Le contrat d’engagement jeune et la gestion des quotas d’heures d’activité
Le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) a tenté de mesurer l’impact de la mise en œuvre du contrat d’engagement jeune, à travers le prisme de l’accompagnement en lien avec l’introduction d’un volet d’heures d’activité en contrepartie d’une allocation mensuelle.
© Marta NASCIMENTO/REA
Le contrat d’engagement jeune a succédé en mars 2022 au dispositif de la garantie jeunes avec comme caractéristique essentielle le conditionnement d’une allocation à la réalisation de 15 à 20h hebdomadaires d’activité. Le Céreq, qui s’est penché sur ce nouveau dispositif a "mis en évidence les effets ambivalents de cette règle" dont la mise en œuvre transforme "profondément les missions des conseillers et leur relation avec les jeunes".
Ce dispositif concerne actuellement quelque 300.000 jeunes chaque année dont les deux tiers sont suivis par des missions locales. Il propose dans le détail un accompagnement renforcé et individualisé de six à douze mois par des conseillers (mission locales ou France Travail) avec à la clé une allocation qui peut atteindre 562 euros par mois. En contrepartie, "les jeunes doivent établir et mettre en œuvre un projet professionnel et réaliser chaque semaine entre 15 et 20 heures d’activité".
Un accompagnement plus intensif
Ce que relève d’emblée le Céreq, c’est que cette contrepartie "modifie les pratiques des conseillers en orientant l’accompagnement vers un suivi plus encadré et traçable". Depuis 2013 et ce jusqu’à la création en 2022 du dispositif du contrat d’engagement jeune, c’est la garantie jeune qui faisait office de filet de sécurité pour près de 100.000 jeunes chaque année, accompagnés par les missions locales. Un dispositif dont l’évaluation, rappelle l’étude, avait laissé apparaître un suivi "insuffisant" avec en moyenne moins de deux entretiens mensuels par bénéficiaire. Le CEJ, imaginé dans un contexte post-Covid particulièrement défavorable pour le public visé, promettait donc une rupture avec l’ambition affichée de mettre en place un accompagnement plus intensif.
Ce que relèvent en priorité les auteurs de l’étude, c’est que le quota de 15 à 20 heures d’activité instauré dans le cadre du CEJ "ne repose sur aucune expérimentation, évaluation d’impact ou concertation avec les acteurs du service public de l’emploi". Un quota envisagé comme une contrepartie et qui a depuis été étendu aux allocataires du RSA et aux demandeurs d’emplois par la loi pour le Plein Emploi du 18 décembre 2023. Cette contrepartie peut être appréciée de manière assez large par les conseillers, souligne l’étude, "qui ajustent, entre contrôle, confiance et adaptation". En fonction des territoires, le contenu des heures d’activité peut ainsi varier, notamment en début de parcours d’accompagnement, avec des participations à des ateliers collectifs sur la rédaction d’une lettre de motivation ou encore la valorisation des compétences.
Le risque de proposer des activités "peu pertinentes pour les jeunes"
L’enquête menée par le Céreq auprès des conseillers eux-mêmes montre que le quota d’heures modifie "la relation d’accompagnement" en introduisant "des critères de classement" qui peuvent amener certains jeunes à se détourner du dispositif. Ils insistent également sur "la charge administrative", assignant les conseillers "à une fonction de reporting qui s’éloigne de leur rôle premier d’appui aux jeunes". En résumé, le dispositif accentuerait "le tiraillement entre le sens de la mission et l’obligation de résultat", selon le ressenti des conseillers eux-mêmes, au point que certains d’entre eux soient amenés à proposer des activités "peu pertinentes pour les jeunes", voire que ces derniers déclarent "des activités fictives" afin d’éviter une sanction. Au final, "à ce jour, aucune étude publiée ne permet de confirmer une intensification de l’accompagnement par rapport à la garantie jeunes", conclut le Céreq.