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Handicap - Le Conseil constitutionnel valide, pour mémoire, la condition d'inactivité pour l'octroi de l'AAH

Saisi par une personne handicapée, le Conseil constitutionnel s'est prononcé, dans une décision du 29 avril 2011, sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative aux conditions d'octroi de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). A cette occasion, le Conseil a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article L.821-2 du Code de la sécurité sociale (CSS), qui fixe une condition de non activité pour l'ouverture du droit à l'AAH. La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) doit avoir constaté que le demandeur rencontre, "compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret". Mais, dans la rédaction de l'article L.821-2 en vigueur entre le 27 décembre 2006 et le 29 décembre 2008, s'ajoutait une autre condition relative à l'inactivité, puisqu'il fallait aussi que le demandeur n'ait "pas occupé d'emploi depuis une durée fixée par décret". La délibération du Conseil constitutionnel omet d'ailleurs de préciser qu'elle porte sur une disposition aujourd'hui abrogée.

Une balle dans le pied...

La décision du Conseil n'en apporte pas moins un éclairage intéressant sur le lien complexe entre AAH et activité, qui est d'ailleurs au cœur de la récente réforme de cette prestation. Ce principe d'inactivité a été posé par le 4° de l'article 16 de la loi Handicap du 11 février 2005 et par un décret du 29 juin 2005, qui fixait cette durée d'inactivité à un an. Introduite par un amendement gouvernemental - présenté alors comme un simple amendement de coordination et pas vraiment discuté -, cette disposition visait simplement, selon ses auteurs, à "préciser la condition tenant à l'impossibilité de se procurer un emploi compte tenu du handicap, en ajoutant un critère objectif lié à une activité antérieure à la demande". Ce critère a été repris dans la loi de finances pour 2007, qui a introduit la rédaction contestée dans l'article L.821-2 du CSS.
En réalité, cette disposition d'apparence anodine, voire protectrice contre d'éventuelles appréciations arbitraires de la capacité à travailler, s'est rapidement révélée lourde d'effets pervers. Sur le fond, elle est vite apparue en totale contradiction avec la volonté, affichée par ailleurs, d'encourager les bénéficiaires de l'AAH à retrouver un travail. En pratique, elle s'est traduite par la mise en difficulté de bénéficiaires de l'AAH (comme, sans doute, l'auteur du recours). C'est le cas, par exemple, des personnes handicapées embauchées dans le cadre d'un contrat d'avenir, supposé favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux (dont l'AAH). En effet, pendant la durée du contrat d'avenir, l'intéressé continue à percevoir son allocation, dont est cependant déduit le montant de l'aide forfaitaire (égale au montant mensuel du RMI pour une personne isolée) versée à l'employeur, lequel reversera cette somme à son employé handicapé sous forme de salaire... De ce fait, le bénéficiaire perdait le bénéfice de l'AAH à l'issue de son contrat d'avenir, puisqu'il ne répondait plus à la condition de non emploi.

Le droit à l'erreur du législateur

Pourtant, le Conseil constitutionnel considère "que le 2° de l'article L.821-2 tend à définir un critère objectif caractérisant la difficulté d'accéder au marché du travail qui résulte du handicap ; qu'en excluant du bénéfice de cette allocation les personnes ayant occupé un emploi depuis une durée définie par décret, le législateur a fixé un critère qui n'est pas manifestement inapproprié au but poursuivi". Ainsi que l'indique plus prosaïquement le commentaire aux cahiers, qui explicite la décision, "l'éventuelle erreur du législateur ne peut pas constituer une cause d'inconstitutionnalité au seul motif qu'elle est susceptible d'être constatée a posteriori"... Bonne nouvelle toutefois : l'erreur n'aura pas perduré longtemps. La contradiction avec les intentions affichées du chef de l'Etat sur la réforme de l'AAH - favoriser le retour à l'emploi et permettre le cumul de la prestation avec un salaire - était devenue trop évidente. Un an après celle de 2007 qui l'avait introduite dans le CSS, la loi de finances pour 2008 a donc supprimé cette condition de non emploi, Désormais, la seule condition prise en considération pour l'octroi de l'AAH - outre celle liée au taux d'incapacité - réside dans la reconnaissance, par la MDPH, de l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Ce qui n'exclut pas pour autant d'en obtenir un...

Référence : Conseil constitutionnel, décision 2011-123 QPC du 29 avril 2011, conditions d'octroi de l'allocation aux adultes handicapés (Journal officiel du 30 avril 2011).