà permis des avancées, notamment sur la question du délaissement. Les dispositions adoptées aujourd'hui font avancer concrètement les droits des enfants. Tout l'intérêt de ce texte est de rendre effectifs, concrets et réels, de grands principes de notre droit". Le texte devrait donc aller jusqu'au bout de son parcours, même si des amendements sont à attendre du côté du Sénat.

Si la proposition de loi apporte effectivement toute une série d'améliorations de principe bienvenues, ses conséquences pratiques risquent toutefois de demeurer très limitées. Par exemple, l'abaissement de l'âge minimum des adoptants de 28 à 26 ans ne changera pas grand-chose alors que l'âge moyen actuel est de 41 ans. Il en est de même pour la réduction de deux ans à un an de la durée de vie commune. Mais le principal frein reste, bien entendu, le recul continu de l'adoption. Le nombre d'adoptions internationales en France s'effondre depuis plusieurs années. Il s'élevait encore à 3.508 en 2010 et a été divisé par près de six en moins de dix ans, Et la situation n'est pas vraiment meilleure en matière d'adoption nationale. Seuls 750 enfants sont adoptés chaque année sur environ 2.600 pupilles. Une situation qui s'explique notamment par le fait que l'âge moyen des pupilles de l'État est de 8,1 ans, avec une proportion importante d'enfants à besoins spécifiques. La proposition de loi risque donc d'être forte en symboles – au demeurant justifiés – davantage qu'en effets pratiques.

Référence : proposition de loi visant à réformer l'adoption (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2020).
 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis