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Asile / Logement - Le Conseil d'Etat annule pour partie les dispositions de l'allocation pour demandeurs d'asile

La disposition annulée concerne le montant journalier additionnel pour les demandeurs d'asile adultes ayant accepté une offre de prise en charge et auxquels aucune place d'hébergement ne peut être proposée. Le Conseil d'Etat considère que le montant prévu (5,40 euros par jour) ne permet pas au bénéficiaire "de disposer d'un logement sur le marché privé de la location"

Dans un arrêt du 17 janvier 2018, le Conseil d'Etat annule certaines dispositions du décret du 29 mars 2017 portant diverses dispositions relatives à l'allocation pour demandeur d'asile. Créée par la loi du 31 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et précisée par un décret du 21 octobre 2015, l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) remplace l'allocation temporaire d'attente (ATA) - qui faisait l'objet de critiques récurrentes de la part de la Cour des comptes et du Sénat -, ainsi que l'allocation mensuelle de subsistance (sur le fonctionnement de l'ADA, voir nos articles ci-dessous du 27 octobre et du 11 décembre 2015).

Le "montant journalier additionnel" annulé...

La décision du Conseil d'Etat du 17 janvier 2018 n'annule pas les dispositions du décret du 21 octobre 2015 - et donc les principales modalités de l'ADA -, mais elle censure en revanche deux articles du décret du 29 mars 2017 modifiant ou complétant ce texte initial.
La première - et principale - disposition annulée par le Conseil d'Etat concerne le barème de l'ADA, figurant à l'annexe 7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Il ne s'agit pas en l'occurrence du barème de l'allocation principale (l'ADA proprement dite), qui varie en fonction de la composition familiale : 6,80 euros par jour pour une personne, 13,60 euros pour trois personnes, 23,80 euros pour six personnes...
Le Conseil d'Etat annule en revanche la disposition fixant à 5,40 euros par jour le "montant journalier additionnel" à l'ADA. Celui-ci est versé "à chaque demandeur d'asile adulte ayant accepté l'offre de prise en charge, auquel aucune place d'hébergement ne peut être proposée dans un des lieux mentionnés au 1° de l'article L.744-3 [du Ceseda, ndlr] et qui n'est pas hébergé en application des dispositions de l'article L.345-2-2 du code de l'action sociale et des familles" (autrement dit, à qui n'est pas proposé une place dans un centre d'accueil pour demandeur d'asile et qui ne peut accéder à une place dans une structure d'hébergement d'urgence).

... pour insuffisance de montant

Le plus intéressant est le motif retenu par le Conseil d'Etat. L'alinéa fixant ce tarif est en effet censuré "en tant qu'il ne fixe pas [...] un montant journalier additionnel suffisant pour permettre aux demandeurs d'asile adultes ayant accepté une offre de prise en charge et auxquels aucune place d'hébergement ne peut être proposée de disposer d'un logement sur le marché privé de la location". En d'autres termes, le Conseil d'Etat annule au motif qu'il n'est pas possible de trouver un logement sur le marché privé de la location pour 162 euros par mois (5,4 euros x 30).
Eu égard notamment aux "effets excessifs qu'aurait l'annulation rétroactive des dispositions" concernées et "des risques qu'elle comporterait pour la situation des demandeurs d'asile qui perçoivent le montant journalier additionnel déterminé par ces dispositions", l'arrêt du Conseil d'Etat précise que l'annulation de l'alinéa fixant le montant du montant journalier additionnel prendra effet le 1er juin 2018.
La seconde annulation prononcée par le Conseil d'Etat est de portée bien moindre. Elle concerne en effet l'article 7, qui fixait au 1er avril 2017 la date d'entrée en vigueur des dispositions du décret du 29 mars 2017, alors qu'elle aurait dû l'être au 17 mars en fonction des résultats d'un précédent contentieux.

Le gouvernement a jusqu'au 1er juin 2018 pour fixer un nouveau montant

Alors que l'accueil en structure d'hébergement devient de plus en plus aléatoire au regard d'une croissance du nombre des demandeurs d'asile plus rapide que celle ces capacités des structures spécialisées, le gouvernement doit désormais fixer rapidement un nouveau tarif pour le montant journalier additionnel. Un tarif qui permette d'accéder effectivement à une solution de logement dans le parc privé...
A noter : dans son arrêt, le Conseil d'Etat a en revanche écarté un moyen invoqué par les associations et portant sur le montant inférieur de l'ADA en Guyane et à Saint-Martin par rapport au tarif appliqué sur le reste du territoire national. Le Conseil considère en effet que si, comme le plaidaient les associations, "les prix en Guyane sont plus élevés qu'en métropole, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'établir que le montant de l'allocation versé en Guyane méconnaîtrait les objectifs de la directive [du Parlement et du Conseil européen, ndlr] du 26 juin 2013".

Références : Conseil d'Etat, arrêt n°415436 du 17 janvier 2018, association La Cimade, Fédération des acteurs de la solidarité, association Dom'Asile, Groupe d'information et soutien des immigrés et autres.