Le bail réel solidaire : une réponse efficace à la crise du logement ?

Proposer à l’accession des logements neufs à des prix abordables en zones tendues, voilà tout l’enjeu du dispositif du BRS, le bail réel solidaire. Si le dispositif, qui s’appuie sur une dissociation du foncier et du bâti, répond bien à une problématique identifiée par les acteurs du logement social et solidaire, il n’est cependant pas une "baguette magique", préviennent-ils.

À l’heure où l’écosystème du logement social s’ingénie à trouver un moyen, dans un contexte de crise prononcée, de relancer la construction de logements neufs, le ministre du Logement, Patrice Vergriete, a rappelé début octobre à l’occasion du congrès de l’USH qui s’est tenu à Nantes tout le bien qu’il pensait du dispositif du bail réel solidaire, le BRS : un dispositif offrant de dissocier le foncier du bâti dans l’optique de réduire d’autant la charge pour les ménages accédants. Profitant de la signature d’un accord d’engagements commun avec la présidente de l’Union social pour l’habitat, Emmanuelle Cosse, le ministre a ainsi confirmé son souhait de relever les plafonds de ressources pour les aligner sur ceux du PLS accession (voir notre article du 5 octobre 2023). Une demande qui était d’ailleurs portée par la Fédération des Coop'HLM et l'USH depuis plus d’un an. En parallèle, la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau) s’est, elle aussi, penchée sur la question récemment en faisant des propositions visant à déployer davantage un dispositif jugé "agile au bénéfice des territoires et des habitants" (voir notre article du 10 octobre 2023).

Dans le cadre du CNR Logement initié à l’automne dernier et dont les conclusions avaient été rendues publiques début juin, le groupe de travail "Redonner aux français du pouvoir d’habiter" avait lui aussi fait une série de propositions destinée à "relancer l’accession sociale à la propriété sans alimenter la spéculation". On y trouvait notamment l’objectif de "massifier la mise à disposition de logements en BRS", soit la conversion de 100.000 logements en deux ans. Une trajectoire qui devait permettre, selon les conclusions du CNR Logement, de répondre aux classes moyennes fragilisées par l’inflation, de soulager la pression sur le parc social en réorientant une partie de la demande, d’améliorer une partie du parc le plus dégradé ou encore de préserver une partie significative du parc immobilier des filières spéculatives.

La "baguette magique" du BRS

Un inventaire qui ferait passer le BRS pour une solution miracle susceptible de répondre à tous les maux du logement social et solidaire. Ce contre quoi Cécile Hagmann, directrice générale de la Coop foncière francilienne (CFF), met en garde : "Le BRS répond à un besoin spécifique et est particulièrement adapté aux secteurs tendus. La difficulté c’est qu’aujourd’hui il est vécu comme un outil un peu 'baguette magique' et que le risque est grand qu’il perde son sens initial et ce qui fait notamment son utilité sociale." Le BRS, rappelle-t-elle, "est un outil de démembrement de la propriété qui permet aux OFS (organismes fonciers solidaires) de conserver la propriété et de céder un droit réel immobilier à des ménages" désireux d’accéder à la propriété. Des ménages retenus sous conditions de ressources, "qui ne sont pas forcément des ménages modestes mais qui ont malgré tout des difficultés à se loger en Île-de-France".

Résultat des courses, "dans une opération qui coûte la même chose qu’une opération classique, on doit pouvoir assez facilement proposer une décote de l’ordre de 30% par rapport au marché libre avec un prix moyen de 3.700 euros du m²". Les acquéreurs devant s’acquitter pendant la durée d’occupation du bien d’une redevance auprès de l’OFS qui les a accompagnés. Sur le territoire francilien, les opérations portées par la CFF représentent approximativement 50% du portefeuille global des BRS en Île-de-France, souligne Cécile Hagmann : soit 1.600 logements sur une quarantaine de communes. "En 2020, nous avons engagé 190 logements, puis 380 en 2021 et enfin 600 en 2020." Et même si le marché se tasse aujourd’hui, l’intérêt pour le dispositif ne semble pas se démentir : "On commence à voir des BRS demandés dans les consultations alors qu’avant on allait voir les élus pour les convaincre !"

Un dispositif à même de provoquer un "choc de l’offre" ?

Reste que les ordres de grandeur sont relativement éloignés des objectifs affichés au printemps dernier par le CNR Logement. Maire de Villeurbanne et vice-président de la métropole de Lyon, Cédric Van Styvendael, qui a copiloté dans le cadre du CNR Logement le groupe de travail, s’explique : "Le BRS est un dispositif sur lequel nous sommes mobilisés depuis longtemps" et qui "répond à la problématique des jeunes ménages dans les villes où le marché est tendu". Concrètement, explique l’élu, "les ménages passent d’un T2 à un T3 avec l’effet du BRS". Mais afin de provoquer ce "choc de l’offre" qu’il appelle de ses vœux, il faudrait changer d’échelle, estime-t-il : "Le BRS ne peut pas se faire entièrement dans le neuf, d’où la proposition du CNR Logement de rachat de 100.000 logements qui seraient ensuite revendus en BRS".

Une proposition qui, in fine, n’a pas été retenue par le gouvernement lors de ses annonces du 5 juin dernier et qui lui a préféré l’augmentation des plafonds de ressources "afin de permettre à davantage de ménages de pouvoir être éligibles à ce dispositif". Un choix confirmé depuis par le ministre du Logement Patrice Vergriete, qui fait réagir la directrice générale de la Coop foncière francilienne : "On cherche à rendre le BRS plus fluide mais il faut se méfier de cette volonté de faire évoluer un dispositif qui n’en est qu’à ses balbutiements et que l’on risquerait ainsi de fragiliser." "Ce que nous défendons, rappelle-t-elle, c’est une lecture sociale et solidaire du BRS et donc je ne suis pas convaincu par un élargissement dans tous les sens du dispositif."

 

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